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Wallander de der

Vu de mon canapé, voilà une bonne nouvelle, mais aussi… une très mauvaise nouvelle. La BBC vient d’annoncer qu’une quatrième saison de sa série Wallander allait être mise en chantier… et que ce serait la dernière. La Wallander de der. Kenneth Branagh, dans le rôle du très sensible commissaire Kurt Wallander cessera donc bientôt d’arpenter …

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Wallander de der

Vu de mon canapé, voilà une bonne nouvelle, mais aussi… une très mauvaise nouvelle. La BBC vient d’annoncer qu’une quatrième saison de sa série Wallander allait être mise en chantier… et que ce serait la dernière. La Wallander de der. Kenneth Branagh, dans le rôle du très sensible commissaire Kurt Wallander cessera donc bientôt d’arpenter les alentours de la petite ville suédoise de Ystad, dans la région de Scanie. Héros tourmenté des romans d’Henning Mankell*, Wallander avait déjà fait l’objet de deux adaptations pour la télévision suédoise, sous les traits des comédiens Rolf Lassgard (1995-2007) et Krister Henriksson (2005-2013). Mais la reconnaissance publique et critique, internationale de surcroit, n’interviendra qu’avec l’arrivée de Branagh en 2009 avec, jusqu’ici donc, trois saisons de trois épisodes de 90 minutes chacune.

 

Multicartes

On ne présente plus Kenneth Branagh, comédien irlandais multicartes. Ou plutôt si, présentons-le de nouveau brièvement : né en 1960 à Belfast et décoré par la Reine Elizabeth II en 2012, Branagh cumule les casquettes d’acteur (Les chariots de feu, Henry V, Dead Again, Harry Potter, Walkyrie…), de réalisateur (Peter’s friends, Frankenstein, Beaucoup de bruit pour rien, Thor…), de scénariste et de producteur (il est d’ailleurs producteur exécutif de Wallander). Grand comédien de théâtre, il deviendra à 23 ans le plus jeune membre de la Royal Shakespeare Company à incarner Henry V avant de récolter au fil des ans les plus prestigieuses récompenses dont le Laurence Olivier Theatre Award en 2003.

 

Dans la brume

Avec Wallander, d’épisode en épisode Branagh nous invite à suivre la décrépitude psychologique d’un héros toujours à l’extrême limite du burn out. Dans cette région côtière du sud de la Suède, tantôt balayée par des vents glaciaux, tantôt noyée dans une brume épaisse, Wallander se démène comme il peut avec une vie privée où rien ne va plus et des enquêtes qui l’obsèdent. Au point que si les intrigues sont aussi bien léchées que certaines des meilleures séries britanniques, l’état dans lequel elles plongent le pauvre Kurt est en fait le véritable sujet de la série. Comment ce flic désabusé s’immerge à fond dans ses enquêtes au point de négliger sa santé et tout ce qui l’entoure : son père (vieux peintre malade sombrant dans la démence), sa compagne et sa fille (lassées de ses absences) et ses collègues (désarçonnés par ses silences) et comment il achève chaque épisode plus vulnérable et désespéré.

Il est vrai que le contexte dans lequel il évolue n’incite pas à faire des roulades au saut du lit. Dans cette campagne suédoise aussi déserte que déprimante qui constitue le territoire de chasse de Wallander, ce qui se fait de pire en matière de dingues et de sadiques semble s’être donné le mot pour venir lui pourrir la vie en laissant trainer ça et là quelques cadavres démembrés ou brûlés vifs. Dexter et Hannibal peuvent prendre des notes. La série, comme les romans qui l’inspirent, décrivent sans fioritures une sorte d’humanité déglinguée, une société un peu désespérée dans laquelle notre flic, misanthrope et maladroit, a bien du mal à trouver sa place.

 

Remords

Des intrigues à tiroirs aux issues imprévisibles, une pincée d’action, quelques touches d’humour froid mais pas trop… On pourrait toutefois être un tantinet irrité par la sensibilité à fleur de peau de Wallander-Branagh. Pour les amateurs de séries américaines où les flics ne bronchent pas d’un poil quand une voiture explose derrière eux, la profonde déprime dans laquelle s’enfonce Wallander après avoir descendu un militant néo-nazi, détonnera un peu. Les remords d’un policier contraint de faire usage de son arme et de supprimer une vie sont parfois évoqués dans les séries policières mais, dans le cas de Wallander, on sent le désir à peine déguisé de la production de charger la mule, de surligner deux fois en jaune fluo la formidable humanité du personnage en le faisant se retirer du monde pour errer le long des plages en survêtement bleu pâle, le regard fixé sur l’horizon. Parmi les bonus des dvd des trois saisons, sorties en coffret, Branagh et l’auteur Mankell s’entretenant sur le tournage d’un des premiers épisodes, tombent d’accord sur cet aspect capital de la personnalité du policier qui fait sa spécificité. Il est comme ça, Kurt, il absorbe tout et c’est pas bon pour lui, il en est bien conscient mais, c’est plus fort que lui.

Il faut bien admettre cependant que le Wallander made in Branagh, taiseux et distrait mais formidable flic au flair indiscutable, inspire surtout une profonde sympathie au point que, lorsqu’il lui arrive d’esquisser un sourire, on se prend à sourire avec lui tant rares sont ces moments.

 

En attendant la saison 4

« C’est parce qu’il est comme tout le monde que Wallander plait », explique Mankell. Malgré tout, de temps à autres, on aura quand même envie de lui coller un bon coup de pied au derrière lorsqu’il se réveille plié en quatre dans un fauteuil de son salon après une nuit de réflexion un peu alcoolisée (scène récurrente), avec cet air hagard et cette mine de papier mâché, comme on disait jadis. Les longues méditations en voiture, récurrentes également, sont soigneusement filmées, mais un spectateur qui prendrait l’épisode en route pourrait zapper, prenant ça pour une publicité Volvo. « Pour vos scènes de crime, choisissez la qualité Volvo », s’attend-on à voir apparaitre en bas de l’écran chaque fois que Wallander prend le volant.

Qu’elle puisse parfois sembler un peu trop contemplative, la prestation de Branagh n’empêcha pas la série de rafler une brochette de récompenses amplement méritées dont 4 BAFTAS (les 7 d’or anglais). Les seconds rôles sont tous excellents, panel de comédiens britanniques et suédois, avec une mention spéciale pour Jeany Spark dans le rôle de Linda Wallander, fille de Kurt et le flippant acteur britannique David Warner (La malédiction, Titanic…) dans le rôle de son père malade. D’autres cerises agrémentent le gâteau, comme la musique de Martin Phipps qui rappelle un peu les mélodies élégamment inquiétantes de Barrington Pheloung pour Inspecteur Morse, et la lumière tour à tour étouffante et blafarde puis chaude et rassurante, semblant vouloir accompagner comme elle peut les humeurs changeantes de Wallander.

D’ici la saison 4 (en tournage courant 2014), il reste largement assez de temps pour réviser ou découvrir les trois précédentes saisons en dvd. Ce ne sera pas le plus joyeux des cadeaux de Noël, mais à coup sûr un cadeau de connaisseur pour des connaisseurs.

 *Après une dizaine de romans, la série Wallander lancée en 1991 a été stoppée net par son auteur en 2010. « Il ne m’intéressait plus », explique simplement l’auteur qui a reçu pour son oeuvre le Grand Prix de la littérature policière par l’Académie Suédoise et en France, le prix Mystère de la Critique, prix Calibre 38 et Trophée 813 du meilleur roman étranger.


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