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En hiver comme en été, les solutions pour héberger tous les SDF de Lyon

Les températures chutent. Mais comme l’année dernière, le plan froid qui prend effet au 1er novembre ne permettra pas d’héberger tous les SDF de l’agglomération lyonnaise. Pourtant, malgré les finances de l’Etat en berne, des solutions existent et sont déjà expérimentées pour héberger davantage de personnes dans de bonnes conditions.

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Le constat est simple. Actuellement, il y a entre 800 et 1000 personnes qui appellent quotidiennement le 115 et qui ne trouvent pas de place dans un foyer d’hébergement d’urgence. Un chiffre de « sans solution » jamais atteint à Lyon.

Le gouvernement, qui est revenu sur ses promesses d’arrêter la « politique du thermomètre », a demandé aux préfets de concocter, comme chaque année, un plan froid pour augmenter le nombre de places d’hébergement d’urgence. Pour l’agglomération lyonnaise, il y en aura 800 qui seront ouvertes progressivement (200 ouvertes le 4 novembre), contre 738 l’hiver dernier.

Déjà juste, ce plan ne prend pas en compte un phénomène qui se répète quand les températures chutent : les appels au 115 augmentent notamment en provenance des habitants des squats et bidonvilles. Les responsables associatifs annoncent un chiffre au dessus des 1 000 personnes sans solution pour cette hiver, malgré l’ouverture de nouvelles places.

Face à ce constat, plusieurs voix d’associatifs ou de politiques se sont fait entendre pour avancer des solutions qui permettraient, dans un contexte budgétaire contraint et sans changement législatif, d’héberger un plus grand nombre de SDF.

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1/ Répartir l’accueil des demandeurs d’asile

La France connaît une augmentation de la demande d’asile. Surtout, les demandeurs d’asile sont concentrés dans des grandes villes comme Paris, Lille et Lyon. Selon Forum Réfugiés, sur les huit premiers mois de 2013, dans le Rhône, les demandes ont augmenté de 45% par rapport aux huit premiers mois de 2012.

Or, statistiquement, environ 80% des demandeurs seront déboutés de l’asile et se maintiendront sur le territoire. Ce qui pose un double problème en matière d’hébergement.

  • Pendant les 20 mois, en moyenne, que dure la procédure, ils doivent être logés en CADA (Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile). Conséquence : le dispositif d’accueil est saturé et on voit apparaître des campements comme sous le pont Kitchener, à Perrache.
  • Ensuite, ceux qui sont déboutés de l’asile iront tenter leur chance dans des centres d’hébergement d’urgence où l’accueil est inconditionnel (on ne demande pas de présenter ses papiers pour mettre à l’abri). Là encore, le dispositif étant déjà saturé, les déboutés se retrouveront ou resteront à la rue.

D’où l’idée portée ces derniers jours, à Lyon, par des associations (Forum Réfugiés, Médecins du Monde ou la Fondation Abbé Pierre) de répartir les demandeurs d’asile sur l’ensemble des villes de la région voir dans d’autres régions et pas seulement à Lyon et Grenoble.

Cela nécessiterait un redéploiement des effectifs des associations qui accueillent les demandeurs d’asile. Surtout, il faudrait que chaque préfecture, voire sous-préfecture, soit en capacité d’administrer cette demande d’asile. Ce qui est loin d’être le cas.

Malgré les demandes répétées des élus locaux, à l’image du maire PS de Lyon ou, ce jeudi, du maire UMP d’Oullins, le gouvernement se hâte lentement sur la question. Des annonces sont prévues pour fin novembre. Initialement, un projet de loi sur l’immigration devait être présenté en septembre).

 

2/ Réquisitionner des terrains ou des locaux vides

A plus court terme, certains réclament la réquisition de locaux ou terrains vacants. Bien que la loi autorise les préfets à le faire depuis la loi de juillet 1998, la réquisition semblait jusque là une utopie pour gauchistes. Mais depuis début 2013, c’est devenu une réalité bien visible.

En janvier dernier, suite à l’incendie d’un centre d’hébergement, le préfet du Rhône a décidé de réquisitionner une partie des locaux vides de l’ex-conseil régional de Rhône-Alpes, à Charbonnières-les-Bains, dans la banlieue ouest de Lyon.

Il y a dix jours, le même préfet a signé un nouvel arrêté de réquisition concernant un terrain vague appartenant au Grand Lyon, à Oullins, pour y héberger dans des mobil-homes près de 300 demandeurs d’asile du pont Kitchner.

Ces réquisitions ne se font pas sans opposition. Même si le préfet promet, à chaque fois, une présence seulement temporaire des SDF (à Oullins, c’est jusqu’à avril 2014), les élus des communes ont une attitude hostile, élections municipales obligent. Accueillir des étrangers sur sa commune n’est pas bien vu en cette période de crise économique surtout quand ils arrivent en nombre.

Compte tenu de cette réalité politique et sociale sensible, la préfecture ne fait pas de com’ autour de ces réquisitions. Au contraire, elle dit travailler, avec les élus, à « trouver l’équilibre » qui permet « la bonne acceptabilité des choses ».

En clair, tant qu’il n’y aura pas des manifestations d’habitants pour demander des réquisitions à côté de chez eux, le préfet signera des arrêtés au compte-gouttes.

 

3/ Utiliser les logements sociaux vacants

De la même manière que pour la réquisition, l’utilisation de la vacance dans le parc HLM est une solution qui s’utilise à dose homéopathique.

La logique ? Loger des SDF dans un appartement vide, temporairement, le temps que des travaux commencent.
En effet, malgré les quelque 50 000 personnes en attente de logements sociaux dans l’agglo lyonnaise, de nombreux bailleurs sociaux maintiennent vides des logements et des bâtiments pour permettre une opération immobilière de réhabilitation ou de démolition/reconstruction.

C’est là que les associations de l’urgence sociale entrent en lice. Pendant l’hiver dernier, la Fondation Armée du Salut était seule impliquée avec 70 logements. Cette année, l’association Alynea (qui gère notamment le Samu social) s’y met avec plusieurs bailleurs, dont Villeurbanne Est Habitat.
Dans le cadre du plan froid 2013/2014, 20 familles pourront être hébergées dans un appartement. Jérôme Colrat, le directeur de l’association, explique la démarche :

« Contrairement aux grands exclus que l’on accueille dans les centres d’hébergement d’urgence, ces familles SDF n’ont pas besoin d’une présence quasi permanente de travailleurs sociaux. Ce sont surtout des familles qui sont dans des « zones grises ». Elles ne sont pas expulsables mais n’ont pas été pour autant régularisées. Elles rencontrent de grandes difficultés concernant leur santé et leurs situations administratives qui nécessitent un suivi par deux travailleurs sociaux ».

Cette « bonne pratique » est mis en avant par la Fondation Abbé Pierre, via son directeur régional, Marc Uhry :

« Avec les budgets dont dispose la préfecture, même s’ils sont en augmentation, on sait qu’on ne répondra pas aux besoins. Cette solution permet de faire plus avec autant d’argent ».

Le coût à la charge de l’Etat est de 12 et 15 euros par personne en appartement alors qu’il est de 25 à 30 euros pour certains centres d’hébergement où l’encadrement social est bien plus important.

La préfecture du Rhône reste prudente sur le sujet. Car elle a peur que ce dispositif soit compris comme un « passe-droit » qui ferait que ces personnes « prendraient les logements » de ceux qui en attendent un désespérément. Sur ce point, le directeur d’Alynea est formel :

« Ces personnes ne coupent pas la file d’attente. Elles intègrent des appartements qui ne seraient pas loués car les bailleurs ne louent pas sur des périodes courtes de six mois ou un an ».


#Hébergement

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