Comparer les métropoles lyonnaise et grenobloise. Si l’équipe de l’Insee qui a réalisé ces études avait voulu réveiller une vieille guerre larvée entre les deux villes, elle ne s’y serait pas pris autrement. Mais les conclusions sont suffisamment claires pour mettre (on l’espère) tout le monde d’accord.
Alors que ce soit clair, une bonne fois pour toutes : Oui, la région Rhône-Alpes tourne autour de l’ « aire métropolitaine lyonnaise ». Mais non, Grenoble n’est pas inexistante. Et la « capitale des Alpes » aurait même quelques leçons à donner à la « capitale des Gaules » dans certains domaines.
Les auteurs des deux études, Michel Bonnet et Mustapha Touahir, l’écrivent :
« Avec ses 2,1 millions d’habitants, l’aire de Lyon est la deuxième de France et la première de province. »
Jusque là rien de surprenant. Mais que les Lyonnais ne se réjouissent pas trop vite. Ils ne sont pas les seuls à briller en Rhône-Alpes, comme le rappelle Mustapha Touahir :
« L’aire urbaine de Grenoble ne compte que 700 000 habitants mais pourtant, la métropolisation y est très marquée ».
Ainsi, à la manière des députés, l’Insee considère que Grenoble est bien une Métropole. En effet, après l’adoption du projet de loi sur les métropoles, le 1er janvier 2015, celle de Grenoble sera créée, remplaçant l’intercommunalité existante et lui donnant des compétences étendues. Pour rappel, celle de Lyon sera créée à la même date. Mais comme Paris et Marseille, elle aura un statut administratif particulier.
Une population qui augmente, fortement qualifiée, des emplois « métropolitains »… et de la pollution. Bilan : match nul
Mais à l’Insee, on ne fait pas de politique. On fait de la statistique. Et statistiquement, on retrouve des critères de « métropolisation » identiques dans les deux villes rhônalpines. Petit tour d’horizon des points communs :
- Les deux villes ont une forte concentration d’emplois liés à des « fonctions métropolitaines » (conception-recherche, prestations intellectuelles, commerce interentreprises, gestion, culture et loisirs). Avec ce critère, Lyon et Grenoble se classent respectivement en troisième et quatrième positions des villes françaises, derrière Paris et Toulouse.
- Sans doute en lien avec la question précédente, les habitants des deux villes ont un haut niveau de formation et de qualification.
- Des dynamiques démographiques fortes. Entre 1999 et 2009, dans l’aire urbaine de Lyon, la population a augmenté en moyenne de 0,96% par an et dans celle de Grenoble de 0,54%. Mais comme on peut s’y attendre dans le cas de métropoles, ce sont surtout les périphéries des villes qui ont le plus crû : +1,6% pour la couronne périurbaine lyonnaise et +1,5% pour la périphérie grenobloise.
- La pollution. L’Insee pointe « en particulier, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) générées par les seuls déplacements domicile-travail ou domicile-études ». On compte 31 tonnes de CO2 par an pour 100 Grenoblois et 32 tonnes pour 100 Lyonnais. Avec de tels chiffres, les deux sœurs rhônalpines dépassent largement les autres aires métropolitaines françaises (par exemple, à Paris, 28 tonnes pour 100 habitants)
Lyon, métropole riche et diversifiée…
Pour Pascal Oger, le fait qu’il y ait tant de critères communs, n’a rien de surprenant :
« Rhône-Alpes est un territoire particulièrement homogène. Contrairement à ce qu’on croit, il y a beaucoup moins de déséquilibres que dans d’autres régions. »
A ce moment là de la conférence, on a bien failli s’endormir. D’ailleurs, le directeur régional de l’Insee le reconnaît :
« Comme toujours, les études démographiques ne relèvent pas du scoop. Mais celle-là met par exemple en exergue des spécificités grenobloises ».
Certes. Mais lesquelles ?
Tout d’abord, Lyon est une ville riche, Grenoble pas. L’Insee parle de « forte capacité d’accumulation de richesses » dans l’agglomération lyonnaise. En effet, la valeur ajoutée par emploi en fait la première aire urbaine. De province, bien sûr, puisque Paris la dépasse en la matière. Par contre, notent les auteurs, si la préfecture de l’Isère n’est pas une ville pauvre, « le rayonnement économique des entreprises grenobloises reste modéré. » La valeur ajoutée par emploi y dépasse à peine la moyenne des aires urbaines de plus de 200 000 habitants (hors Paris).
Et la structure même de la richesse n’est pas la même. A Lyon, le « profil métropolitain est économiquement diversifié », avec tout de même une forte place du commerce (même plus qu’à Paris).
… face à Grenoble et son rayonnement scientifique
Alors que Grenoble s’est spécialisée dans les fonctions de conception-recherche, complètement surreprésentées dans l’agglo, mais aussi dans les prestations intellectuelles. Ainsi, le rayonnement grenoblois est principalement scientifique. Rappelons qu’avec 6,23 brevets déposés pour 10 000 habitants, Grenoble a récemment été classée cinquième ville la plus innovante du monde par Forbes. La part de l’emploi dans les secteurs innovants (7,8%) y est le plus élevé de France. Forte de sa réputation, Grenoble attire à l’international : avec un taux d’étudiants étrangers de 10,6% elle dépasse largement Lyon (8,5%).
Mais si Grenoble s’est spécialisée dans les activités scientifiques, elle n’en reste pas moins productive. A Lyon par contre, on excentre les productions concrètes. La ville est ainsi au centre d’un « système territorial étendu », expliquent les auteurs de l’étude, où les villes en périphérie assurent les « fonctions de production concrète ».
A Grenoble par contre, on trouve à la fois la conception et la production intra-muros :
« Contrairement aux autres aires urbaines, la métropolisation de la capitale des Alpes, contrainte par le relief, s’appuie relativement peu sur les territoires alentours. »
Ce qu’on appelle couramment « la cuvette ».
Toutefois, que les Grenoblois ne crient pas victoire. Certes, ils participent à l’attractivité, notamment scientifique, de la région. Mais en analysant les flux économiques, les auteurs de l’étude concluent que « le rayonnement économique de la région Rhône-Alpes tient en grande partie à celui de l’aire urbaine de Lyon. »
Des entreprises lyonnaises omniprésentes dans la région
L’Insee s’est notamment intéressée aux flux existants entre le siège social et établissements d’une entreprise.
« Ainsi, 6800 salariés (en équivalent temps plein, ndlr) grenoblois et 4600 salariés stéphanois dépendent d’un siège social lyonnais. A l’inverse, près de 3400 salariés lyonnais appartiennent à une entreprise stéphanoise et 3100 à une entreprise grenobloise. »
Dans la balance rhônalpine, le plateau aurait donc clairement tendance à pencher du côté lyonnais.
Plus surprenant encore : les entreprises lyonnaises génèrent quantité d’emplois même à l’extérieur de la région :
« 26 400 salariés de l’aire métropolitaine de Paris et 6800 salariés de celle de Marseille-Aix-en-Provence dépendent d’une entreprise lyonnaise. »
Bon, pas de quoi fanfaronner face aux Parisiens non plus :
« Près de 122 000 salariés de l’aire urbaine de Lyon et plus de 34 000 salariés de celle de Grenoble dépendent d’un siège social localisé en région parisienne. »
La « puissance lyonnaise »… pas suffisante pour rivaliser avec les grandes métropoles européennes
Alors que ces études ont été réalisées en partenariat avec le réseau des Agences d’urbanisme Rhône-Alpes, les directeurs des agences de Lyon, Grenoble et Saint-Etienne étaient là lors de la présentation des résultats de l’étude. Dans la salle, certains se sont aventurés à parler de « puissance lyonnaise ». Un élan vite réprimé par le directeur régional de l’Insee :
« Il faut relativiser. Aujourd’hui, le niveau de comparaison, c’est l’Europe. Or, là, on se confronte à des géants comme Barcelone, Londres, Milan… »
Et là, au grand dam du maire PS de Lyon, Gérard Collomb, qui voudrait rivaliser avec des métropoles européennes majeures, la capitale rhodanienne brille moins. L’étude de l’Insee ne permet pas la comparaison. Mais la Datar (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) a publié une étude réalisée à l’échelle européenne en 2012. Lyon et Grenoble y sont classées dans un deuxième groupe de métropoles de taille moyenne, derrière les 26 premières métropoles européennes.
Face à ce constat, le directeur de l’Agence d’urbanisme de Lyon, Damien Caudron, appelle à l’union en Rhône-Alpes :
« L’union fait la force. Il est important de construire cette union pour avoir une chance d’exister au niveau national et international ».
Aller plus loin
La Métropole de Lyon : notre grande foire aux questions
Les deux études de l’Insee :
Lyon, au coeur du système métropolitain rhônalpin
Lyon et Grenoble : deux profils métropolitains différents
Chargement des commentaires…