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Francesca Borri, pigiste en Syrie : « le silence » à présent

La « lettre d’une pigiste perdue dans l’enfer syrien » a d’abord ému, avant de susciter la polémique au sein de la profession. Contactée par mail, l’italienne Francesca Borri, auteure du témoignage, veut se faire oublier. Et retourner en Syrie.

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Des enfants tentent de se frayer un passage le long des ruines de la ville d’Alep en Syrie ou les bombardements ont ravagé une grande partie de la ville. © Giacomo Cuscuna/Wostok Press/Maxppp

Sa lettre, publiée sur le site de la Columbia Journalism Review début juillet, et traduite par le Nouvel Obs le 31 du même mois, est désormais associée à la guerre en Syrie. Un témoignage fort sur la situation de ce pays en guerre civile depuis 28 mois, mais surtout sur l’extrême précarité des journalistes pigistes en temps de guerre. Travailler, malgré la peur, les conditions déplorables, l’absence d’entraide entre reporters, la rémunération minable et le tout au détriment de la sécurité

 

« Crétin, c’est un endroit pour personne »

En France, la tribune sur cet « endroit fait pour personne » a immédiatement touché les lecteurs. Extraits :

  • « Il m’a enfin écrit […] Aujourd’hui, mon rédacteur en chef a regardé les infos et a pensé que je faisais partie des journalistes italiens qui ont été kidnappés. Il m’a envoyé un e-mail: «Si tu trouvais une connexion, pourrais-tu tweeter ta captivité ?» »
  • « Rester en Syrie, là où personne ne veut rester, est ma seule chance d’avoir du boulot. Je ne parle pas même d’Alep, pour être précise. Je parle de la ligne de front. Parce que les rédacteurs en chef, en Italie, ne veulent que le sang et les «bang bang» des fusils d’assaut. »
  • « Si j’avais su cela, alors je n’aurais pas eu si peur d’aimer, d’oser, dans ma vie ; au lieu d’être ici, maintenant, recroquevillée dans l’obscurité et la puanteur, en regrettant désespérément tout ce que je n’ai pas fait, tout ce que je n’ai pas dit. »

 

« Extrêmement timide »

En Italie, elle a avant tout suscité la controverse. Les confrères de la pigiste de 33 ans ne se sont pas privés de reprocher à la jeune femme de s’élever en « donneuse de leçons ». Ce n’était certainement pas son objectif. Francesca Borri, qui nous a affirmé être « extrêmement timide », se retrouve plus que dépassée par l’ampleur de la polémique.

« L’unica, ora, è il silenzio. »

La seule chose, à présent, c’est le silence. Elle ne reviendra plus sur cette histoire. Elle a déjà répondu aux critiques dans le Guardian, la Stampa, Le Nouvel Obs.

Des critiques de l’ordre du ressenti, comme celle d’Amedeo Ricucci, journaliste pour la RAI depuis 1993 qui s’est fendu d’une réponse à sa jeune consoeur. Extraits :

« Moi aussi j’ai été à Alep […] J’imagine à quel point ça peut devenir insupportable. Mais personne n’a le droit de pleurer sur son propre sort. Parce que personne ne t’oblige à te rendre là-bas pour une paye de misère que même un maçon roumain sans papier n’accepterait pas […] Pour prendre en main son propre futur, ça ne sert à rien de romancer son expérience professionnelle. »

Des critiques, sur le fond, et des deux côtés des Alpes, auxquelles la journaliste a répondu :

« Sur la Bosnie, mais bien entendu que la guerre était terminée ! Nous étions en 2003, je parle d’une fusillade et pas d’une guerre ! Et mon livre est bien sur la perte de l’innocence » […]

Sur la blessure au genou, elle transmet le témoignage du porte-parole des rebelles à Sheik Maqsoud, le quartier kurde d’Alep, envoyé à la Columbia Journalism Review :

« J’étais avec Francesca Borri et Stanley Greene quand elle a été blessé par un projectile au genou le 4 avril 2013. »

Nos confrères de Rue89 ont publié les réactions de plusieurs grands reporters sur le sujet. Ils débattent sur les exagérations de la journaliste, les risques inconsidérés qu’elle semble prendre, mais surtout, sur ce statut qui n’en est pas un : pigiste.

 

« Nous sommes tous dans la même situation… un désastre »

Enfin, le principal débat suscité par Francesca Borri. La précarité du journaliste freelance. Dans un des mail que nous avons échangés, elle me lance, désabusée :

« Nous (les pigistes, ndlr) sommes tous dans la même situation… un désastre. »

Face à l’afflux de réactions, Francesca Borri a publié le 26 juillet dernier une nouvelle tribune dans le Guardian. Son objectif cette fois, dire qu’elle s’est trompée, que l’idée n’est pas de parler d’elle ou de sa condition de pigiste mais bien de la Syrie. Elle espère cependant pouvoir lire des témoignages de ses confrères. Le site du collectif Valigia blu vient d’ailleurs de lancer un débat en ligne. Question ? Comment améliorer ce non statut ?

 


#Italie

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