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Bourse aux équipiers : comment je me suis payé des vacances en voilier

Partir en mer, naviguer cet été, faire le tour du monde en voilier… Ces projets poétiques ont un goût d’impossible surtout vus de Lyon. Impossible, vraiment ? Des plate-formes internet permettent aujourd’hui aux apprentis aventuriers de trouver facilement un embarquement, avec ou sans expérience.

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7-Bourse-aux-equipiers©Rue89Lyon

Voilier en croisière hauturière sur l’Atlantique ©Samuel Duprat

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » Comme disait Charles Baudelaire.

Vagabond détaché des exigences matérielles, voyageur affranchi voguant au gré du vent, on se plaît à rêver aux immensités maritimes. L’envie d’aventure maritime coince son nez dans l’embrasure de la porte de vos vacances.

Mais le voilier porte le poids de quelques préjugés : sport de nantis ou de compétition, d’aucun se mettrait à penser qu’il n’est pas accessible au commun des mortels. Pour franchir le pont, et puisque l’heure est à la collaboration, pourquoi ne pas commencer par naviguer sur internet ?

1. « Des sites pour palier le manque d’équipiers »

2004, une course de voile du côté de Dinar. Un organisateur en panne d’équipiers rencontre Gérald Labrunie, développeur. Voilà comment le hasard a conduit à la création de bourse-aux-equipiers.com.

« Depuis deux ans et la refonte du site, la fréquentation a énormément augmenté , expose Gérald Labrunie. Traditionnellement, les annonces sont plutôt postées par des propriétaires de bateaux qui veulent se faire plaisir en partageant les frais. »

José Cervera, « voileux », possède quant à lui un long passé de mer. Face à une demande de plus en plus importante des plaisanciers et régatiers, il crée en 2010 bourseauxéquipiers.fr :

« Les propriétaires sont souvent de jeunes retraités qui peinent à convaincre leur entourage de les accompagner encore et encore ! Les régatiers souffrent aussi d’une pénurie d’équipiers. Du coup, il est vraiment très facile d’embarquer en France pour de courtes sorties. Les candidats à la grande aventure, tour du monde ou transatlantique, doivent s’armer de plus de patience… »

Fendre l’Atlantique calme ©Alexandre Lebas

 

2. A la rencontre de celles et ceux qui surfent sur le net avant de cingler sur les vagues.

« Vicky : j’évite les messieurs qui ne cherchent que des équipières »

Voici d’abord Vicky, 30 ans, de Paris. Éducatrice spécialisée, elle a quitté la capitale il y a deux ans pour voyager en camion. Son prochain objectif : l’Amérique Latine. Mais sûrement pas en version pré-mâchée, puisque la jeune femme souhaite apprivoiser les voiliers avant de tenter une transatlantique. Sur une bourse aux équipiers, elle a déniché un premier embarquement d’un week-end autour de Fos-sur-Mer, avant une seconde expérience la semaine d’après en Normandie, pour croiser jusqu’à l’Angleterre.

« Je fais vraiment attention au côté « club de rencontre », et j’évite clairement les messieurs qui ne cherchent que des équipières. Même si je me renseigne au maximum avant par téléphone et mail sur leur expérience et leurs projets, j’ai toujours une petite appréhension, en tant que femme, à monter la première fois sur le bateau. »

Avitaillement pour une croisière

« De belles rencontres pour des vacances pas chères. »

Félicien, 36 ans, de Clermont-Ferrand, a démarré la voile il y a un an et demi avec une croisière école, Voilier Mille Visages. Puis il se plonge dans les bourses aux équipiers.

« Ça marche bien !  L’été dernier, j’ai embarqué deux fois une semaine, du sud de la France à l’Espagne. Cette année, je vais partir de Canet-en-Roussillon jusqu’à Minorque pour deux semaines de nav. En tout cas, je trouve à chaque fois ; parfois il me faut une journée, parfois deux semaines. »

Mais comment sait-il qu’il peut faire confiance ? Qu’un équipier ne sera pas pendu au bout de la bôme ?

« Les choses se font au feeling, on se rend vite compte. Sinon, un de mes critères, c’est la participation financière : je ne contribue qu’à la caisse de bord, c’est-à-dire l’avitaillement, l’essence et éventuellement les places de port. Certains propriétaires demandent de l’argent en plus.»

Cette caisse de bord peut varier entre 10 et 25 € par jour et par personne. Et Félicien profite de vacances économiques émaillées de belles rencontres, puisqu’il est resté en contact avec certaines personnes croisées l’année dernière sur les bateaux.

Perché en haut du mat pendant une transatlantique. ©Samuel Duprat

« Profiter de l’incroyable… »

A 54 ans, Marylène possède plus d’expérience. Ex-propriétaire d’un bateau, elle a tant écumé le bassin d’Arcachon qu’elle s’y est ennuyé. La responsable de communication de l’Association des œnologues de Bordeaux a donc décidé il y a cinq ans de sauter le pas. Outre les bourses aux équipiers, elle surfe aussi sur le site du Routard.

« L’intérêt, c’est la diversité. Je découvre d’autres bateaux, je rencontre des gens, je croise des expériences. Je vis d’autre type de voile. Et puis, les propriétaires se sentent rassurés par les équipiers confirmés. »

Elle dit « éviter les équipages non-mixtes » :

« J’aime l’équilibre, comme dans le vin ! Et puis, les choses se font au feeling. Si je ne sens pas les gens, je ne reste pas. Et même quand on connaît l’équipage… Le bateau, ça révèle les personnalités. »

Elle n’a jamais vécu de mauvaise expérience, car toutes celles et tous ceux qui pratiquent la voile en connaissent les difficultés, et savent mettre de l’eau salée dans leur vin. Une anecdote ?

« Un jour, en mer, un gars a grimpé dans le mat, pour y décoincer un cordage. Ce marin pourtant chevronné a été rendu malade par le balancement accentué. Depuis, je ne prétends plus que n’aurais jamais le mal de mer. On ne sait jamais ! »

Équipiers au travail dans un port du Cap-Vert. ©Samuel Duprat

 

2. Comment sont choisis les équipiers ?

« Le choix d’un équipier ? Une loterie ! »

Éric, chef d’entreprise de 59 ans, « voileux » depuis toujours et propriétaire d’un ketch de 14 mètres navigue en ce moment sur les côtes de la Grèce. Il voyage deux à trois mois par an en Méditerranée. Au bout de la jetée, son épouse s’inquiète de telles pérégrinations en solitaire et lui impose une compagnie.

« Des amis viennent avec moi, et quand il y a des trous dans mon programme de navigation, je cherche des équipiers sur le net. Je me fiche qu’ils sachent naviguer ! L’important, c’est surtout qu’il aient un caractère potable et qu’ils soient amarinés. Les embarquements d’équipiers, ça ressemble à une embauche : c’est un peu la loterie ! Les gens, on les découvre en mer. »

La prise de risque ne se révèle pas seulement humaine, mais aussi physique.

« Entre Menton et la Grèce, un jour, un équipier est tombé du bateau… dans le bateau ! Bilan : deux côtes cassées… Et sur une transatlantique, un de mes équipiers a passé la traversée recroquevillé au fond de son sac de couchage ; le pauvre était tout le temps malade. »

Un propriétaire de bateau de 18 ans

A rebours des propriétaires grisonnants, Arnaud Cormontagne, étudiant de 18 ans, joue du site internet pour naviguer sur son bateau -ce sportif de haut niveau en possède déjà un- et palier la pénurie d’équipiers en régate. Membre du Yacht Club Ispe de Biscarosse, il déplore ce problème persistant dans les courses de voile habitable.

« On arrive à trouver du monde, même en publiant peu de temps avant la régate. L’idée, ce n’est pas seulement de remplir le bateau, mais aussi de rencontrer des gens. Je cherche des personnes qui ont envie, qui ont la volonté de venir régater. »

Arnaud Cormontagne régatant en équipage pour le Challenge du présient 2013 ©Jacques Dubos

Le jeune sportif qui débuta il y a dix ans en voile légère, avant de régater en habitable, fait aujourd’hui partie de la Ligue Aquitaine de Voile, et espère équilibrer sa vie entre voile et études.

Convoyer les bateaux de propriétaires en transatlantique

Alexandre Lebas présente un autre profil recruteur. Skipper professionnel, il convoie les voiliers de propriétaires peu enclins aux longues périodes de mer. Son entreprise, Latitude-Ocean, s’est notamment fait une spécialité du transfert de bateaux neufs vers le Brésil. Chaque skipper recrute son équipage -soit deux à trois personnes- en publiant une annonce sur une bourse aux équipiers ou sur le site Sail The World (STW).

« Je ne cherche pas forcément des gens qui savent naviguer, j’aime transmettre de toute façon. Mais les personnes qui embarquent doivent déjà avoir un peu bourlingué, en mode voyage sac-à-dos ou stop, ça leur permet de mieux appréhender la difficulté d’un voyage à huis-clos. »

Alexandre Lebas à la barre Alexandre Lebas ©DR

Au bout d’une semaine, entre dix et vingt personnes répondent à l’appel du large. Échange de mails et de coups de téléphone.

« Certains ont une idée très vague d’une transatlantique, alors j’explique : tu vas participer à la préparation du bateau avant le départ, être de quart sous pilote automatique, et faire la cuisine. A part ça… Il n’a pas grand chose à faire pendant une transat : lecture, musique, jeux de cartes… La transatlantique, c’est avant tout une aventure humaine. On est enfermés pendant trente jours, et ça va être long. Il ne faut pas se planter dans le choix des équipiers. Ça m’est arrivé une ou deux fois d’être obligé d’en débarquer un pendant une escale, parce qu’il mettait une mauvaise ambiance. Ce sont souvent des gens qui s’attendaient à autre chose. »

Toutes les transats sont différentes, personnes différentes, mer différente, météo différente.

« Mais la traversée du Golfe de Gascogne en hiver, c’est toujours un moment difficile, froid et rude. Tu crée des liens forts quand les conditions météos sont dures. On apprécie mieux ensuite les beaux moments, la chaleur, le soleil, et les courses de dauphins ! »

Une petite anecdote pour la route ?

« Pendant une transat, un baleineau nous a suivi pendant quatre ou cinq jours. C’était vraiment magique d’entendre son souffle près du bateau. Les baleines, on est loin d’en voir à chaque transat ! C’est tellement exceptionnel d’en croiser, qu’on se détourne pour s’en approcher. »

Contre vents et marées, direction Brésil. ©Samuel Duprat

 

Les sites internet de bourses aux équipiers mentionnés dans l’article :
Bourse-aux-equipiers.com
Bourseauxequipiers.fr dont les annonces sont relayées sur Twitter.
Le site internet du Routard possède aussi une bourse aux équipiers.
Sur le site de l’association de marins Sail the World, on trouve une bourse des équipiers accessible aux membres cotisants.
Autres sites internet de bourses aux équipiers
Vog avec moi, site de co-navigation, demande une adhésion pour contacter les autres membres.
La fédération française de voile publie quelques annonces gratuites.
Le site co-navigation.fr fonctionne avec paiement en ligne au propriétaire.


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