Les futurs usagers participent à l’installation des composteurs. ©Les Compostiers
Les trois bacs sont tout beaux tout neufs. Depuis le mois de mai, à côté de la Maison des citoyens de Villeurbanne, on peut maintenant trouver un composteur collectif. Ouvert à tout le quartier, il fonctionne grâce à l’implication d’un groupe d’usagers organisés autour de référents formés à la pratique du compostage. Chacun vient y déposer ses restes d’aliments crus et met un coup de râteau à chaque passage. A l’origine, un groupe d’habitants qui ont contacté Les Compostiers, association qui s’est spécialisée dans l’accompagnement de projets de compostage collectif dans le Grand Lyon.
L’idée est partie d’une expérimentation dans le 7e arrondissement de Lyon en 2009. Alors que le jardin partagé d’Amaranthes fleurit depuis quelques années, deux amis proposent d’y installer un composteur. Vite pris d’assaut par les habitants du quartier et de tout Lyon, le composteur est déplacé. Puis le projet est essaimé dans la ville. Delphine Dépraz, coordinatrice des Compostiers, raconte :
« Au départ, les gens jetaient juste leurs ordures à travers une trappe. Et c’était les membres de l’association qui s’occupaient de retourner le compost et de tout l’entretien. C’est là qu’on a compris que si on voulait que ce soit viable, ils fallait former les gens aux bonnes pratiques du compostage, les rendre autonomes et multiplier les petits sites dans la ville. »
Dans le 7e, le projet est devenu trop gros et difficile à entretenir
Pour elle, c’est « un peu le contre-exemple » du bon compostage. C’est que pour avoir un bon compost, cela demande du travail. Tout est affaire d’équilibre entre les différents composants. Si un bac sert à recevoir les épluchures et autres restes alimentaires, dans un autre, des matières sèches sont recueillies, explique la coordinatrice de l’association :
« Ce sont souvent les services espaces verts municipaux qui nous ramènent ce qui a été élagué. On le mélange avec le reste du compost pour que ça crée des espaces d’air. Sans ça, des galettes de fermentation se forment, avec des bactéries qui créent des mauvaises odeurs. C’est aussi pour ça que l’on doit régulièrement retourner le compost, pour amener de l’oxygène ».
Lorsque le bac est plein, il est retourné et mis dans un bac de maturation. Cette fois, plus besoin d’y toucher. Il suffit d’attendre qu’il « fermente » et soit prêt à être « récolté ». Tout ça grâce à « des petites bêtes qui font leur travail ». De quoi effrayer les citadins, qui craignent souvent les mauvaises odeurs. Cela fait rire Delphine Dépraz.
« Il y a toujours ce type de réactions avant que le projet se fasse : « ça va puer et attirer les rats ». On amène les gens voir d’autres sites pour les rassurer. En fait, si c’est bien fait, ça n’arrive pas. Tout est histoire de quantités et d’équilibre, si on ne veut pas avoir de problèmes avec les petites bêtes. La seule fois où c’est arrivé, c’est dans le 7e, sur le projet d’origine, qui est devenu beaucoup trop gros et est difficile à entretenir. »
En dehors de cet exemple, les Compostiers ont plutôt de « bonnes surprises », les gens jouant le jeu. Pour cela, l’association organise des formations. C’est qu’en dehors de l’entretien, les apprentis composteurs doivent aussi savoir quoi composter. Pour cela, les choses sont simples : pas de pain, pas de viande, pas de produits laitiers…
« En trop grandes quantités, ces aliments créent des déséquilibres et des champignons néfastes. A petite échelle c’est gérable. Mais pour du compost collectif, on préfère avoir un message clair. ».
Les Compostiers ont mis en place environ 25 sites dans le Grand Lyon.
Des vers en appartement
Outre les quelques 25 composteurs de quartiers et de pieds d’immeubles installés, ces apprentis sorciers se sont lancés dans l’expérimentation d’une autre forme de compostage citadin. Avec le Grand Lyon, ils ont équipé 50 foyers bénévoles de l’agglomération de « lombricomposteurs ». Ce sont des petits composteurs d’appartement dans lesquels des vers transforment les déchets organiques en compost. Ces foyers tests, qui seront bientôt rejoints par 50 autres volontaires, sont suivis pendant 2 ans pour étudier leurs pratiques et les problèmes auxquels ils sont confrontés. Selon Delphine Dépraz :
« C’est quelques chose qui intrigue. Souvent, les gens ont peur des petits vers. Mais en fait, ils n’aiment pas la lumière et ne cherchent pas à fuir. S’ils essaient de le faire, c’est qu’il y a vraiment un problème dans l’équilibre du compost. »
Quelques uns ont tenté de mettre leur lombricomposteur sur leur balcon mais les vers ne supportent pas les températures trop froides et trop chaudes. D’autres ont vu quelques moucherons apparaître à l’arrivée de l’été car il n’apportaient pas assez de « matière carbonée » (carton, papier, branchage…). Delphine Dépraz se réjouit toutefois :
« Mais dans l’ensemble, les gens arrivent bien à le faire fonctionner et sont surpris de la réduction de leurs déchets ».
Même si pour Valérie Mayeux-Richon, responsable du service études, méthodes et organisation de la division Gestion des déchets du Grand Lyon, la conclusion est : « c’est quand même important de les accompagner ».
A Villeurbanne, le composteur est adossé à la Maison des citoyens et à son jardin partagé. © Leïla Piazza/Rue89Lyon
« La meilleure manière de diminuer la taille des poubelles »
Si composter en ville peut apparaître comme un rêve de baba cool, c’est en fait un enjeu important pour le Grand Lyon. En effet, la communauté de communes s’est engagé en 2009 dans un plan de prévention visant à réduire la production de déchets de 7% d’ici 2014 (et 15% d’ici 2030). Thierry Philip, vice-président PS du Grand Lyon en charge de la Propreté, l’affirme :
« C’est là dessus qu’on peut gagner le plus en terme de réduction des déchets. Pour nous, avec l’organique, il n’y a rien de mieux à faire que du compost car c’est difficilement valorisable. C’est la meilleure manière de diminuer la taille des poubelles et donc le nombre de rotations des camions poubelle. Et, in fine, faire des économies réelles. C’est intéressant pour tout le monde. Et en plus cela crée du lien social. »
Le Grand Lyon avait donc tout intérêt à devenir partenaire des Compostiers, dont il finance des projets depuis 2011. Parallèlement, la communauté urbaine a mis en place des composteurs dans des écoles de l’agglomération. En nombre restreint pour l’instant. C’est que, comme le constate Delphine Dépraz :
« Le souci c’est qu’en ville, on a un réel problème de foncier. On manque de place pour installer des composteurs ».
Valérie Mayeux-Richon d’ajouter :
« Et puis, au delà de la volonté des habitants, le temps d’initiation d’un projet n’est pas anodin. La difficulté notamment en ce qui concerne le compostage de pied d’immeuble, c’est qu’il faut que les projets soient validés en assemblées générales, qui ont lieu une fois par an. Entre l’idée de faire et la réalisation, il peut se passer 2 ans. Et c’est la même chose dans les quartiers. »
Un système de collecte des déchets végétaux est-il possible ?
Le plus simple pour généraliser le compostage en ville pourrait donc être de mettre en place un système de collecte, comme pour le reste des déchets.
« On l’a envisagé mais c’est beaucoup trop cher, répond Thierry Philip. Il faudrait soit une troisième poubelle, soit des sacs différents à l’intérieur d’une des poubelles. »
« Ça existe mais dans de petites villes. Dans le Grand Lyon, pour que ça ne sente pas, il faudrait ramasser les déchets organiques quasiment tous les jours », ajoute la coordinatrice des Compostiers, qui pense toutefois que « la collecte pourrait être une solution dans les endroits, comme en hyper-centre, où par manque de place le compostage collectif est difficile » .
Et puis, que ferait-on de ce compost dans une ville où, par définition, les espaces verts ne courent pas les rues ?
« Il faut savoir qu’entre le produit d’origine et le compost final, il y a une perte de 80% de volume, rappelle Delphine Dépraz. Sur nos projets, on a jamais eu de problème de débouchés en tout cas. »
Mais si le système venait à se généraliser à grande ampleur, cela poserait la question des normes, comme l’évoque Valérie Mayeux-Richon :
« Dès lors que vous n’utilisez pas sur place le compost que vous produisez, vous êtes obligés de réaliser des analyse. Il faut engager des frais. Ça ne rend plus viable la filière. »
C’est pourquoi, pour l’ensemble des acteurs, les composteurs ne peuvent s’implanter qu’à côté d’espaces verts ou de jardins partagés. Ce qui, nécessairement, limite le nombre de projets en ville.
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