Si vous cherchez un bouquin dans la bibliothèque flambant neuve du Texas à San Antonio, inutile de faire le tour des 4 000 m², vous ne le trouverez pas. Car ici, c’est sur les ordinateurs que ça se joue. Inaugurée en septembre dernier, cette bibliothèque nouvelle génération, appelée BiblioTech, propose uniquement des livres sous format numérique. Ainsi pour lire son bouquin ou simplement feuilleter, plus besoin de lécher son bout du doigt pour tourner les pages, il faut cliquer avec sa souris.
En tout pas moins de 20 000 e-books, 7 000 comics, 70 magazines, des audiobooks, des films, des musiques sont mis à disposition sur les 48 ordinateurs, les 500 liseuses et les 20 Ipads que compte l’établissement. Tout est également consultable en ligne (même plus besoin de se déplacer) sur leur site internet. On est donc bien loin de l’image traditionnelle de la bibliothèque, comme le fait remarquer Medi(A)merica, services culturels de l’ambassade de France aux États-Unis :
« Ce nouvel espace ressemble à une boutique Apple aux teintes orangées »
Benoit Epron, directeur de recherche à l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib) de Lyon, tente une autre comparaison :
« La bibliothèque du Texas, c’est un peu une sorte de cybercafé ».
La vidéo de présentation de la BiblioTech de San-Antonio donne une idée de ce à quoi pourrait ressembler la bibliothèque du futur.
Une bibliothèque sans livre est-elle toujours une bibliothèque ?
Mais cet établissement peut-il toujours être considéré comme une bibliothèque ? Selon Benoît Epron, le fait de ne trouver que des livres numérisés ne remet pas en cause le statut même de bibliothèque mais simplement son mode de fonctionnement :
« Dans la bibliothèque de la Part-Dieu par exemple, les livres sont classés dans différents lieux selon leur thématique. L’usager peut donc se balader, il sait tout de suite où il est et ce qu’il va y trouver. Il faut arriver à transférer cette interaction au numérique pour le rendre attractif et facile d’utilisation ».
Le passage au « tout numérique » engendre de nombreuses questions. Une fois les étagères supprimées, comment réorganiser l’espace ? Faut-il diversifier les services proposés dans les bibliothèques ? Que deviennent les bibliothécaires ? Pour l’instant peu de réponses existent tant le sujet est récent mais quelques pistes commencent à être explorées.
On commence notamment à créer dans les espaces libres de livres en papier des open space dédiés au travail en groupe ou encore des lieux réservés à des services spécifiques comme par exemple la recherche d’emploi.
Concernant le rôle des bibliothécaires, là aussi des hypothèses prennent forme. N’ayant plus besoin de consacrer du temps à l’organisation, au rangement et au prêt des livres, le personnel pourrait avoir plus un rôle de médiation et de renseignements estime Benoît Epron :
» Ainsi la bibliothèque pourrait réellement redevenir un service public », ajoute-t-il.
Mais pour lui une chose est sûre, les bibliothèques ne disparaîtront pas, elles ne feront qu’évoluer :
« Depuis toujours, la bibliothèque est un espace très important dans la société. Elle permet de se rencontrer librement pour échanger. Avec le numérique, son utilisation va changer. On ira moins dans les bibliothèques pour feuilleter des livres que pour rencontrer des personnes pour nous renseigner et échanger « .
« Les livres ne disparaîtront pas totalement »
Difficile cependant d’imaginer une bibliothèque remplie uniquement d’ordinateurs. Les bibliothèques du futur ne pourraient-elles pas être hybride ? Selon toute vraisemblance oui, explique Benoît Epron :
« Je ne pense pas que les livres disparaîtront totalement. La vision la plus réaliste serait une cohabitation croisée entre le numérique et le papier pour que ces deux formats se complètent. Cela existe déjà par exemple à la BNF à Paris. Le fond numérique Gallica marche très bien ».
Mais pour l’instant, la biblioTech de San Antonio au Texas reste une exception. Après seulement un an de fonctionnement, le recul n’est pas suffisant pour dire si ce type d’établissement remporte l’adhésion du public.
En 2002, toujours aux Etats-Unis, le réseau des bibliothèques publiques en Arizona avait déjà tenté l’expérience du 100 % numérique, en vain. Après quelques années de fonctionnement, l’établissement avait réinstallé des livres papiers à la demande des usagers.
En France, même si l’adhésion aux livres numériques reste faible, (la part des ventes de livres numériques est de 3 % contre 20 % aux Etats-Unis), elle progresse tout de même (plus 1 % entre 2011 et 2012).
Toutefois, il semblerait que l’ère du tout numérique dans nos bibliothèque ne soit pas à l’ordre du jour. Dans notre pays, selon une enquête portant sur l’année 2011 de l’Observatoire de la lecture publique, 98,5 % des établissements ne disposent pas d’ouvrages numériques.
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