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Les ministres dispensent la leçon de l’égalité des sexes à Villeurbanne

« Les petites voitures, ça peut être pour les garçons ET pour les filles ». Uniquement de bons élèves ce lundi matin à l’école Château Gaillard de Villeurbanne où Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des Femmes et son collègue de l’Education nationale Vincent Peillon venaient constater la mise en place du controversé programme « ABCD de l’égalité ».

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Les ministres dispensent la leçon de l’égalité des sexes à Villeurbanne

Manque de pot pour les caméras, pas de dérapage chez les enfants. Personne ne s’est fait chambrer en parlant de garçons qui font de la danse et de filles qui veulent devenir maçonnes. Si les CM2 très peu impressionnés par la masse de journalistes se sont éloignés du sujet de la lutte contre les inégalités hommes-femmes, c’est parce qu’ils auront préféré pour certains parler des discriminations raciales et demander à Najat Vallaud-Belkacem en quoi consistait son job.

L’un d’eux expliquant que son frère avait dû changer d’école pour avoir subi des attaques racistes, une autre déplorant qu’autour d’elle, elle entende qu’on veuille « renvoyer les noirs à l’esclavage ». Les élèves se seraient bien appesantis sur le sujet s’ils avaient pu. L’un d’eux tentant même un « Et Dieudonné, vous en dîtes quoi ? » à la ministre, avant de se faire recadrer par son professeur.

La « prise de conscience » des profs

Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des Femmes, avec une classe maternelle de l’école Château Gaillard à Villeurbanne, le 13 janvier 2014. Crédit DD/Rue89Lyon.

L’égalité des sexes dans l’école maternelle et élémentaire de Château Gaillard, nichée dans le quartier très populaire des Buers à Villeurbanne, les élèves n’ont rien contre.

Ce sont plutôt les enseignants et l’équipe pédagogique qui ont, tous et à tour de rôle, évoqué une véritable « prise de conscience » des défauts de leur méthode d’enseignement et dans leur attitude différenciée envers l’élève, selon qu’il est une fille ou un garçon.

Julie Doussière, enseignante, qui s’est illustrée devant les photographes dans un exercice avec ses élèves de maternelle autour des jouets (sont-ils pour fille ou pour garçon ?), a fait son mea culpa :

« J’ai pris conscience que j’avais tendance à parler davantage aux garçons, à leur donner plus de place parce qu’ils sont plus turbulents, ils prennent la parole sans qu’on la leur donne, c’était pour les canaliser ».

Les modules « ABCD de l’Egalité » ont en effet été initiés à la suite d’un rapport de l’Inspection générale pointant, par exemple, une plus grande acceptation par les enseignants de l’indiscipline des garçons.

Julie Doussière estime consacrer, de façon diffuse, entre vingt minutes et une demi-heure par jour à ces thèmes avec ses élèves qui, par ailleurs, ne sont pas encore à 4 ans à l’âge où l’on s’interdit formellement de jouer à la poupée sous prétexte qu’on est un garçon. Elle estime que le souci de l’égalité des sexes a sa place à l’école :

« Oui c’est notre rôle en tant qu’enseignant : leur apprendre à devenir élève, c’est apprendre à vivre en communauté, à respecter les autres. Je reste à ce niveau-là ».

Pour Line Roche, également professeure des écoles à Château Gaillard, la question se pose dans la conception des outils pédagogiques :

« Cela pose la question des manuels que l’on utilise au quotidien, où c’est toujours la maman qui a les enfants et le papa qui conduit. »

Le « genre », un gros mot

Pendant que radios et TV diffusaient les premiers sons des ministres en pleine conversation avec profs et élèves, sur Twitter, les détracteurs se sont lâchés.

Popoche69008, qui affiche en photo de profil une image de la Manif pour tous, s’indigne :

« Hollande Gayet… #Peillon#NVB en profitent pour lancer le formatage au gender « ABCD » dans les écoles maternelles ».

Ou encore : « Parents, la perversité, c’est maintenant ».

« La contestation, c’est sur les réseaux sociaux, ça, oui, nous confirmait ce lundi matin Najat Vallaud Belkacem. Mais ce n’est pas représentatif. Par exemple, un sondage me concernant, paru dans LyonMag, indiquait que 71% des personnes interrogées approuvaient mon action sur l’égalité des sexes dans les écoles. »

Lancé dans 10 académies en France, soit 600 classes, le programme « ABCD de l’égalité » avait dès son lancement achevé d’excéder ceux qui venaient tout juste de ranger les pancartes des Manif pour tous, contre l’ouverture du mariage aux gays. La plupart s’offusquait de voir s’insinuer dans les programmes scolaires une dangereuse « théorie du genre« , ou le trouble jeté dans l’esprit des bambins.

Toi aussi tu peux devenir soldate

Najat Vallaud-Belkacem ne s’est pas lassée de le répéter :

« On ne veut pas apprendre aux enfants ce qu’est être une fille ou un garçon, on ne veut pas nier la différence entre les sexes, on veut combattre en amont les stéréotypes ».

D’où le souci pour la ministre de dire aux élèves de CM2 qu’il existe aujourd’hui des femmes qui font la guerre et qui sont donc des « soldates ».

Sans ciller, Najat Vallaud-Belkacem a assuré aux enfants :

« Dans la réalité il n’y a pas de frein, il n’y en a que dans vos têtes. (…) Je ne vois pas pourquoi les métiers avec les enfants ne seraient réservés qu’aux femmes. D’ailleurs un jour, les garçons, vous deviendrez papa et donc, à la limite, c’est pas mal de s’en occuper dès maintenant ! »

L’expérience doit être évaluée au printemps prochain pour, de façon quasi certaine selon Najat Vallaud-Belkacem, être généralisée dès l’an prochain.

 


#ABCD de l'égalité

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