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Demandeurs d’asile : « soyons un peu moins humanistes et un peu plus réalistes »

« Des projets migratoires déguisés en demande d’asile »

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Travailleur Social dans un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile depuis de nombreuses années, je tiens à vous apporter une autre vision que celle que vous présentez au travers de l’article Fin de l’hébergement d’urgence : mon impuissance de travailleur social.

Parlons avant tout de réalité des chiffres : depuis l’automne 2012, le flux migratoire à augmenté de plus de 100% dans de nombreux départements. Pour la plupart, ce sont des solliciteurs d’asile en grande majorité des Balkans (Albanie et Kosovo), qui, une fois leur rendez-vous de demande d’admission au titre de l’asile en France, deviennent demandeurs d’asile.

Il faut être précis quand on parle de ce sujet pour comprendre pourquoi, aujourd’hui, nous nous retrouvons dans cet état d’urgence. Première réflexion, au vu du nombre de personnes arrivées depuis cet automne : comment voulez-vous que nous puissions proposer à chacun un hébergement ? Soyons réaliste, les 30 glorieuses c’est terminé. L’Etat et les collectivités locales n’ont plus les moyens pour faire face à un flux pareil.

L’ensemble des dispositifs sont embolisés par ces populations créant les situations que vous évoquez. Il est important de s’interroger sur les raisons de ce flux et de se questionner réellement sur les raisons qui amènent ces populations à venir en France. La plus grande partie de ces personnes vient des Balkans, de la corne de l’Afrique, de pays de l’ex-URSS. Tous ont un point commun : ils demandent la protection de la France au titre de la Convention de Genève :

« Qui craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. »

Un centre d’hébergement d’urgence. Crédit : Maxppp.

 

La grande majorité ne relève pas de cette convention ou même de la protection subsidiaire, car la grande majorité utilise la demande d’asile à des fins migratoires. La demande d’asile est le moyen le plus facile pour se maintenir sur le territoire, avoir un hébergement, des ressources mensuelles (AMS en CADA, ATA…) et une protection sociale. Ils suffit de regarder les dossiers OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), les décisions et les comptes-rendus d’entretien de ces personnes pour se rendre très vite compte que, pour une majorité, ce sont des dossiers montés de toutes pièces.

Sachant qu’une procédure dure en moyenne 18 mois, l’enjeu principal est l’hébergement et cela est très bien compris par toutes ces personnes (ex : couple en HUDA (Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile, ndlr) avec un enfant en procédure normale : environs 660 €/mois sans aucune charge, CMU et aide alimentaire). Certains font le tour de France, prennent des rendez-vous dans plusieurs préfectures, à la recherche du premier hébergement, d’autres font pression sur les départements ou les collectivités en mettant en avant enfants, vieillards, malades… Certains ont de la famille en France de longue date, mais ils savent très bien que l’enjeu est d’être hébergé en structure pour être suivi dans la procédure correctement et ne pas être une charge pour la famille.

Aujourd’hui, nous assistons à des projets migratoires divers et variés (économique, sanitaire, familial…) déguisés en demande d’asile. Reprenons l’exemple de votre article : cette famille quitte la Serbie en 2009, la guerre étant terminée depuis 1995, cette femme a certainement connu les horreurs de la guerre. Mais, en 2009, posons-nous la question de pourquoi elle quitte la Serbie ? Elle ne relève d’aucune protection au titre de l’asile, elle quitte la Serbie comme de nombreux de ses compatriotes pour des raisons économiques ou sanitaires. Cet exemple peut être repris de nombreuses fois. Je peux vous en citer des centaines d’autres, encore plus pertinents, qui démontrent l’utilisation abusive de la demande d’asile.

 

« Une réforme urgente du droit d’asile est nécessaire »

Aujourd’hui, la demande d’asile est menacée par toutes ces personnes l’utilisant à d’autres fins. Aujourd’hui le « vrai » réfugié celui relevant de la protection de la France est en danger car son dossier sera noyé dans cette masse de « faux « dossiers. Pour permettre à chacun d’avoir un hébergement, il faut de la fluidité dans les dispositifs (HUDA, CADA, HU…) mais aujourd’hui l’ensemble est embolisé par toutes ces personnes soutenues par des pseudo militants qui encouragent vivement ces personnes à rester dans les dispositifs ne respectant pas les contrats de séjour signés et acceptés à l’entrée. Il y a des règles à respecter pour permettre à tous d’avoir la chance d’obtenir un hébergement et défendre son dossier d’asile dans de bonnes conditions.

Soyez un peu moins humanistes et un peu plus réalistes, nous ne pouvons pas nous permettre, dans les conditions de ce flux et des finances de notre pays, d’offrir à chacun un hébergement. Soyez réalistes : seriez-vous prêt demain à quitter votre pays (où vous ne risquez rien) à des fins économiques ou autres et faire subir à vos enfants ce que ces personnes font subir en les obligeant à dormir dehors ? Soyez réalistes : ces personnes embolisent nos hébergements et pendant ce temps des travailleurs précaires dorment dans leurs voitures car ils ne mettent pas enfants, femmes, vieillards devant les préfectures pour faire pression.

Pourquoi est-il si difficile aujourd’hui d’effectuer une reconduite ? Car pour une grande majorité, ils ne présentent jamais leurs passeports (que le méchant passeur a gardé…) et sont en France sous une autre identité pour ne pas être identifiables et rendre les reconduites plus difficiles voire impossibles. Pourquoi ce flux ? Il y a la guerre en ce moment au Kosovo, en Albanie, en Arménie, en Géorgie… ? Pourquoi n’avons nous pas plus de Syriens par exemple qui viennent demander la protection de la France ?

Soyez moins naïfs, moins humanistes et soyez réalistes : vos agissements mettent à mal la demande d’asile. Une réforme urgente du droit d’asile est nécessaire. Je travaille au quotidien pour permettre à chacun de faire valoir ses droits, de défendre son dossier dans les meilleures conditions. Mais je suis réaliste et je leur dis toujours la vérité quand elle doit être dite, car les dossiers d’asile et les entretiens ne trompent pas… Chaque jour, des familles défilent dans nos bureaux (les enfants devant) pour demander un hébergement. C’est difficile de dire « non, on ne peut pas » mais c’est la vérité. Arrêtez de faire croire à ces personnes que la France est un eldorado car vous ne faites qu’entretenir la vision donnée dans leurs pays. Dites leur la vérité… la France ne peut plus, malheureusement…

> Commentaire d’Albert publié sous l’article : Fin de l’hébergement d’urgence : mon impuissance de travailleur social


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