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Invites de Villeurbanne : été indien et fête du slip

FESTIVAL / D’une bataille de pigments en l’honneur des désormais octogénaires Gratte-Ciel à leur programmation musicale, pour le moins bariolée et forte en gueule(s), les Invites de Villeurbanne s’annoncent plus polychromes que jamais. Balayage de spectre.

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Har Mar Superstar aux Invites de Villeurbanne, édition 2014.

Har Mar Superstar aux Invites de Villeurbanne, édition 2014.

«Aux Invites, exit la grisaille». C’est par cette parole que débute la présentation des Invites, le festival urbain et gratuit de Villeurbanne. Cette année, plus encore que les précédentes, Patrice Papelard et ses équipes y joignent le geste, et pour cause : 2014 coïncide avec le 80e anniversaire des Gratte-Ciel, ce quartier si emblématique du vivre ensemble à la villeurbannaise que sa skyline rehausse le logo de la Ville.

Entre l’inauguration en leur cœur d’une monumentale passerelle éphémère le long de laquelle s’étaleront des portraits de riverains et un final inspiré par la Holi, cette tradition hindouiste qui consiste à s’emplâtrer avec son voisin à coups de poudres bigarrées, tout concourra donc à contraster avec leur auguste blancheur.

 

Et surtout du rouge

Côté interventions in situ, on en verra aussi de toutes les couleurs. Du jaune notamment, celui de la colossale nacelle au pied et au sommet de laquelle les danseurs de la compagnie Beau Geste déploieront l’un de ces hasardeux et néanmoins harmonieux dialogues homme-engin de chantier dont ils ont le secret. Et puis de l’ocre, couleur des bonbonnes de gaz qui soutiennent les numéros d’équilibrisme faussement ordinaires du Cirque Inextremiste.

Du marron aussi, comme la robe de Margot, la vache solers qui tient le premier rôle de la nouvelle création de la Compagnie Ségéric, Vache de Tango, chronique parlée et dansée de la disparition de l’agriculture à taille humaine. Ou encore du bleu, couleur du bombers du protagoniste de l’assourdissant solo de mime proposé par Deux virgule six couverts, quidam que tente d’asphyxier une pollution sonore générée en direct.

Et surtout du rouge, celui des pommes que font circuler et voltiger les so british jongleurs du Gandini Juggling, dont nous vous avions déjà longuement vanté la virtuosité et l’anticonformisme à leur venue au Théâtre de la Renaissance. Autant de teintes qui (in)carnent la conscience sociale et écologique qui anime l’événement depuis sa création. Reste que, une fois n’est pas coutume, c’est son versant musical qui vibrera des nuances les plus insolites.

 

Toute une gamme

Dans la grande tradition « invitienne », on ne peut commencer sa présentation sans y aller d’une bonne fanfare – règle d’importance : une fanfare doit être bonne sinon c’est dégueulasse. Avec Orkestar Braka Kadrievi, point de lampions, de lancers de chiots, de cracheurs de clowns ou de braies à rayures, nous voilà dans la plus pure tradition de la fanfare gipsy en provenance directe des Balkans. Et si cela vous évoque l’ample et foldingue BO du Temps des Gitans de Kusturica, c’est normal, OBK y a participé.

Outre les prometteurs BRNS, Tamikrest (blues touareg dans la lignée de Tinariwen) ou St-Lô, pour ne citer qu’eux, on assistera de là à un beau défilé de Personnages avec un grand P. Exemples : Winston McAnuff (qu’on ne présente plus), Cody ChesnuTT, qui vient de rappeler son casque à notre bon souvenir après dix ans de silence discographique et l’inclassable phénomène Chassol, dont la world-pop de l’espace est devenue le casse-tête des types chargés de l’ordonnancement des bacs de disques.

Cela continuera pour le Grand Soir du 21 juin, traditionnel climax de l’événement où l’on retrouvera l’étrange et dépareillé duo Congopunq (le batteur de Bumcello, un barbu un peu flippant, et tu tiens une transe).

 

Fête du slip

Har Mar, soulmen foutraque.

Suivront deux solides têtes d’affiche, toutes deux inimitables, toutes deux un peu ravagées de la calebasse, mais pas de la même façon. On a déjà eu l’occasion cette saison d’applaudir Jean-Louis Murat – c’était au Radiant – pour la tournée de son vertigineux Toboggan, mais le dispositif live de l’Auvergnat était plutôt chiche. La bonne nouvelle ici, c’est qu’on retrouve une formule déjà utilisée à la Coopérative de mai en décembre dernier pour un concert inédit sur France Inter : soit Murat accompagné par les Clermontois The Delano Orchestra, du gang Kütü Folk. Résultat (quasiment) garanti.

C’est enfin un drôle de soulman, à la fois sosie de la barrique porno Ron Jeremy et Jay Sherman (du dessin animé Profession : critique) de chair et de slip, qui mettra la dernière touche aux Invites : Har Mar Superstar. Né Sean Tillman il y a trente-six ans, Har Mar a longtemps été une figure de la scène indé américaine, aperçue aux côtés des Strokes, des Yeah Yeah Yeahs et de J. Tillman (aucun lien), mais aussi de l’Australien Ben Lee et du Gallois Gruff Rhys. Les plus physionomistes l’auront même vu dans de petits rôles toujours voyants au ciné (Starsky & Hutch, Bliss) et les plus documentés aux crédits de titres de divas à trois francs six sous (Jennifer Lopez, Kelly Ozbourne).

Long est donc le chemin qui l’a porté vers la soul – en passant aussi par le hip-hop, le r’n’b et le soft-rock –, à l’image du single Restless Leg, savante compote de soul Motown, de Strokes et de Phil Collins. Des ingrédients que l’on retrouve sur l’album Bye Bye 17 et qui, surtout, font le sel schizo de son insane prédécesseur, Dark Touches. Bref, à moins d’un attentat des baigneurs Kodak, ça va en jeter.
Par Stéphane Duchêne et Benjamin Mialot sur petit-bulletin.fr.


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