Au moment du départ du cortège pour le début de leur marche, ils étaient près de 400 selon la police. Inquiets de voir leurs subventions et leurs financements gelés, et peut être pas renouvelés. Inquiets de voir disparaître leur statut particulier pour l’assurance chômage, via la remise en cause des annexes VIII et X de l’assurance chômage par le MEDEF. Inquiets des conséquences du désengagement de l’Etat via un remaniement des compétences des collectivités territoriales, qui déléguerait à celles-ci les compétences de financement du ministère de la Culture. Cette manoeuvre créerait une réelle inéquité dans le territoire, et compromettrait dans une certaine mesure la liberté artistique.
Et, partagé aussi, le ras-le-bol de passer pour « inutiles » est revenu comme un leitmotiv.
Sylvain, chargé de production pour une association culturelle, étrenne sa première année avec le statut d’intermittent.
« On oublie souvent les «administratifs» dans le statut, mais on est là, aussi. Et on bosse. »
Il regrette l’image de « profiteurs », de « fainéants » des intermittents.
« On n’est pas inutiles, on ne fait pas rien, la culture crée près de 57 milliards d’euros par an. »
Pourtant, il n’est pas opposé à une réforme du statut et évoque, comme le collectif de syndicat ayant appelé à manifester, un besoin d’un calcul «plus mutualisé».
Malgré l’imminence des élections municipales, cet enjeu semblait absent des revendications : le débat est resté sur le plan national. Seul rappel de l’imminence du scrutin : la présence d’Odile Belinga, qui mène la liste de Gérard Collomb dans le 1er arrondissement, de Nathalie Perrin-Gilbert et Aline Guitard, qui mènent les listes des 1er et 4e arrondissements pour l’alliance Front de Gauche-Gram.
La foule était bigarrée place des Terreaux : les directeurs de théâtres et les chargés de diffusion ont côtoyé les chanteurs lyriques et les comédiens, parfois encore en formation, les structures subventionnées se sont mélangées aux plus petites, qui peinent à obtenir des financements.
Mathilde, 11 ans d’intermittence et beaucoup plus d’années de clown, ne le sait que trop bien. Aucune des compagnies auxquelles elle appartient ne bénéficie de subventions :
« Cela fait 10 ans qu’une des compagnies dans laquelle je joue existe, et nous sommes toujours qualifiés de «compagnie émergente», et c’est très dur d’être subventionné quand on est émergent. »
Son autre compagnie n’a que 5 ans, « alors c’est pire », dit-elle. Elle se souvient être descendue dans la rue, il y a 11 ans, pour défendre le statut face aux coups de butoirs du MEDEF, déjà.
«Et je redescendrai dans la rue, encore. On se battra encore.»
Elle aussi se désole de l’image de profiteurs dépeinte par le syndicat des patrons. Elle aussi pense que le statut devrait être réformé dans une certaine mesure :
« Ce n’est pas évident de pointer tous les mois à Pôle Emploi. Tous les mois, ça recommence : on pointe, c’est comme si on était au chômage, alors que non, on bosse, on ne fait que ça. »
Et cela ne suffit pas toujours : cette année, pour la première fois, Mathilde a perdu son statut, pendant deux mois.
« C’est plus difficile depuis deux ou trois ans. On sent que c’est la crise, que les gens sont plus frileux, et que c’est la culture qui prend en premier. »
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