SUR RUE89 LES BLOGSLe frère de Lena, Julien, a été incarcéré au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse à l’automne 2010. La détention de son frère de 25 ans a chamboulé la vie de Lena, qui s’est consacrée à l’aider et à gérer son entreprise pendant ses trois ans et demi de prison. Amid Khallouf de l’Observatoire international des prisons (OIP), à Lyon, est allé à sa rencontre. Extraits du témoignage de Lena :
« Ma mère, Julien et moi, on vivait tous les trois ensemble dans un appartement, et on avait tous un travail. Mais mon frère s’est souvent retrouvé au chômage, après un licenciement économique ou la fin de petits contrats. C’est pour cette raison qu’il avait décidé de créer sa petite entreprise de livraison un peu avant son arrestation.
Ce n’était pas tous les jours évident à la maison quand il se retrouvait sans emploi. Il dormait, il ne nous aidait pas, j’étais toujours derrière lui pour le motiver et l’aider à trouver du travail. Par moments, on était obligées de lui donner de l’argent, pour éviter qu’il aille voler. C’était le seul garçon chez nous et je pense qu’il a été un peu trop gâté.
Quand on est parties là-bas (à la prison de Bourg-en-Bresse, ndlr) pour la première fois, ça nous a fait tout bizarre, on ne pensait pas que c’était comme ça une prison. J’étais impressionnée mais j’avais également un sentiment de honte. J’ai découvert toutes les contraintes pour les familles de détenus. On croyait par exemple qu’on pouvait apporter avec nous de la nourriture, des boissons…
Au début, on y allait toutes les semaines, puis tous les quinze jours, voire une fois par mois. On habitait à environ deux heures de route de la prison, ce qui faisait quatre heures pour un aller-retour. Ça nous revenait à 50 euros le trajet, avec le péage et le gasoil. Avec ma mère, on s’est toujours partagé les frais liés à la détention de Julien : elle payait les mandats et le crédit pour la voiture de mon frère, je payais l’avocat et les frais de route.
On était aussi en contact avec lui par téléphone. Il nous appelait environ deux fois par semaine depuis la cabine de la prison. Il avait aussi un téléphone portable qu’il cachait dans ses affaires. Il l’utilisait tous les jours pour nous dire qu’il était en bonne santé et qu’il était vivant.
J’ai dû m’occuper de son entreprise de livraison pendant trois mois et trouver quelqu’un pour le remplacer. Ensuite j’ai trouvé un emploi. Mais en plus de mes heures de travail, j’allais à 5 heures du matin former des chauffeurs à la livraison et j’avais encore tout un tas de choses à faire pour faire tourner l’entreprise. J’ai failli perdre mon emploi, parce que je passais toute la journée à faire des démarches pour mon frère, je ne travaillais plus beaucoup.
Comme les gens de mon travail ne savaient pas qu’il était en prison, je leur disais que j’avais des problèmes familiaux. Finalement, on a décidé de fermer l’entreprise au moment du décès de notre mère.
Pendant trois ans et demi, j’ai eu l’impression d’être en prison avec mon frère, d’être enfermée moi aussi. Je ne vivais plus. C’est comme si on avait été tous condamnés avec lui. Il avait des problèmes réguliers, j’appelais son avocat tous les jours, sauf le week-end. »
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