© Cici Olsson
Sous des dehors fantaisistes, votre premier spectacle sonne presque comme un manifeste. Vous en puisez la matière chez des personnalités – Jean-Claude Romand, Mike Horn, Christopher McCandless… – en rupture, d’une manière ou d’une autre, avec le monde tel qu’il va (mal). Vous sentez-vous, tous les cinq, en rupture ? Délivrez-vous un message ?
Nous sommes issus d’une génération qui vivra moins bien que celle de nos parents. Dans un monde qui court à sa perte, que faire ? Fuir ou lutter ? Seul ou à plusieurs ? La création est, nous semble-t-il, le seul moyen de ne pas crever noyé dans la boue du néolibéralisme, et de résister. Le théâtre pour nous, c’est une manière de représenter le monde tel qu’il devrait être, une possibilité de fabriquer les histoires dont notre société manque cruellement pour avoir confiance en la vie.
Le Signal du promeneur tisse entre eux le destin de ces cinq hommes. Vous-mêmes, au Raoul Collectif, êtes cinq. Chacun a-t-il apporté sa propre pierre à l’édifice, choisi son anti-héros ?
Oui. Et non. Ils sont cinq, nous sommes cinq… C’est un hasard (ou peut-être pas). En vérité, bien plus que ces cinq là nous ont inspiré ! Ils sont la partie visible d’un iceberg de lectures, de films, de discussions, que nous avons tous façonné. Ils ne sont pas, à proprement parler, les personnages du spectacle. Ils constituent ce que nous avons appelé le « terreau dramaturgique » à partir duquel nous avons écrit Le Signal…. Nous n’interprétons pas leur histoire, mais nous y faisons référence, de manière plus ou moins explicite. La véritable aventure du spectacle, c’est celle que vivent nos cinq promeneurs, venus de loin, pour tenter de dégager de la clarté.
Comment avez-vous écrit, articulé la pièce ? Vous aviez prévu dès le départ d’assembler ces cinq récits et de les détarquer, en interférant, en vous interrompant les uns les autres (ce qui donne sa vigueur au Signal) ?
L’équilibre entre l’action collective et les parcours individuels, c’est toujours compliqué… Au théâtre comme dans la vie ! Il n’y a pas vraiment de recette pour écrire au plateau. Il faut faire des essais et des erreurs, encore et encore. Le spectacle s’est fait par une suite d’association d’idées et de compositions instinctives. Ce sont nos personnages de promeneurs qui l’ont structuré. Ce sont eux qui ont transformé toute cette matière en une forme de « cérémonie » un peu étrange et décalée, partagée entre rigueur et chaos.
Tous les cinq, vous vous êtes rencontrés en 2009 au conservatoire à Liège. Qu’est-ce qui vous a réuni, qu’est-ce qui vous a attiré les uns les autres ?
A l’Esact, l’Ecole supérieure d’acteurs du conservatoire de Liège, les classes sont mélangées par projet. Nous avons donc eu l’occasion de constater nos affinités artistiques. Les étudiants sont aussi amenés à prendre en charge leurs propres créations, en toute autonomie. C’est ainsi que nous sommes rapprochés. Il y avait entre nous une curiosité réciproque, le partage d’une certaine énergie adolescente, la foi dans le théâtre, l’envie de changer le monde. Mais aussi une certaine conscience de ce qui nous différencie. C’est toujours le cas. Nous ne sommes pas les mêmes, nous nous complétons.
De mémoire, le prologue dans le noir du Signal… est l’un des plus beaux moments de théâtre que j’ai vu. Vous a-t-il été inspiré par la marche, que vous aimez pratiquer ensemble ?
Nous avons en partie écrit le spectacle en allant marcher ensemble. La marche instaure une autre relation au temps, à la pensée, aux autres. Le prologue est issu, en quelque sorte, d’une marche que nous avons commencée en forêt, et terminée sur le plateau. Il y en a eu de multiples variantes, mais nous avons toujours ressenti le besoin de commencer le spectacle dans le noir, en suivant un rituel précis. Et en chantant. C’est une manière pour nous de se dire bonjour, d’accorder nos voix en une seule.
Le Signal du promeneur. Jusqu’au 15 février au Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon 4e.
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