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Blog du taulard #7 : « Je ne veux pas subir ce putain de temps carcéral »

Promenade de 10 heures, écriture, gamelle et zen yoga sauvage…

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Henri Rochefort à la prison de Mazas. Tableau d'Armand Gautier, 1871 (Musée d'Art et d'Histoire, Saint-Denis, France).

Le temps de la détention, c’est comme dans le film Un jour sans fin. Tu as dû le voir lecteur. Tous les matins, la même journée recommence. Même si on trouve la bonne action à faire, le comportement à avoir, la pensée positive à développer, le sortilège persiste. Rien n’enraye la répétition de cette mécanique absurde. Dans ton anonymat du numéro d’écrou cette journée est à refaire 365 jours par an.

Henri Rochefort à la prison de Mazas. Tableau d’Armand Gautier, 1871 (Musée d’Art et d’Histoire, Saint-Denis, France).

Si on ne gère pas sa journée, on subit cette élasticité infinie qui fait qu’une seconde devient une minute et une minute une heure.

Subir c’est d’abord la télé qui marche toute la journée et toute la nuit. Pour ne plus voir cet abrutissement il y a le shit ou les cachetons.

Ça plane sur le rap poussé à fond sur lecteur CD, si on a les moyens d’en acheter un en cantine. Ensuite on se laisse ballotter au gré des promenades d’une heure par demi-journée, si on arrive à se traîner dehors.

La tête devient une centrifugeuse qui colle le taulard aux parois imaginaires de ce qui sera à la sortie ou de ce qui aurait pu être avant de se faire coffrer.

Il devient le cobaye qui sprinte dans sa roue pour faire du surplace.

 

Promenade de 10 heures, écriture, gamelle et zen yoga sauvage…

Je n’ai pas voulu subir ce putain de temps carcéral. Chacun sa méthode. En ce qui me concerne, selon les matins où la douche est entre 7h15 et 7h45, je me lève ou je m’octroie une heure de sommeil en plus. De retour de la douche ou en me levant, café et roulée ! Je me
concentre sur le goût du café et du tabac. Je ne laisse pas ma pensée dériver. Puis un mot croisé ou un sudoku pour mettre en route la
mobilisation mentale, suivi d’un moment d’écriture personnelle.

Jusqu’à la promenade de 10 heures. Si elle est à 8 heures, j’inverse, j’écris après.

Après la gamelle du midi je lis un peu pendant une heure. Journal, roman, etc. Ensuite, 15 à 20 minutes de méditation respiratoire. Un truc à ma sauce, du zen yoga sauvage. Si tout va bien le courrier arrive et je commence la correspondance avant la promenade de 16 heures. Si elle est à 14 heures j’inverse le processus.

 

… puis journal télé, exercices respiratoires

La gamelle du soir arrive vers les 18 heures. Je poursuis ma correspondance. Je regarde le journal télévisé et je choisis le film ou une émission. Si rien ne me plaît je l’éteins et je lis après avoir fait à nouveau une dizaine de minutes d’exercices respiratoires. Je fais en sorte de dormir au plus tard vers 23h30-minuit.

Et le lendemain je recommence et tous les jours, autant que j’aurai de jours en taule. Parfois ce rythme est perturbé par un parloir, la visite d’un avocat, ou pour aller à l’infirmerie, ou pour une activité pour laquelle j’aurais la chance d’avoir été sélectionné. Mais je reste sur cette trame de base. Quand je n’ai pas de courrier je trouve des choses à bricoler pour, par exemple, trouver une astuce pour suspendre ma serviette près du lavabo, fabriquer une étagère, découper quelques images pour envoyer dans les lettres.

Cette organisation est ma sauvegarde et c’est au prix de cette discipline que non seulement je préserve mon intégrité, mais aussi que je nourris ma résistance.

 


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Photo : Sébastien Erome / Signatures.

Photo : Wikimedia commons-1

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