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A Saint-Joseph, un « petit » tournoi de foot qui a vu passer Luís Figo, Youri Djorkaeff…

Saint-Joseph est un paisible village de 1937 habitants, niché dans la Vallée du Gier. Depuis 35 ans, pendant le week-end Pâques, son club de foot organise un tournoi international en catégorie U19 (joueurs de moins de 19 ans) qui met le village sans dessus-dessous. Le terrain municipal est bosselé, les infrastructures d’une autre époque. Aujourd’hui, c’est le seul club de France à chapeauter pareil événement avec la seule volonté des bénévoles. Comme un tacle glissé au foot business.

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Saint-Joseph. 1937 habitants. Son stade municipal. Son église. Crédit Damien Renoulet/Rue89Lyon

Huit équipes françaises et internationales se sont affrontées lors de cette 35ème édition. Crédit Damien Renoulet/Rue89Lyon.

14h30, samedi. La musique de la Champion’s League résonne sur le stade Robert et Henri Jullien. Le soleil apparaît timidement. La sélection Pays-Du-Gier affronte l’Espérance de Tunis. La 35e édition du tournoi international de Saint-Joseph (dans la Loire) est officiellement lancée : un petit miracle pour ce modeste club qui compte à peine 370 licenciés.

L’unique terrain d’entraînement, en face de l’église du village, se trouve en pente. Le terrain officiel, lui, est légèrement bosselé. Les six vestiaires mis à disposition sont d’une autre génération. Le budget avoisine les 76 000 euros. Cette année, il est en légère baisse, conjoncture économique oblige. Oui mais voilà, sa renommée a traversé depuis belle lurette les frontières du département. Mieux, ce rendez-vous est aujourd’hui le dernier en France dans la catégorie des U19 (actuellement des joueurs nés en 1995 et en 1996).

Saint-Joseph. 1937 habitants. Son stade municipal. Son église. Crédit Damien Renoulet/Rue89Lyon

 

De Luis Figo à la soupe en sachet de Middlesbrough

Alain Roméas avale les kilomètres sans lever le pied. Depuis samedi, le président du club de Saint-Joseph et responsable du tournoi enchaîne les coups de fil et galope dans les vestiaires. Il serre des mains, sert les vis auprès des bénévoles. Là, il y a un léger problème. On a perdu le Standard de Liège et le FC Tours. Malgré les appels répétitifs du speaker. L’homme se lève, s’absente quelques instants avant de revenir, soulagé. « Mes délégués ont pris une gueulante », lâche-t-il :

« Il faut être exigeant, autrement on prend du retard. La réussite du tournoi passe par notre sérieux et notre rigueur. Car partout ailleurs, les infrastructures sont meilleures. Regardez simplement où l’on fait s’échauffer les équipes. Ce n’est pas très sexy. Ici, nous sommes des artisans sans matériel ».

Le tournoi est réglé comme un coucou. Chaque formation mange à une heure bien précise. L’utilisation des vestiaires est minutée pour éviter les embouteillages. Certaines équipes viennent avec leur propre bus. Pour les autres, six minibus servent au trajet entre les hôtels du coin et le stade. Deux bénévoles suivent chaque équipe les trois jours durant. Ils se plient à la moindre demande ou exigence.

C’est le cas de Christine Mazencieux. Son papa, André, s’est longtemps occupé du tournoi. Elle, vit avec son mari à Middlesbourg. Elle s’occupe des équipes anglaises depuis la fin des années 80. Cette année, elle est à l’origine de la venue de Southampton FC.

« Je leur ai dit : Saint-Joseph est un petit village qui attire de grandes équipes. Et puis, de grands noms ont évolué ici : Luís Figo l’a notamment fait ».

Christine ne lâche pas d’une semelle Kelly Brown, la team manager de Southampton. Elle se souvient notamment d’une anecdote:

« Une année, le physio de Middlesbrough doutait de la cuisine française. Du coup, il a emmené dans ses bagages des sachets de soupes à l’oignon. Au cas où la nourriture française ne lui plairait pas ».

 

Et si on faisait un tournoi international pour les 20 ans du club

Un retour en arrière s’impose. 1980 : le club de Saint-Joseph souffle ses vingts bougies. Il faut marquer l’occasion. Un trio de choc, Henri Jullien, président de l’époque, Robert Masse, directeur d’une agence de voyages et Aimé Moullaud, journaliste, trouvent une idée lumineuse. Et si on organisait un tournoi international ? Tout le monde n’est pas aussi enthousiaste, mais la machine se lance malgré tout.

Une seule équipe étrangère participe à la première édition les 6 et 7 avril 1980 : le C.S. Chênois (Suisse). Le public a accroché, les bénévoles aussi en dépit d’une petite bise mordante. Trente cinq ans plus tard, quelques-uns ont pris des cheveux blancs. D’autres ne sont plus là. Et puis, il y a la relève, venue grossir les rangs.

 

« Mes enfants et ma femme le savent : le week-end est réservé »

Cette année, ils sont 220 bénévoles armés d’une tunique rouge, à veiller au bon fonctionnement. Impossible de les rater. Ils sont partout. En arrivant par la départementale D30, quelques-uns se trouvent à l’entrée du stade. C’est le cas de Didier. L’homme guette les allers et venues du parking VIP :

« Mes enfants et ma femme le savent. Le week-end de Pâques est réservé pour le tournoi de football. Et cela dure depuis quinze ans ».

Les joueurs locaux viennent de perdre leur premier match. Parents et amis sont accoudés au bord du terrain. Ils ont tous une certaine fierté à voir leurs enfants, leurs copains, leurs voisins se frotter à de telles formations. Dans l’histoire du tournoi, quelques noms ronflants ont foulé la pelouse du stade municipal: Louis Figo, Mathieu Valbuena, Bafétimbi Gomis… Les jeunes pousses du club, eux, patientent dans l’attente d’un autographe.

 

 « S’il y a des buts, c’est du football de qualité »

À Saint Joseph, il n’y a pas de tableau électronique. Les résultats sont consultables sur tableau, accroché à une remorque de camion. Crédit Damien Renoulet/Rue89Lyon

Au-dessus de la tribune principale, quatre bénévoles sont confortablement installés dans leur tour de verre. Le jury en charge du palmarès, Hervé Despinasse, Michel Fanget, Jean Relave et Pierrot Thouilleux scrutent les moindres faits et gestes, notent les changements, les buteurs, relèvent les cartons…

Le quatuor communique constamment par talkie-walkie avec un bénévole, installé juste à côté des bancs de touche. Jean Relave, au club depuis 1967, est comme un gamin :

« Il y a toujours un peu d’excitation avant le tournoi ».

« C’est un moment magique », estime Hervé Despinasse, inspiré. D’ici quelques heures, ils rendront leur verdict. Qui sera le meilleur joueur du tournoi, le meilleur gardien ? Le palmarès est aussi long que leur présence est ancienne à Saint-Joseph. Ils se réjouissent :

«  Ce tournoi fait partie des bonnes années. On a un seul 0 à 0. S’il y a des buts, c’est qu’en général, le football est de qualité », précise Michel Fanget, longtemps entraîneur de la sélection Pays du Gier.

 

Youri Djorkaeff avant la soupe aux choux

C’est le passage incontournable. La fameuse soupe aux choux. 600 couverts ont été servis. Crédit Damien Renoulet/ Rue89Lyon.

Lundi. 3 heures du matin. Une lueur éclaire le stade municipal. Sous un abri de fortune, attenant à la salle de basket, s’active une trentaine de bénévoles. Pas le temps de trainasser. Car dans moins de cinq heures, 600 couverts devront être servis pour  la fameuse soupe aux choux.

C’est l’un des moments incontournables du tournoi. Frédéric, 49 ans, prépare la dernière découpe de la viande. Il porte la tunique rouge et blanc de Saint Joseph depuis l’âge de 10 ans et raconte avec fierté sa participation avec la sélection locale au tournoi international :

« J’ai joué contre Stéphane Paille, Franck Sylvestre, Youri Djorkaeff. Du beau monde ».

Le bénévolat s’est imposé comme une évidence, comme un sacerdoce, chaque année.

« Je repense à tous ces gens qui m’ont accompagné, par tous les temps, quand j’étais jeune. Je fais la même chose aujourd’hui, à ma façon ».

Il est 5 heures du matin. Les chaudières crachent à pleins poumons de la fumée. La viande cuit. Les 100 kilos de patates, épluchées la veille, aussi. À Saint-Joseph, il existe une règle d’or. Les bénévoles goûtent en avant-première la soupe aux choux. Très vite, le fumet attire les premiers arrivants.

Il est 8 heures. Une queue se forme à vitesse grand V devant l’entrée de la salle multi-sports de la Faravelle, reconvertie pour l’occasion. Frédéric, lui, est déjà passé à autre chose. Il enchaîne les postes depuis samedi : chauffeur de bus, puis vigile à l’entrée, serveur à la buvette et commis en cuisine. Il bouclera sa journée à 20 heures.

 

« On pourrait se dire : mais qu’est-ce-qu’on fout ici ? »

Sur le bord du terrain, les joueurs de l’Espérance de Tunis suivent la finale du tournoi. Une pluie fine caresse leurs survêtements jaune et rouge. Bouaben Talel, l’entraîneur, profite du spectacle offert malgré un terrain délicat.

« Nous sommes tous agréablement surpris par l’organisation. Et puis, il existe un tel engouement en dehors du terrain ».

En revanche, ses protégés ont été pris au piège du terrain.

« Mes joueurs sont habitués au synthétique. Nous sommes venus avec des crampons moulés. Sur un terrain en herbe, cela ne pardonne pas ».

Les joueurs de Tours, quelques minutes avant la finale. Crédit Damien Renoulet/Rue89Lyon

18h30, lundi. Coup de sifflet final. Pour la petite histoire, Tours a remporté cette 35ème édition. Pas le temps de se changer. Tout ce petit monde se dirige à l’intérieur de la salle multisports pour la remise des coupes. L’heure, c’est l’heure. Certains joueurs se plaindraient presque :

« Ça sent encore la soupe aux choux ».

Moulay Azzeggouarm Wallen, entraîneur des U19 de Dijon, a le sourire. Son équipe n’a pas fait le doublé. Peu importe. Il reviendra, c’est certain.

« On pourrait se dire : mais qu’est-ce-qu’on fout ici, dans un aussi petit village ? Et puis on se rend compte que tout est parfaitement coordonné ».

Alain Roméas résume l’état d’esprit du tournoi : « C’est un mélange entre convivialité et expérience.  Ça n’a pas de prix par rapport au foot business ». Auquel certains de ces jeunes joueurs se frotteront peut-être à l’avenir.

 


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