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Frédéric Weil, éditeur à Lyon : Quelque part entre l’e-book et le jeu vidéo 2/5

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Dénicher des nouveaux talents capables de violenter les genres littéraires. Frédéric Weil, directeur des éditions Mnémos, y consacre sa vie. Aujourd’hui, avec la numérisation de la culture, le métier d’éditeur change. Ça tombe bien, Frédéric Weil aime les défis.

FrédéricWeil-MnémosFrédéric Weil, directeur des éditions Mnémos © Lucile Jeanniard/Rue89Lyon

Le « virus de la lecture », c’est tout petit qu’il l’a attrapé. Tombé dans la marmite, influencé par ses parents et grands-parents, eux aussi de grands lecteurs. Ça a commencé avec les grands classiques, puis la mythologie, les contes, les légendes, Jules Verne et ses grandes aventures… Peu à peu, ses préférences se sont affirmées jusqu’à devenir un passionné de science-fiction.

« Ça remonte à mes 20 ans, raconte-t-il en sirotant son jus d’ananas. À ce moment-là, ma deuxième passion, après la lecture, c’était les jeux de rôle, être assis autour d’une table pour jouer à plusieurs. Avec un ami, Fabrice Lamidey, on a écrit un jeu de rôle entre nous et on s’est dit qu’on aimerait bien le porter vers le public. Il s’appelait Nephilim. »

Désireux de voir des jeux de rôle « plus recherchés » (« on était jeunes et prétentieux à l’époque », ironise-t-il) et « plus branchés sur la culture », les deux hommes ont créé la maison d’édition Multisim, spécialisée dans le jeu de rôle. C’était en 1992.

 

« Et si Napoléon avait gagné Waterloo ? »

En éternel insatisfait ou en amoureux des défis, au choix, Frédéric Weil ne s’est pas arrêté là. Après 4 ans à travailler dans les jeux de rôle, il remet son titre en jeu et se lance dans la littérature en créant les éditions Mnémos.

« Quelques années après le lancement de Multisim, on s’est dit : maintenant qu’on est un peu plus solides, un peu plus matures – ce qui n’était pas vrai en fait, plaisante-t-il – pourquoi ne pas rejoindre notre première passion qui est de publier de la littérature ? »

Une fois de plus, il rejette la facilité et décide de s’engouffrer dans une niche : la littérature imaginaire. Ses domaines de prédilection ? La science-fiction, la fantasy, le fantastique et l’uchronie… Autrement dit « les gens qui inventent des histoires en se posant des questions du style « Et si Napoléon avait gagné Waterloo ? » », explique l’éditeur, clairement dans son élément.

Rapidement, Mnémos rencontre son public. Frédéric Weil s’aperçoit qu’il arrive à point pour les lecteurs francophones de l’imaginaire, qui attendaient plus que de simples traductions de best-sellers anglosaxons.

« À cette époque, à part Le Seigneur des anneaux, il n’y avait pas grand-chose », ajoute l’éditeur, un brin de fierté dans la voix.

 

« Je n’ai pas de talent. Les auteurs en ont »

Mais juste un brin de fierté. Car vous l’aurez peut-être remarqué, Frédéric Weil est loin d’être un « m’as-tu vu ». Lorsque nous lui parlons de notre projet de réaliser un portrait de lui, on s’empresse de préciser qu’il s’agit de parler de lui, mais dans le cadre de son travail… Apaisé, sa mine déconfite disparait aussitôt.

Ce qu’il aime dans l’édition ? Observer la façon dont un auteur va être capable d’inventer une histoire, de créer des personnages, mais aussi « travailler avec des gens qui ont du talent. Moi je n’en ai pas. Eux ils en ont. C’est très enrichissant. »

Non, décidément, Frédéric Weil n’aime pas se mettre en avant. D’ailleurs, en bon modeste, il est aussi perfectionniste… Se reposer sur ses acquis ? Trop peu pour lui.

« Notre spécialité… Enfin ce qu’on cherche à faire, précise-t-il, c’est de publier des nouveaux talents. On a toujours aimé cette prise de risque. »

Et avec environ 2000 manuscrits reçus chaque année, les éditions Mnémos ont l’embarras du choix. « C’est énorme pour une petite maison comme la nôtre », assure-t-il. Soucieux de repousser encore et toujours les limites des genres littéraires, Frédéric Weil et son équipe ne se contentent pas uniquement de leur catalogue d’auteur, pourtant déjà bien fourni. Et ça, c’est l’une des plus grandes fiertés de l’éditeur. Alors, cette fois, il ne s’en cache pas.

« On a lancé, parmi les premiers écrivains français de l’imaginaire qui ont maintenant une carrière reconnue, Mathieu Gaborit, Johan Heliot, Fabrice Colin, Laurent Kloetzer… À un moment ou à un autre ils ont pratiquement tous écrit un bouquin chez nous et ça a lancé leur carrière. »

Capture d’écran du site des édition Mnémos

En octobre prochain, Frédéric Weil publie l’une de ses plus belles trouvailles : Christian Chavassieux, un Roannais de 53 ans, auteur du récit « Mausolées ».

« Il s’agit d’une histoire d’anticipation, un bouquin extraordinaire. Subtile et poétique. Je l’aime énormément. C’est un texte que j’attendais depuis 10 ans ! », s’emballe l’éditeur, des scintillements plein les yeux.

 

« Rester positifs alors que tout le monde tire la tête »

Mais cette prise de risque a un prix : même si la maison d’édition est pérenne, « on ne roule pas sur l’or », avoue Frédéric Weil.

« Mnémos n’a jamais été une affaire extrêmement facile. C’est normal, on sort des premiers romans, alors il y a des années où ça marche bien, d’autres où ça marche moins bien. En ce moment, globalement c’est la crise dans l’édition. Un livre est tiré en deux fois moins d’exemplaires qu’il y a cinq ou six ans. On est aussi plus prudent sur les ouvrages qu’on choisit. »

Si les éditions Mnémos publient une trentaine de livres par an, aujourd’hui seuls deux sont des premiers romans.

Mais plutôt que de basculer dans « ce pessimisme ambiant », Frédéric Weil a choisi d’agir : il y a un an, Mnémos, Actu SF et les Moutons électriques ont fondé le collectif « Les Indés de l’imaginaire ». Acheter de la publicité en commun, organiser une participation commune aux salons, mais aussi tenir une revue gratuite permettant de faire connaître le travail des trois maisons…

« On se serre les coudes, notamment pour mutualiser les dépenses, précise Frédéric Weil. À trois, on est plus forts qu’en solitaire. C’est l’un des moyens qu’on a trouvé pour rester positifs et être force de proposition alors que tout le monde tire un peu la tête. »

 

Numérique : « Imiter le livre objet me parait stupide »

L’autre stratégie adoptée par l’éditeur pour sortir la tête de l’eau, c’est de prendre la vague du livre numérique. Tenter de nouvelles expériences pour aller de l’avant… La spécialité de Frédéric Weil.

Pour lui, le numérique est « une mutation profonde et irréversible à laquelle il faut s’adapter » :

« Mais au delà de ça, c’est très intéressant d’essayer de trouver de nouvelles façons de lire, confie-t-il. Notre travail d’éditeur, ça va être d’anticiper ces nouveaux usages, de discuter avec ces nouveaux lecteurs pour tenter de cerner leurs envies, et de travailler avec des auteurs qui seraient d’accord pour laisser un peu la main au lecteur. »

Car l’arrivée du numérique dans le monde du livre, pour Frédéric Weil, ça n’est pas juste l’e-book. « Faire semblant de tourner une page sur un écran, vouloir imiter le livre objet me parait stupide », lâche l’éditeur :

« Autant chercher ce que peut apporter l’informatique et trouver des interfaces adaptées. En fait, je pense que le livre numérique doit aller plus loin que le simple CD-Rom ou le site internet, sans aller jusqu’au jeu vidéo. »

Ayant travaillé dans les jeux de rôle, ce nouveau défi enthousiasme tout particulièrement Frédéric Weil. Les éditions Mnémos se sont d’ailleurs déjà penchées sur la question en éditant Kadath, un livre interactif et augmenté (voir la vidéo ci-dessous).

« On a essayé quelque chose, ça a rencontré son public, mais en même temps, on se demande si c’est vraiment ça la bonne piste… », s’interroge l’éditeur.

Un éternel insatisfait on vous dit. Actuellement, il explore une autre piste avec un ouvrage de Jules Verne, Un an dans les airs. « D’ici six mois, on va proposer une nouvelle expérience interactive de lecture », annonce l’éditeur pour nous tenir en haleine. Le rendez-vous est pris.


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