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Pour le père Culat, le metal est une musique "qui donne un supplément d’âme"

Ce dimanche, chapelle de la Mache, à Lyon. Un crucifix fatigué et deux saints en plâtre veillent sur le public qui s’installe sur les bancs de messe. Parmi les fidèles, des métalleux arborent fièrement le T-shirt de leur groupe préféré, une croix de Taizé autour du cou. Derrière eux, un mur d’amplis est posé sur une scène.

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Pas de doute, on est bien au débat entre chrétiens et fans de metal. Pour ce prêche d’un autre genre, c’est Robert Culat qui prend le micro, prêtre et expert de cette musique dite « du diable ».

Un métalleux audacieux porte un crucifix sur un T-shirt à l’effigie d’Immortal, groupe norvégien de black metal. (crédit : Stéphane Rabut)

Une coupe de cheveux quasi monastique, l’air de sortir du séminaire, un col romain bien visible, Robert Culat est un prêtre qui assume. Dans sa vie , il a deux amours : Dieu et le metal. A priori deux amours incompatibles. L’un prônant l’amour universel, l’autre ayant un penchant marqué pour l’anarchie, la mort, la destruction et le satanisme.

Du point de vue d’un néophyte, le metal et ses dérivés sont une musique du mal.

Image contre laquelle Robert Culat lutte, en se rappelant notamment la façon dont il est venu à cette musique, alors qu’il était aumônier dans les lycées :

« De ma vie, je n’avais jamais vu personne avec un look pareil : cheveux longs, tee-shirts noirs ornés de motifs morbides… Ces métalleux ne venaient pas me voir en curieux, ils étaient bel et bien catholiques. Cela a aiguisé ma curiosité et je me suis intéressé au genre. »

Une véritable épiphanie. Le metal devient vite une passion qu’il mène de front avec son ministère. Il écrit même l’un des livres de références sur la sociologie des métalleux : L’Âge du métal.

Organisée à l’initiative du diocèse de Lyon, la petite conférence s’est donc tenue devant une poignée de croyants tout à fait hermétiques à cette musique mais habitués à participer à chacune des activités proposée par la paroisse, et devant des métalleux catholiques, déjà convaincus pour leur part.

Le diacre du diosèce de Lyon, Pierre Benoît, auteur de l’ouvrage Les Chrétiens et les musiques actuelles (vendu pour l’occasion dans la chapelle), a joué le rôle de modérateur. Dans le cycle de conférences sur l’Eglise et les Arts initié par le diocèse, le metal devait donc être dédiabolisé. En tout cas expliqué.

Robert Culas, prêtre et expert en metal. Crédit : Stéphane Rabut/Rue89Lyon.

Crise de foi

Oui, on peut être chrétien et fan de metal. Un postulat qui est loin d’être évident tant le genre musical véhicule des préjugés forts, entretenus grâce avec une imagerie travaillée : symboles sataniques, provocation antireligieuse, propos politiques…

Le festival HellFest, qui est une référence mondiale en matière de grande réunion de métalleux, est régulièrement attaqué comme étant un « rassemblement de satanistes« , par des associations familiales catholiques comme Civitas, ou lors de prises de position virulentes par des politiques tels que Philippe de Villiers, Christine Boutin ou même François Fillon.

« Les catholiques devraient s’intéresser à des choses plus importantes que de vouloir interdire un festival de musique comme le Hellfest. C’est un événement payant : qu’on laisse les gens y aller. Si on suit la logique de ces opposants, l’église de Clisson (commune qui accueille le festival, ndlr) devrait être en ruine à l’heure actuelle », souligne avec humour Robert Culat.

Pour lui, le coupable ce n’est pas le metal, c’est le repli identitaire :

« Aujourd’hui, les catholiques sont de plus en plus minoritaires. Je ne parle pas des gens baptisés, je parle des pratiquants réguliers. Être catholique aujourd’hui nécessite une foi plus grande, plus forte. Ces extrémistes traduisent comme tous les fanatiques une incertitude de leur foi. On a l’impression de revenir au temps de Voltaire où il fallait défendre l’idée de tolérance. »

La conférence « Le metal et les chrétiens : des vibrations interdites? » à la salle de la Mache, à Lyon.

« Le metal parle de la mort qu’on cache de plus en plus »

Tolérance, c’est justement le mot qui manque à l’Eglise quand il s’agit de metal. En 2010, le père Culat propose une présence chrétienne lors du Hellfest. Une idée accueillie positivement par le festival et complètement rejetée par l’évêque de Nantes. Robert Culat, qui se fait appeler « padre Bob » dans les forums sur le net, se rappelle la posture du curé de Clisson en levant les yeux au ciel :

« Il ne voyait qu’une solution pour les participants du Hellfest : faire des veillées de prières pour convertir les participants. »

Alors que le metal, selon lui, est bien davantage : une possibilité de se doter d’un « supplément d’âme’, rien de moins. « C’est d’abord de la musique et 99% des fans l’écoutent pour la musique et non pas pour les paroles ou le décorum qui l’entoure », estime padre Bob, qui en parle de façon enthousiaste:

« C’est une musique qui demande un effort. Elle est aussi élitiste que le jazz ou la musique classique. Actuellement, on est dans une société qui pousse à faire le moins d’efforts possible. On encourage le médiocre, le digérable. L’une des qualités du metal, c’est une culture très réaliste. Elle ne cherche pas à nous endormir, elle nous renvoie en pleine face la réalité de notre monde. Le metal parle de la mort qu’on cache de plus en plus, de la guerre… Certains vont vivre le metal comme une religion et ça leur donne un supplément d’âme. Le metal remplit une fonction que ne tient plus l’Eglise catholique. Ça doit interroger l’Eglise ! »

Prosélyte sur la question, le prêtre mélomane qui officie actuellement à Copenhague s’est lancé dans l’écriture d’un nouveau livre sur son groupe préféré : Opeth. Le groupe emprunte aux styles les plus brutaux à travers des chants gutturaux et des séquences instrumentales très agressives tout en distillant des séquences progressives mélodiques, très douces et envoûtantes.

Le débat, dans la chapelle de la Mache, qui s’est finalement transformé en plaidoyer pour le metal et en cours magistral sur les différents courants au sein du genre, s’est achevé sur un concert donné par Stamina. Un groupe de metal qui présente la particularité d’avoir pour leader… un organiste d’église dans le civil.

 

 


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