Reconverti oracle barbichu, Steven Spielberg avait prophétisé mi-juin aux côtés de son complice George Lucas la fin d’Hollywood et de ses blockbusters drainant des quantités faramineuses de pognon salement gagnés. Le messie s’est planté, comme s’en gargarise notamment Jacky Goldberg dans les Inrocks de cette semaine : les ventes de tickets aux Etats-Unis ont augmenté de 10% par rapport à l’été dernier, et les pertes accumulées sur certaines grosses productions sont compensées par les éclatantes réussites commerciales des mois précédents. Victoire, célébration, pipes au Champagne ? Non, non et encore moins. La vision fastidieuse des produits estivaux trahit l’atmosphère de no man’s land créatif où s’embourbe l’usine à rêves hollywoodienne. Récapitulatif en quelques points cruciaux.
1. Des adaptations à la truelle
Coco, t’es gentil, mais ton film coûte une blinde donc tu me fais plaisir, tu ratisses large. Les œuvres de base ont un public cible ? Pas besoin de soigner la direction artistique ou les effets spéciaux – voir à ce titre les atroces Percy Jackson 2, RIPD, Les Schtroumpfs 2 ou encore l’inter-minable climax de Wolverine. Le pavé de Max Brooks est complexe à synthétiser en deux heures ? Tu recentres l’action de World War Z sur quatre pays et tu ne gardes du texte original qu’un monologue, Damon Lindelof brodera (il adore ça). Personne ne connaît plus Lone Ranger ? Demande à Johnny Depp de refaire son numéro de Jack Sparrow puis rajoute des scènes d’action à la con. Le comic Kick-Ass 2 est un peu borderline, quand même ? Tourne tout au second degré ; c’est bien connu, les blagues sur le viol, ça fait marrer tout le monde. Comment ça, les fans de base crient à l’arnaque ??? Ils ont déjà de la chance qu’on s’intéresse à leurs goûts, ces p’tits cons.
2. L’originalité à la traîne
Dans la vingtaine de gros films américains sortis cet été, seulement quatre pouvaient se targuer de la mention « scénario original » : Les Flingueuses, Pacific Rim, Elysium et Insaisissables. Ni des suites, ni des reboots, ni des adaptations, mais des produits calibrés et englués dans des codes et des références qui finissent par leur enlever tout cachet, voire toute identité. En fait, ces films n’ont pour eux qu’une seule valeur ajoutée les empêchant de sombrer dans l’oubli ; respectivement : l’abattage comique de Melissa McCarthy, les mises en scène inspirées de Guillermo Del Toro et Neil Bloomkamp, et un scénario grotesque mais fun. Vu l’état de la concurrence, mieux vaut commencer à se satisfaire de peu.
3. La victoire éclatante du placement produit
Même les rares supporters de World War Z ne sont pas arrivés à défendre la fin (remaniée) du film, en particulier ce moment où Brad Pitt déguste une cannette de Pepsi plein cadre, à deux doigts de susurrer « the choice of a new generation » avec son timbre pénétré des pubs Chanel. Dans les séquences d’interrogatoire d’Insaisissables, les sodas sont mieux filmés que les acteurs. N’oublions surtout pas l’innovation que constitue un film comme Les Stagiaires : soit un produit entièrement conçu autour d’une marque, présente dans presque chaque plan et louée en permanence pour ses valeurs tellement synchrones avec le rêve américain.
4. La résurgence du religieux
Les Etats-Unis sont une nation fervente, et Hollywood est là pour le rappeler aux impies qui oseraient l’occulter. Même dans un bousin perclus de références mythologiques comme Percy Jackson, le personnage de Dionysos ne manque pas de rappeler que celui qui change l’eau en vin, « ça, c’est un Dieu ». Les visions de l’enfer parmi les plus basiques jamais vues servent de décorum à RIPD : Brigade Fantôme et C’est la fin, sans se poser plus de questions sur leur viabilité – mec, si tu t’interroges, va donc LIRE LA BIBLE. Conseil suivi à la lettre par le personnage de Jim Carrey dans Kick-Ass 2, vigilante allergique aux blasphèmes et adepte de la prière de groupe avant les passages à tabac (de groupe également).
5. La précipitation vers l’Idiocracy
Dans son chef-d’œuvre atrocement visionnaire, Mike Judge expose sa vision du divertissement dans une Amérique futuriste abrutie : « Le hit du moment s’appelait “Cul“. Et c’est tout ce que l’on y voyait pendant une heure et demi. Il remporta huit Oscars cette année-là, dont celui du meilleur scénario ». Par optimisme et foi relative en l’humanité, Mike Judge situe son récit en l’an 2500. Il est à parier que s’il avait vu coup sur coup Kick-Ass 2 et Copains pour toujours 2, avec leurs intolérables running gags scatophiles, il aurait avancé l’échéance de notre intelligence à 2050.
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