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Le fiasco de Car2Go signe-t-il la fin de l'autopartage à Lyon ?

« Fiasco », « expérience enrichissante », cette semaine les qualificatifs les plus contradictoires ont circulé pour parler du projet quasi mort-né Car2Go. Entre les plaintes des anciennes salariées

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devant le conseil de prud’hommes, la position difficile de la mairie et ses nouvelles ambitions, où en est-on exactement de cet houleux projet d’autopartage ?

crédit: Pierre Augros//Maxppp

En février 2012, le groupe allemand Daimler et le loueur Europcar lancent en grande pompe le projet Car2Go : 200 véhicules SMART sont disséminés dans Lyon en libre et service pour faciliter les déplacements des citadins. Le projet applaudi par Gérard Collomb, emploie cinq salariés. Une belle idée sur le papier, qui tourne au vinaigre quatre mois plus tard, lorsque la société Car Go, un autre loueur rhônalpin, porte plainte et gagne son procès pour concurrence déloyale et plagiat auprès du tribunal de grande instance de Paris.

L’histoire aurait pu s’arrêter là si Daimler avait changé le nom de sa société. À la place de Car2Go, un simple Lyon2go, par exemple, aurait suffi à régler un problème qui depuis n’a fait qu’empirer.

Le géant de l’automobile allemand, dont la marque Car2Go est utilisée dans plusieurs pays sans que cela pose problème, a en effet préféré retirer tous les véhicules en service, de façon à éviter la menace d’une astreinte financière de 1500 euros par jour de retard.

Du jour au lendemain, les cinq employés de l’entreprise (2 CDDs et 3 CDIs), mais aussi les quelque 2 500 abonnés (100 nouveaux chaque semaine) se sont retrouvés sur le carreau. Si les usagers ont depuis été remboursés, quatre des cinq ex-salariés ont quant à eux eu recours aux prud’hommes pour « exécution déloyale du contrat de travail » et «licenciement économique non justifié ».

«Daimler nous a prises pour des merdes»

Mais qu’est-ce qui est reproché exactement à l’employeur ? Pour Frédéric Leschiera du syndicat Solidaires Rhône, le groupe allemand a utilisé pendant des mois « des méthodes honteuses pour faire craquer les salariés ».

Entre le 22 juin et le 26 novembre, les salariées ont été convoquées à trois reprises pour un licenciement économique. La première fois, le rendez-vous est annulé, au mois d’octobre, un nouvel entretien est organisé devant un responsable allemand ne parlant pas français et d’un avocat, ce qui est interdit. Il faudra finalement attendre le 26 novembre pour que les salariées soient reçues dans les règles puis licenciées pour raisons économiques en décembre.

Or, entre le mois de juin et celui d’octobre, les salariées continuaient d’aller au bureau chaque jour alors que les voitures avaient déjà été rapatriées en Allemagne. Contactée par Rue89Lyon, l’une des quatre plaignantes a accepté de nous en dire plus :

« On nous occupait… La direction nous a demandé par exemple de faire un PowerPoint sur une étude de marché datant de 2009 qui avait déjà été réalisée.»

Plus grave, cette ex-salariée dénonce des mesures vexatoires qui auraient été prises par l’entreprise Car2Go.

« Ils nous demandaient des rapports détaillés sur l’avancement de notre recherche d’emploi, à raison d’environ trois ou quatre coups de fil par jour. Une fois, la connexion internet a été coupée dans les locaux, Car2Go nous a alors enjoint à éplucher les petites annonces dans les journaux pour ne pas perdre de temps. On a vraiment été prises pour des merdes par Daimler. »

« Il est clair que la volonté de Car2Go était de pousser les employés à trouver un autre emploi, afin que l’entreprise n’ait pas à payer d’indemnités de licenciement. Ils voulaient les pousser à la démission », renchérit Frédéric Leschiera du syndicat Solidaire.

L’une des cinq salariées a d’ailleurs fini par succomber à ces coups de pression.

« Elle a préféré démissionner. Depuis elle a trouvé un nouveau job, elle n’a pas porté plainte parce qu’elle a préféré mettre cette histoire derrière elle. »

Salariées et syndicats reprochent à la société Daimler un licenciement économique abusif. En clair, la société se serait séparée de ses employés alors que la situation économique de l’entreprise n’était pas en danger : avec près de 2500 abonnés en quatre mois, on était en effet loin d’une situation désespérée. Contactée à plusieurs reprises, la société Daimler n’a pas souhaité s’expliquer sur le cas lyonnais de Car2Go.

Que fait la mairie ?

« La ville de Lyon est à l’initiative du projet et doit assumer sa responsabilité dans ce fiasco. À aucun moment elle n’a aidé les salariés, que ce soit en faisant pression sur Daimler ou en demandant leur reclassement », martèle Frédéric Leschiera.

Une position soutenue par l’ex-employée que nous avons contactée:

« La mairie s’est investie dans le projet Car2Go, elle l’a soutenu en vantant le fait que Lyon était la première ville à accueillir un tel service. Mais dès que les choses ont commencé à déraper, plus rien, silence radio. J’ai envoyé une lettre à Gérard Collomb (maire PS de Lyon, ndlr), qui m’a renvoyé vers son adjoint Gilles Vesco. Depuis, je n’ai pas de nouvelles, nous avons le sentiment d’avoir été abandonnées.»

Du côté de la mairie, on a une vision un peu différente des événements. Gilles Vesco, adjoint au maire délégué aux nouveaux modes de vie urbains qui se pose en justicier, a fini par répondre à notre sollicitation :

« Je suis actuellement en train de rédiger une lettre à l’attention des syndicats Sud/Solidaires. L’attitude de Daimler est inadmissible. On ne traite pas une ville et des salariés comme ils le font. Je trouve pitoyable leur attitude, de quitter le navire en laissant des employés sans rien.

Je leur ferai très prochainement une piqûre de rappel afin qu’une meilleure solution soit trouvée. Pour ce qui est des salariés, je m’engage à les recevoir très prochainement. S’il y a une suite à l’épisode Car2Go, nous nous permettrons de recommander ces salariés à la future entreprise partenaire. »

Les technologies vertes en ligne de mire

Présenté par la presse, les anciens salariés et les syndicats comme un fiasco total, Gilles Vesco refuse pour sa part d’envisager cette « aventure » comme un échec cuisant.

« L’aventure Car2Go a été avant tout une expérience encourageante et riche d’enseignements, qui a poussé la mairie à envisager une suite. L’opération a été très bénéfique pour la ville et a fait apparaître un réel besoin chez les Lyonnais.»

Cette suite, Gilles Vesco nous en a donné les grands traits. Si la porte n’est pas complètement fermée à Car2Go, Lyon regarde ailleurs : « on n’a pas attendu pour travailler sur d’autres projets ».

La mairie est actuellement en discussion avec Renault, Peugeot et le groupe Bolloré qui est à l’origine du service de location longue durée de véhicules électriques Bluecar, à Paris.

«Nous travaillons sur la suite. On explore la piste de l’électromobilité. Nous souhaitons rebondir sur le contretemps Car2Go pour faire mieux et plus écologique.. La mairie sera en mesure de proposer une solution aboutie et un partenariat courant février. »

Parce que, pour Gilles Vesco, « l’écopartage, les technologies vertes, c’est l’avenir ».

L’adjoint au maire en convient, si le projet a été abandonné, c’est aussi parce que Daimler est un groupe privé qui estimait ne pas avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Le seul contrat qui liait la société à la Ville était un label d’autopartage et un tarif forfaitaire sur l’utilisation des places de stationnement allouées. À l’avenir, il faudra peut-être imaginer une convention plus contraignante pour éviter que le « fiasco » ou « l’expérience », selon les points de vue, ne se répètent à nouveau.


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