Michel Destot, député-maire de Grenoble et président de l’Association des maires de Grandes Villes de France, à la 12e Conférence des Villes, a l’Hôtel de Ville de Paris, le 19 septembre 2012. ©Francois Lafite/Maxppp
Le courrier est arrivé ce mardi à la permanence parlementaire de Michel Destot, maire (PS) de Grenoble et également député de la 3è circonscription de l’Isère. Un cumul des mandats qu’il assume depuis 1995. L’accusé de réception à l’endroit de l’enveloppe trahit le sérieux du document qu’elle contient. Une lettre de deux pages, surmontée du logo bicolore d’Anticor, avise l’intéressé de sa mise en demeure de respecter les engagements signés.
« Monsieur le député, vous avez signé notre Charte éthique Anticor des élections législative de juin 2012, ce dont nous vous félicitons. (…) Un des points centraux portés par la Charte éthique d’Anticor des élections législatives de juin 2012 consiste à abandonner tout mandat autre que votre mandat de député dans le cas où vous seriez élus. (…) Il est donc légitime qu’aujourd’hui Anticor réclame l’exécution de vos obligations. »
Dans un excès de bonté, la fin du courrier laisse aux cumulards jusqu’au 9 décembre pour tenir parole, se réservant le droit « d’agir éventuellement en justice », dans le cas où le courrier resterait sans effet. Il est identique pour les cinq députés français concernés : Gilbert Sauvan (PS), député et président du conseil général des Alpes-de-Haute-Provence ; Stéphane Saint-André (PRG), député et maire de Béthune ; Laurence Abeille (EELV), députée et 3è adjointe au maire de Fontenay-sous-bois ; Christophe Castaner (PS), député et maire de Forcalquier.
« Michel Destot ne répond pas aux mises en demeure »
Les responsables d’Anticor sont remontés, au lendemain de la célébration des dix ans d’existence de leur association, le weekend dernier. Ils se font peu d’illusion sur le suivi de leurs recommandations mais tiennent à défendre la crédibilité de leur outil de lobbying éthique depuis 2007, qui a connu un succès notable lors de la dernière campagne législative.
577 candidats au premier tour avait ratifié la charte éthique dans un sursaut de moralisation, 40 étaient encore présents au second tour, 17 ont été élus. En Rhône-Alpes, seulement 2 noms apparaissent, Michel Issindou et Michel Destot, respectivement élus PS dans la 2ème et 3ème circonscription de l’Isère. Pour eux, l’heure du passage à l’acte a sonné.
« Les signataires se sont engagés devant les électeurs en s’appuyant sur notre charte. Michel Issindou a respecté son engagement en démissionnant de la Mairie de Gières, mais Michel Destot entache la réputation de la charte après en avoir tiré avantage pour promouvoir sa campagne », s’agace Jean-Luc Trotignon, délégué national d’Anticor.
Un autre contrarié dans l’histoire, le député-maire de Grenoble lui-même, peu enclin à se faire sermonner par l’association. C’est son attaché de presse qui se charge de transmettre le message :
« Le maire ne répond pas aux mises en demeure, qu’elles viennent d’Anticor ou de quiconque. Il a donné sa position lors du conseil municipal de septembre », relaie-t-il en nous renvoyant au compte rendu de séance.
Interrogé en septembre dernier par l’opposition municipale sur l’engagement de non-cumul contracté avant les législatives auprès de Solferino cette fois-ci, Michel Destot avait en effet répondu qu’il se sentait « pleinement maire et pleinement député », en écartant cependant l’éventualité d’un 4ème mandat municipal. Il s’engageait également à voter « en faveur du non-cumul des mandats » lorsque qu’un texte en se sens serait soumis au parlement.
« Soutenir ce projet l’empêcherait pas de se l’appliquer à lui-même », répond Thierry Labelle, responsable d’Anticor Isère qui compte une soixantaine de sympathisants. En mai dernier, Michel Destot avait signé la charte éthique après une simple lettre de sollicitation de l’association.
« Je n’ai pas fait preuve d’un lobbysme exacerbé. Quand des candidats sont proches de nos positions, il nous arrive de les relancer pour qu’ils se joignent à notre cause. Mais connaissant le passé cumulard de Michel Destot, nous nous sommes simplement réjouit de son soutien en attendant de voir », se souvient Thierry Labelle.
« Officine de gauche »
Une opération de mises en demeure qui tombe bien pour l’association Anticor, cible de tout feu ces derniers temps à droite. Hier encore, dans les colonnes du Figaro, Patrick Buisson, l’ex-conseiller de Nicolas Sarkozy mis en cause dans l’affaire des sondages de l’Elysée – révélée par Anticor et le militant écologiste grenoblois Raymond Avrillier – dénonçait un conflit d’intérêts liant l’association à la garde des Sceaux, Christiane Taubira.
Une proximité avec la « mouvance EELV/PS » déjà dénoncée par la Fédération de l’Isère de l’UMP, estimant qu’Anticor était « une officine de gauche ».
« Sur les 5 cumulards réceptionnaires des mises en demeure, 3 socialistes, une écologiste et un radical de gauche. On ne peut pas nous accuser d’être moins regardant avec la gauche, même si ces procédures ont été entamées bien avant les accusations de M. Buisson et ne sont donc en rien une réponse à celles-ci », répond sur ce point Jean-Luc Trotignon, délégué national d’Anticor.
Et comme à chaque élection, une nouvelle charte éthique sera soumise aux candidats des élections municipales de 2014. Cette fois, Michel Destot ne devrait pas en être signataire. Il s’y est engagé : il ne sera pas candidat à la Mairie de Grenoble.
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