Invité de luxe de Quais du Polar, l’auteur de romans noirs a fait son « Ellroy show » ce dimanche, à l’occasion des dix ans du festival qui ne pouvait pas trouver meilleur (rock) star pour son anniversaire.
Il n’a pas poussé la chansonnette, il a seulement piaulé à plusieurs reprises tel l’animal devenu son surnom désormais, « le chacal ». L’auteur de la tétralogie sur Los Angeles (avec l’un des ses plus célèbres romans, Le Dalhia noir), de American tabloïd ou de Ma Part d’ombre, pour ne citer que quelques uns de ses mastodontes littéraires, a tout de suite posé le décor.
Oui, James Ellroy est un auteur à succès, il l’a lui-même rappelé sans complexe dans la salle de l’Opéra de Lyon :
« Je suis un vendeur de best-sellers à travers le monde, ça va bien pour moi ».
Et particulièrement en France, où il vend, selon sa comptabilité, 2,5 fois plus de livres que n’importe où ailleurs dans le monde. C’est donc un pays où il peut particulièrement s’adonner au « Ellroy-show », celui du chacal qui peut dire de Sarkozy qu’il est un « bouffon ». Pas d’insulte gratuite mais seulement, dans l’esprit du romancier, une illustration de « l’homme-bouffon », un concept littéraire qu’Ellroy a élaboré avec sa deuxième ex-femme et qui a nourri l’écriture de son dernier roman, Extorsion, pour lequel il est actuellement en tournée promotionnelle.
Pour parler de son rapport à l’écriture, obsessionnel, Ellroy a donc fait dans la francophilie :
« J’aime bien me considérer comme l’Aznavour de la littérature américaine. Non seulement il a travaillé la chanson, il a chanté la chanson, il a fait l’amour à la chanson, mais il l’a aussi rejetée et elle l’a rejeté. Voilà, je l’ai pris comme modèle ».
Ellroy était accompagné ce dimanche de deux de ses traducteurs, François Guérif qui s’est attelé au roman juste édité, Extorsion, et Jean-Paul Gratias qui, lui, s’est penché sur un roman qui sortira en mars 2015 en France, Perfidia. Comme souvent, quand ces artistes de la transcription, la plupart du temps invisibles, s’expriment, ce sont des pans entiers de l’oeuvre qui sont révélés au lecteur.
Jean-Paul Gratias a expliqué de quelle manière il tente de rendre les allitérations qu’Ellroy chérit et qui noyautent certains de ses chapitres. Le traducteur dresse de longues listes avec les mots et leurs possibles versions françaises approchantes, pour finir par privilégier la musique au sens du texte. Et sauvegarder le sombre swing de James Ellroy.
Travailleur acharné, l’écrivain morcelle son sommeil pour écrire dès 3 heures du matin et réalise des plans de 700 pages pour ses ouvrages déclinés. Il compte réaliser une nouvelle tétralogie sur la guerre froide entre l’Europe et les Etats-Unis. Ellroy lâche vouloir se mesurer à John Le Carré, se poser là dans le roman d’espionnage. Pas chien, le chacal tiendrait même plutôt ses promesses : François Guérif a regardé dans le rétroviseur et a estimé qu’en effet,
« Ellroy a toujours fait ce qu’il a dit qu’il ferait ».
Si l’écrivain est venu en France avec, sous le bras, un roman court moins important que des chefs d’oeuvre épais et signés, François Guérif n’a pas hésité à hiérarchiser les ouvrages au point de quasi en descendre quelques uns. Avant de déclarer, sans flagornerie à ce stade, que Perfidia pourrait être le meilleur livre du romancier.
« C’est mon roman le plus intime », a répondu Ellroy.
Tic tac jusqu’en mars, alors.
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