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Pollution de l'air : nos salons plus dangereux que des pots d'échappement ?

Benzène, formaldéhyde, phtalates. Ces noms de polluants ne vous disent peut-être rien, pourtant ils sont présents dans l’air respiré au quotidien dans les intérieurs. En Rhône Alpes, certaines crèches et écoles maternelles, qui devront se mettre aux normes en 2015, ont pris de l’avance pour lutter contre cette pollution discrète. Qu’en est-il dans les logements ?

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Devra-t-on un jour se résigner à porter un masque anti-pollution chez soi? La question pourrait prêter à sourire mais chacun respire quotidiennement l’équivalent de 15 à 18 kilos d’air, le plus souvent à l’intérieur. Or les scientifiques sont formels : l’air intérieur est très pollué. Le constat, établi de longue date par l’OMS, a été repris en 2007 dans une étude de l’observatoire régional de la santé Rhône Alpes. Ses auteurs reviennent sur une idée reçue :

« Bien que considéré comme un espace protecteur et sécurisant, l’habitat, dans certaines conditions, peut représenter une menace pour la santé humaine ».

L’air intérieur, plus pollué que l’air extérieur

En France, la prise de conscience est récente : la qualité de l’air est meilleure dehors que dedans. Et pas qu’un peu. Selon l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, cette pollution serait 5 à 10 fois supérieure à celle que l’on mesure dans la rue. Rhône-Alpes s’inscrit dans la tendance nationale. Une étude réalisée dans 48 crèches et écoles maternelles de la région enfonce le clou :

« La concentration moyenne de formaldéhyde (un composé organique volatile jugé cancérogène par l’OMS) dans l’air intérieur est 8 fois supérieure à sa concentration en air extérieur ».

Il en va de même pour les deux autres polluants qui font l’objet de la plupart des mesures : le benzène et l’acétaldéhyde. Pour ces substances et quelques autres, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (Anses) a fixé des valeurs guide. Autrement dit : des seuils qu’il ne faudrait pas dépasser pour avoir un environnement sain.

Un décret du 2 décembre 2011 reprend ces valeurs guide, concernant le formaldéhyde et le benzène. Mais sans en faire des valeurs contraignantes. Surtout ce ne sont pas les seuls, ni les derniers polluants qui seront utilisés. Elisabeth Ruffinengo, chargée de mission chez WECF, une association qui sensibilise aux enjeux de l’environnement intérieur, craint l’utilisation nouveaux polluants, qui ne sont pas dans le collimateur des collectivités :

« La nouvelle réglementation sur l’étiquetage des matériaux de construction et de décoration est un bon début. Mais elle ne prend en compte que des polluants déjà bien connus. Il faudrait également agir sur les nouveaux polluants utilisés par les industriels, qui, eux, sont en pointe et ont déjà commencé à modifier la composition de leurs produits ».

L’association UFC que choisir déplore, le manque d’ambition de cette loi de 2011 :

« Les valeurs limites retenues pour étiqueter un produit en classe A+, c’est-à-dire à très faibles émissions, ou en classe A, à faibles émissions, sont bien trop élevées pour protéger les consommateurs ».

Chantiers locaux : un pas en avant, deux pas en arrière

Pour le plan santé environnement de la région Rhône-Alpes, la qualité de l’air intérieur est devenue une « préoccupation légitime de santé publique ». Un air impur est susceptible d’aggraver les maladies respiratoires, l’asthme, ou les allergies, de plus en plus fréquents en Rhône-Alpes. A cet effet, le Conseil régional subventionne (à 50 %), 4 postes de conseillers médicaux en air intérieur. Quatre postes pour 6 200 000 habitants.  Autant dire qu’ils ont du pain sur la planche pour mener à bien leur mission : se rendre chez des particuliers présentant de symptômes allergiques, auditer leur environnement intérieur et apporter des solutions pour le rendre plus sain. Encore faudrait-il que les médecins et les patients, qui peuvent y recourir, soient au courant de leur existence. Pour l’instant leur action, n’a pas encore été évaluée. Pour cela il faudra attendre encore un peu.

A Lyon, des collectivités ont souhaité prendre les devants en pratiquant, en avance, les analyses prescrites par un autre décret du 2 décembre 2011, principalement dans des établissements recevant des petits enfants, public jugé plus sensible à la pollution. C’est le cas de Collonges-au-Mont-d’Or qui a ouvert une crèche, espérée conforme aux futures valeurs guide.

« Lors de la construction, nous avons voulu qu’elle ait toutes les qualités environnementales. Nous avons donc été exigeants sur les matériaux utilisés : pas de solvants dans les peintures, pas de formaldéhyde dans le mobilier. On estime le surcoût à 15 % ».

Deux études ont été menées pour y mesurer la concentration des principaux polluants. Maurice Reppelin se félicite des premiers résultats qui placent l’établissement en dessous des normes applicables en 2015.

Une étude a également été commandée par Saint-Fons pour son école maternelle et élémentaire.

Campagne de mesure de la qualité de l’air à Saint-Fons. Le club Développement durable

Ces test ont un coût : pas moins de 2 500 euros à la charge de la mairie ou de l’exploitant de l’établissement. Pas sûr que les collectivités soient toutes prêtes à débourser cette somme alors que l’amende prévue pour absence d’expertise ne s’élève qu’à 1 500 euros. D’aucuns plaident pour une politique d’envergure s’attelant au problème de manière frontale en légiférant une fois par famille de polluants et en y assortissant des seuils contraignants.

Pour ce qui est de l’air intérieur des habitations : « les seuls à même d’en contrôler la qualité, c’est nous », indique le site Internet du Grand Lyon. Autrement dit : vous.

Devons-nous tous être paranos ?

Cette forme de pollution reste cependant assez méconnue. Peut être parce qu’elle est difficile à se figurer. C’est ce que semble penser Maurice Reppelin, vice président du Grand Lyon chargé du développement durable et de la qualité de l’air :

« On a tendance à croire que la pollution vient des autres ou de l’extérieur. Mais chacun utilise des produits d’entretiens, du mobilier, des produits chimiques sans soupçonner qu’ils sont polluants ».

Problème : pour les particuliers encore plus que pour la collectivité, les tests nécessaires pour mesurer la pollution à l’intérieur d’un logement sont particulièrement coûteux. Mais des solutions alternatives existent pour minimiser la présence des polluants qui squattent nos salons. WECF, qui reçoit des subventions de la région depuis 2009, a déjà organisé 150 ateliers (Nesting) de sensibilisation en Rhône-Alpes. Les recommandations peuvent donner le tournis tant elles sont nombreuses et concernent chaque recoin du foyer :

« Les produits de traitement du bois sont à utiliser uniquement à l’extérieur.Il faut également éviter certaines peintures contenant des composés organiques volatils qui réagissent avec l’ozone et dégagent une odeur d’ammoniac susceptible d’entraîner de graves intoxications. On recommande d’acheter des produits bénéficiant d’un Ecolabel ».

Dans le collimateur des associations on trouve également le mobilier en aggloméré, les moquettes et tapis, les canapés qui peuvent contenir des biocides. Mais aussi les cosmétiques et les jouets.

Elisabeth Ruffinengo plaide cependant pour une appréciation raisonnée des conseils dispensés :

« Dans les ateliers Nesting, des recettes sont échangées mais on ne propose pas de solution miracle : à chacun de faire ses choix en fonction de sa sensibilité et sans verser dans la paranoïa ».

Doit-on être plus sales ?

Autre point noir de l’environnement intérieur : les désodorisants et l’hyper-hygiénisme, qui peut engendrer des résistances immunitaires.

« Les produits ménagers peuvent contenir des solvants qui vont être inhalés ou ingérés par les enfants. On préconise de ne pas utiliser les parfums d’intérieurs qui sont des allergènes. On ne remplace pas une odeur, même mauvaise, par une autre odeur, même plus agréable. Il suffit d’aérer au moins un quart d’heure par jour, en créant un courant d’air pour renouveler l’air intérieur ».

Des alternatives existent et sont parfois financièrement avantageuses :

« Le savon noir est une bonne alternative aux produits ménagers, et en plus c’est souvent moins cher. Le citron, le vinaigre blanc, fonctionnent très bien. Dans un foyer lambda, les produits antibactériens ne sont vraiment pas indispensables. Parfois de l’eau bouillante peut suffire ».


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