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Obélix chez les Belges

Vu de mon canapé

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, le départ de Gérard Depardieu vers le plat pays a des allures de tempête dans un verre d’eau. Faut-il que médias et politiques n’aient à ce point rien d’autre à dire ni à faire pour se jeter en horde sur le bon gros Gérard dont les facéties et autres excès ne devraient plus ni intéresser, ni étonner personne ?

Le manque à gagner des impôts de Depardieu étant une goutte d’eau dans l’océan du déficit de la France, on comprendra que c’est surtout le symbole qui excite le petit monde politico-médiatique. A l’heure où tant de gens ne parviennent plus à joindre les deux bouts, qu’un comédien populaire et fortuné qui s’est toujours dit proche des petites gens s’exile bruyamment vers la Belgique pour ne pas trop entamer son capital, c’est effectivement d’une maladresse et d’une inélégance inouïes.

Mais comment ce qui n’est qu’après tout qu’un petit fait divers, une modeste peoplerie, a-t-il pu faire les gros titres et provoquer des réactions proportionnelles au tour de taille de l’intéressé, et donc parfaitement démesurées. Lui qui joua le Templier Jacques de Molay, brûlé par Philippe le Bel dans le premier épisode des « Rois Maudits » (version Dayan) a dû de nouveau sentir autour de lui crépiter les flammes du bûcher.

Vivons cachés

Il semble cependant que ce que l’on reproche le plus à Depardieu n’est finalement pas de vouloir s’exiler avec son magot, mais surtout de l’avoir annoncé de façon aussi véhémente. Pour vivre heureux, vivons cachés : s’il n’avait pas communiqué sur son ras le bol fiscal, que celui-ci fut justifié ou non, Obélix serait en train de savourer ses frites et sa bière belge en toute sérénité. On ne le tourmenterait pas d’avantage qu’on ne tourmente les célébrités françaises qui depuis des décennies ont discrètement échoué en Suisse autour du Lac Léman, d’Alain Delon à Alain Prost et qu’aucun premier ministre n’a encore qualifié de minable, comme le fit récemment notre Ayrault à l’encontre de Depardieu.

Au passage, qu’un premier ministre s’abaisse à commenter ce genre de péripéties et à injurier une personnalité qui, certes, ne brille pas par sa finesse, est un peu inquiétant. N’y a-t-il pas sur son bureau de Matignon des dossiers un poil plus importants que ce nouvel épisode de la saga Depardieu ? Mais peut-être que jeter en pâture celui qui ose quitter le navire dans la tourmente est un exercice moins ardu que de lutter contre la dite tourmente ? La réponse de Depardieu sous forme de lettre ouverte au premier ministre dans Le journal du dimanche ne fut pas non plus très adroite. Visiblement pondue dans un accès de colère, Depardieu s’y enfonce encore un peu sans parvenir à convaincre. Le bonhomme y apparait cependant blessé et très surpris d’une telle vindicte.

Un débat ?

Mais la personnalité même du gros comédien l’a certainement desservi dans cette affaire. Quel bonheur, pour une certaine intelligentsia, que de pouvoir se payer celui qui revendique sa beaufitude larger than life et un gout prononcé pour la picole. En souvenir de sa formidable carrière, on tolérait jusqu’ici ses excès rabelaisiens, ses cascades en scooter et ses prestations télévisées avinées. Mais apparemment, pas question de laisser passer l’occasion de vouer aux gémonies le gros traître assis sur son coffre.

Politiquement difficile à cerner, Depardieu a soutenu Mitterrand, flirté avec le PCF mais voté Sarkozy. Si bien que c’est surtout de gauche que fusent les reproches. Quand Depardieu prévient qu’il va rendre son passeport, après le « minable » du premier ministre, Michel Sapin parle de la « déchéance » du comédien et Aurélie Filippetti lui conseille « de revenir au cinéma muet ». Le porte parole du parti socialiste, David Assouline, regrette quant à lui que Depardieu « joue mal son plus mauvais film ». Mais Laurence Parisot, présidente du Medef se dit « choquée des critiques socialistes ». A droite, Woerth « regrette » et Morano est « triste ».

Bref, entre les regrets et les critiques, alimenter le débat entre opposition et majorité sur le « matraquage fiscal » est bien à cela que sert avant tout l’exploitation de ce petit fait divers.

Il n’en demeure pas moins que l’exil de Depardieu est un peu moins choquant que le récent versement de 168 millions d’euros à une seule et même personne qui n’a eu qu’à cocher 5 numéros sur une grille, une somme invraisemblable et parfaitement indépensable (puisque les seuls intérêts suffisent à vivre dans l’opulence) qu’il eut été plus judicieux, par ces temps de crise, de répartir sur une centaine de gagnants qui auraient ainsi empoché 1,68 millions d’euros chacun, une  somme déjà colossale. De quoi s’exiler en Belgique ?

 

 

 


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