Crédit Lorenza e Vincenzo Iaconianni, Wiki commons
BLOG / Silvio Berlusconi n’ira pas en prison. Et Ruby Rubacuori (la voleuse de cœur) n’est toujours pas la nièce d’Hosni Moubarak. Jusque là, rien de nouveau sous le soleil italien.
Et pourtant. Lundi après-midi, au terme de deux ans de procès et sept heures de délibération, l’ex-président du Conseil italien Silvio Berlusconi a été condamné à sept ans de réclusion et l’interdiction à vie d’exercer la moindre fonction publique pour prostitution de mineure et abus de pouvoir dans l’affaire du Rubygate. Si de nombreux Italiens se réjouissent de ce verdict, même si les avocats du Cavaliere ont déjà annoncé qu’ils feraient appel, ses partisans voient dans les conclusions, particulièrement lourdes, de ce procès, un acharnement politico-juridico-médiatique. Bref, une théorie du complot.
En Une de Il Giornale : plusieurs articles consacrés à l’affaire. Tous à charge… contre les juges, les médias, les opposants du Cavaliere. Une bien belle version de la théorie du complot, déclinée sous toutes ses formes.
« Nous sommes tous des putes »
Pour les non italophones, un bref aperçu en traductions :
- La théorie du complot gagne : Pour pouvoir condamner Berlusconi, les juges ont du considérer faux 32 témoignages, du jamais vu.
- Ces témoins soumis à une enquête pour avoir défendu le Cavaliere : la vérité ne plaît pas aux magistrats.
- « Nous sommes tous des putes » : Giuliano Ferrara contre les juges moralisateurs. Le directeur de Il Foglio (quotidien conservateur, NDLR) se met du rouge à lèvres : à 19 heures il se rendra Place Farnese à Rome pour protester contre les juges qui ont condamné le Cavaliere.
- Maintenant toutes les femmes entretenues sont jugées. Le procès de Milan sanctionne le délit de « dîner ». A partir d’aujourd’hui, toute personne qui reçoit de l’argent de son propre compagnon peut être considérée comme prostituée.
Petit aperçu, disais-je. La palme revient à cet article, toujours sur Il Giornale : « Tout comme dans Il Caïmano, les juges imittent-ils Moretti ? »
Dans cette scène finale du Caïman de Nanni Moretti, le président du Conseil est confronté à la sentence de la justice : sept ans de réclusion et interdiction à vie d’exercer toute fonction publique. Ok. La réalité a seulement rejoint la fiction. A noter, juste pour le noter, que Il Giornale appartient à la famille de Silvio Berlusconi.
La sentence par les femmes et pour les femmes ?
Dans les faits, l’ex président du Conseil italien a été jugé par des femmes, à cause d’une histoire de fesses. Trois magistrates, Carmen D’Elia, Orsola De Cristofaro et Giulia Turri, qui ont alourdi la peine réclamée par la procureure Ilda Boccassini, d’un an supplémentaire. Et même si Berlusconi n’ira pas en prison en raison de son âge (76 ans) et des recours possibles en appel, cette dernière condamnation est, comme l’indique Philippe Ridet, le correspondant du Monde en Italie, « infamante ».
La semaine passée, Silvio Berlusconi a été condamné à cinq ans de prison pour fraude fiscale : une affaire complexe de comptes off shore et de détournements de fonds. Et c’est loin d’être son premier procès comme le montre cette infographie du Monde.
Mais cette fois-ci tout est simple, limpide même. Et d’autant plus infamant. La villa d’Arcore accueillait régulièrement un harem de jeunes femmes, dont Ruby Rubacuori, géré par Nicole Minetti, hygiéniste dentaire devenue par la suite conseillère régionale PDL (le parti de Berlusconi). Des soirées « Bunga bunga », des orgies, après lesquelles les « veline », les créatures de Silvio, repartaient avec un pactole de 2500 € en moyenne.
Le problème, c’est que la plantureuse marocaine Karima El-Marough n’avait que 17 ans au printemps 2010, à l’époque où elle se rendait à Arcore. Et bunga, prostitution de mineure. Au mois de septembre suivant, alors qu’elle est arrêtée pour un larcin, Silvio Berlusconi la fait libérer, prétendant qu’elle est la nièce d’Hosni Moubarak, l’ex président égyptien. Et bunga, abus de pouvoir.
Prunelle et cul
A la veille du verdict, les partisans de Silvio Berlusconi, qui se retrouvent également dans la ligne de tir de la justice pour réseau de prostitution, ont une nouvelle fois nié les faits, parlant de « spectacles burlesques », de « soirée anodines ». Appelée à la barre à la fin du mois de mai, Ruby assurait d’ailleurs ne jamais avoir vu de contact physique entre les filles et l’ex-président du Conseil. En opposition totale avec ce qu’elle avouait à une amie et qui a été révélé par des écoutes téléphoniques :
« Si pour papi, elle (Noemi Letizia, objet d’un précédent scandale sexuel, NDLR) est la prunelle de ses yeux, moi je suis son cul. »
Voilà qui est dit. La jeune marocaine, qui a grandi en Sicile, rêvait de grandeur. Dès ses 14 ans elle se fait surnommer Rubacuori. Et même si elle essaie aujourd’hui de se racheter une image comme l’explique un article de Libération, « son cul » risque de lui coûter cher, et de coûter cher à Silvio.
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