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Librairie Chapitre de Lyon : dernières heures d’une condamnée

« C’est fermé Madame. Pour toujours. » C’est la litanie que répétera de nombreuses fois un employé de la librairie Chapitre de la place Bellecour ce lundi soir. Les 23 salariés de la librairie ex-Flammarion ont baissé le rideau pour la dernière fois le 10 février. Ce même jour, le tribunal de commerce de Paris étudiait les …

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Librairie Chapitre de Lyon : dernières heures d’une condamnée

« C’est fermé Madame. Pour toujours. »

C’est la litanie que répétera de nombreuses fois un employé de la librairie Chapitre de la place Bellecour ce lundi soir.

Les 23 salariés de la librairie ex-Flammarion ont baissé le rideau pour la dernière fois le 10 février. Ce même jour, le tribunal de commerce de Paris étudiait les offres de reprises de plusieurs librairies du réseau Chapitre, mais celle de Lyon n’en faisait pas partie. Aucune offre de reprise n’avait été proposée pour le site : la faute à un loyer trop haut selon les employés.

Les visages sont fermés, tendus, épuisés pour certains. Il est 18h50, les derniers clients sont partis, mais les libraires ne sont pas prêts. Pas encore.

Le rideau est baissé. Pour de bon. Crédits Camille Romano/Rue89Lyon

 

« On reste jusqu’à 19h au moins, hein? »

Rester jusqu’au bout, c’est la volonté de plusieurs de ces futurs-ex-employés. Une décision prise dans la journée et entérinée par un vote très majoritaire : occuper les lieux jusqu’à jeudi. Date à laquelle se tiendra le dernier comité d’entreprise de la librairie. Ils seront une quinzaine à se relayer nuit et jour d’ici là, par groupe de 5 à 6 personnes. Leur but : obtenir des indemnités supra-légales.

Le dernier client est parti, plus personne derrière la caisse. Crédits Camille Romano/Rue89Lyon

Ce n’est pas la CGT et son appel à occuper les lieux non-repris qui se trouve seule derrière l’action : c’est une décision prise par un « groupe salarial », soit une quinzaine de personnes se prononçant « pour » sur un total de 23 salariés. Alain évoque le côté très « fraternel » de la démarche :

« Ici, on est tous ensemble. »

L’émotion se lit dans leurs yeux quand ils mentionnent leurs « années de boîte », des emplois qui se terminent. C’est une page qui se tourne, un livre qui se clôt : 20 ans pour Alain, 15 ans pour Valérie, 12 ans pour Eve, 7 ans pour Vasselove.

On devine un soupçon de colère également : celle d’Alain se tourne vers « ceux qui prennent les risques » mais qui font payer les pots cassés à leurs employés, mais aussi vers « ceux qui ne savent pas en prendre pour sauver leur entreprise ».

Valérie elle, a les élus dans le viseur : pas un n’a apporté son soutien au combat des salariés pour sauver leurs emplois. Même (surtout?) en période électorale.

Elle raconte avoir obtenu un rendez-vous avec les adjoints à la culture et au commerce de la Ville de Lyon (Georges Képénékian et Marie-Odile Fondeur, ndlr), qui ne se soldera par aucun résultat concret. Pire, quelques jours après ce fameux rendez-vous, les salariés reçoivent un email de Gérard Collomb, maire de Lyon candidat à sa réélection, leur affirmant un certain soutien, mais sans faire mention dudit rendez-vous.

« On était dans ses locaux quelques jours auparavant, et il n’était même pas au courant. C’est vous dire. »

Les derniers libraires errent dans la boutique vide de clients, aux étagères clairsemées. La plupart reviendront d’ici à jeudi pour soutenir le mouvement, pour rester encore un peu.

Les rayons sont presque vides et les libraires fatigués. Crédits Camille Romano/Rue89Lyon

« On m’a demandé si on comptait mettre le feu. »

C’est aussi le moyen de « ne pas sortir par la petite porte », nous confie Valérie, mais en (relative) grande pompe. Aucune violence ou dégradation n’est au programme.

« On m’a demandé si on comptait mettre le feu. N’importe quoi. »

Le campement de fortune se met en place doucement. Ils s’installent au rayon jeunesse, vont-ils se lire des contes de fées pour mieux dormir ? Sacs de couchage et matelas gonflables sont disposés, tout semble prêt pour leur première nuit.

« Mince, j’aurais dû prendre un oreiller », lance l’un d’eux.

Les libraires installent leur campement de fortune au rayon jeunesse. Crédits Camille Romano/Rue89Lyon

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