C’est l’histoire d’un groupe familial de Roms qui ressemble à beaucoup d’autres. Une vie de manche et de squats. Une seule chose a changé depuis huit ans qu’ils vivent en France et presque autant d’années à Vaulx-en-Velin : l’accès au marché du travail. Depuis le 1er janvier, trouver un boulot est juridiquement possible.
Auparavant, les « mesures transitoires » imposées par la France, restreignaient grandement les emplois que les Roumains et les Bulgares pouvaient occuper. Depuis 2014, c’est fini. Le marché du travail s’ouvre et avec lui, les portes de Pôle emploi.
Le droit de s’inscrire à Pôle emploi
Christina, Rodica, Gaby et quatre autres Roms de Vaulx-en-Velin se sont pointés un matin du mois de janvier dans l’agence Pôle emploi de Vaulx-en-Velin.
Des militants associatifs les accompagnaient. Les mêmes qui les soutiennent depuis plus d’un an, organisés au sein du Collectif « Rroms solidarité ». Parmi eux, plusieurs membres de l’association des chômeurs et précaires de Vaulx-en-Velin qui ont levé les difficultés en discutant avec la direction de l’agence Pôle emploi vaudaise :
« Quand on allait sur le bornes d’inscription, on nous demandait un titre de séjour alors que l’on en a pas besoin depuis le 1er janvier, raconte Michel Leclercq. Nous avons rencontré le directeur de l’agence avec qui nous avons précisé la marche à suivre ».
Les sept adultes ont obtenu un rendez-vous et se sont inscrits. Ils n’ont dû fournir que deux pièces :
- La copie de la carte d’identité roumaine en cours de validité
- Un justificatif de domiciliation dans la commune (en l’occurrence au CCAS de Vaulx-en-Velin)
Gaby, la quarantaine, raconte :
« Quand nous avons su que nous pouvions travailler, nous sommes allés à Pôle emploi ».
Tous racontent un bon accueil et aucune difficulté rencontrée pour se faire enregistrer lors du rendez-vous.
« C’était seulement l’inscription. On ne nous a pas parlé de travail ou de formation ».
Trouver un job et apprendre le français
Pour le moment, aucun projet de suivi personnalisé n’a été mis en place. Les associations restent prudentes sur la réalité du suivi qui pourrait être mis en place par Pôle emploi.
Gaby, comme les autres, évoque tout ce qu’ils pourraient faire : « ménage, déménagement, agriculture, bâtiment… ». Des travaux qui demandent aucune ou très peu de qualification.
En Roumanie, il y a maintenant plus de huit ans, ils travaillaient dans les champs, comme ouvriers agricoles journaliers. Occasionnellement, quand il y avait du travail. Désormais, en France, ils font la manche ou vendent, pour certains, des journaux à la gare Part-Dieu.
« On les a aidés à rédiger des CV, poursuit Michel Leclercq. On parle aux agents de Pôle emploi leur expérience en Roumanie même si la réalité n’est pas la même qu’en France ».
S’inscrire à Pôle emploi peut sembler dérisoire mais pour eux cela veut dire beaucoup.
Comme ils n’ont pas pu travailler et cotiser, ils n’ont pas droit aux indemnités chômage. Mais les Roms peuvent prétendre au même suivi mensuel que tout le monde. Ils pourront donc suivre potentiellement différentes formations, pour apprendre certains métiers « en tension » ou pour des cours de français.
Jusque là, ce sont des bénévoles qui leur apprennent le français, dans différentes associations de Vaulx-en-Velin.
Avant la fin de la période transitoire, dans l’agglomération lyonnaise, seuls les rares élus du programme d’insertion « Andatu » pouvaient prétendre à un tel suivi social. Très peu de Roms lyonnais y avaient accès.
Ne pas se faire expulser du territoire
Deuxième conséquence : s’inscrire à Pôle emploi permet d’éviter de se faire expulser du territoire. Au terme d’une directive européenne traduite en droit français, « les ressortissants de l’UE ne peuvent être éloignés pour un motif tiré de l’irrégularité de leur séjour tant qu’ils sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à rechercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés ».
Mais quatre de ces personnes ont rapidement compris qu’ils ne pouvaient pas compter uniquement sur Pôle emploi pour trouver un travail. Ce mardi, ils avaient rendez-vous pour faire partie de l’équipe d’une entreprise d’insertion spécialisée dans le nettoyage. Ils sont « en attente de missions ».
Continuer à vivre dans le squat
Mais l’enjeu immédiat pour ces sept chômeurs est d’empêcher l’expulsion de leur squat, avant de pouvoir, espèrent-ils, trouver un logement normal.
Depuis septembre dernier, ils sont seize personnes au total (dont sept enfants) à squatter l’ancien Hôtel du Nord de l’ancien village de Vaulx-en-Velin.
Suite une décision de justice du 23 janvier, leur squat est expulsable. Bien sûr, nous disent-ils, ils préfèreraient un appartement. Mais, en comparaison avec d’autres lieux où ils ont pu vivre, comme le bidonville de la Soie, qu’ils ont dû évacuer en août, c’est bien plus vivable :
« Contrairement au bidonville, il n’y a pas de boue et il y a moins de monde », nous expose Christina, une jeune femme de 18 ans.
Certes, ils n’ont pas d’électricité, ni l’eau courante mais les seize personnes peuvent vivre dans différentes pièces de cet ancienne hôtel de deux étages (voir les images du squat filmées avec les propos de Christina).
Leurs soutiens ne disent pas autre chose :
« Mêmes s’ils vivent en squat ou bidonville, ils habitent à Vaulx-en-Velin. Ce sont des Vaudais. »
Avec les municipales, silence radio de la mairie
Le « Collectif Rrom » a donc écrit au maire, puis au préfet du Rhône pour lui demander de ne pas expulser le squat. En dernier lieu, c’est au préfet de décider (ou pas) de l’envoi de la police pour faire évacuer les lieux.
« L’expulsion remettrait en cause tous les efforts que ces personnes ont fournis jusqu’à ce jour pour une intégration que les associations continuent à soutenir. »
Le 28 janvier, le préfet leur a répondu qu’aucune demande de « concours de la force publique » n’avait été formulée.
Nous avons cherché à contacter la mairie de Vaulx-en-Velin pour connaître sa position. Le maire communiste, Bernard Genin, qui brigue un second mandat sous les couleurs du Front de gauche, n’a pas souhaité s’exprimer. L’adjoint au logement, Jacques Fayat, a fait un rapide passage sur les lieux du squat lors de notre reportage. Que faut-il conclure de sa présence : la municipalité soutient-elle ce groupe familial ?
« Le contexte des élections municipales pèse de tout son poids dans l’attitude des pouvoirs publics. Ça ne rapporte pas de voix quand on prend position contre les expulsions de squats », analyse Michel Leclerq.
Les militants communistes, présents au sein du « Collectif Rroms » jurent qu’il y aura une proposition « solidaire » sur les Roms dans le programme. En attendant, les occupants de l’Hôtel du Nord seront peut-être déjà expulsés.
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