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Les italiens ont voté ces 24 et 25 février. Résultats : une chambre des députés à gauche et un sénat sans majorité. Or, c’est bien là tout le problème, les deux chambres ont en Italie le même poids rendant aujourd’hui la formation d’un gouvernement quasi impossible.
Au sénat, aucune coalition n’a obtenu les 158 sièges nécessaires à la victoire. Bersani en gagne 123 et Berlusconi 117.
A l’issue des consultations, le président de la République Giorgio Napolitano doit donner mandat à une personnalité politique afin qu’elle forme un gouvernement.
Or en l’absence de majorité parlementaire cela semble délicat: le centre-gauche aurait besoin du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo ou de la coalition de Silvio Berlusconi pour faire passer ses réformes. Alors pourquoi l’Italie se retrouve-t-elle ainsi bloquée ?
Un vote à l’image du pays : en crise
12 novembre 2011, le Cavaliere démissionait, poussé vers la sortie par les marchés financiers. En urgence, Mario Monti, économiste prestigieux de la Bocconi et ancien commissaire européen, fut chargé de former un gouvernement de techniciens pour sortir l’Italie de la crise économique.
Après un an d’austérité, il laisse un pays en récession et endetté (2000 milliards d’euros soit 127,3% du PIB), avec un accroissement des inégalités, une augmentation du chômage… En n’accordant que 10,5% à la chambre des députés et 9,1% au sénat au président du Conseil sortant, les italiens ont dit non à ses réformes.
Et, de fait, ils ont dit non à l’Europe. Parfait pour Beppe Grillo qui propose de son côté un referendum sur la sortie de l’euro.
Quant à Silvio Berlusconi il a construit toute sa campagne sur la culpabilité de l’Allemagne et de l’Europe dans la crise actuelle.
Trois crises ont ainsi joué dans ce vote contestataire : la crise sociale anti austérité, la crise de confiance envers l’Europe et la crise du politique, comme l’explique l’historien spécialiste de la politique italienne Marc Lazar. Sur ce dernier point, les italiens ont clairement montré leur rejet des partis traditionnels.
Car si Berlusconi a réussi une poussée incroyable dans les dernières semaines en promettant le remboursement immédiat de l’IMU, la taxe foncière mise en place en 2012, son parti a tout de même perdu huit millions de voix par rapport à 2008. Là encore, ce rejet des politiques a fait la part belle au MouVement 5 étoiles de Beppe Grillo, qui est bien un mouvement et pas un parti « classique ».
Et maintenant ?
Plusieurs scenari possibles, en sachant que le recours à des élections immédiates est inenvisageable : aucune élection ne pouvant se tenir moins de six mois avant l’élection du président de la République (le mandat de Giorgio Napolitano expire le 15 mai prochain).
- La formation d’un gouvernement de centre-gauche avec le soutien des sénateurs de Mario Monti et de Beppe Grillo. C’est le cas en Sicile où les grillinistes soutiennent le centre-gauche.
- La création d’une grande coalition avec les berluscinien.
- L’appel à une personnalité pour former un gouvernement institutionnel comme ce fut le cas avec Mario Monti. L’idée serait ici de réformer la loi électorale.
La loi électorale dont il est question est celle dite du Porcellum ou « cochonnerie ». Inventée par l’ancien ministre de la Ligue du Nord Roberto Calderoli, elle instaure un système proportionnel avec des primes de majorité qui accroît les risques de désaccords entre les deux chambres comme nous l’expliquions déjà ici.
Ce 25 février : au sénat la prime de majorité est accordée au parti en tête par région selon son poids démographique. Ainsi en pourcentage au niveau national la coalition de Pier Luigi Bersani est en tête mais la coalition de Berlusconi a remporté les grosses régions, la Lombardie notamment. Ce qui lui permet de talonner le centre-gauche en nombre de sièges…
Il y avait donc cinq candidats, mais celui dont on parle c’est Beppe Grillo qui n’est décidément pas le Coluche italien. Presque à lui seul et grâce à son score de 25,5% à la chambre des députés et 23,8% au sénat, il a réussit à bloquer tout un pays.
Mardi soir, Pier Luigi Bersani se disait prêt à entrouvrir la porte au protestataire Beppe Grillo tandis que ce dernier, refusant toute alliance, annonçait que ses élus étudieraient au cas par cas les réformes proposées.
Petit bonus : Interception du 24 février « Italie : sous l’austérité, les urnes » d’Anaïs Feuga, correspondante pour Radio France en Italie.
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