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Manif des Sanofi à Lyon : "avant on sauvait des vies, maintenant on sauve des actionnaires"

1200 salariés de Sanofi (900 selon la police) de toute la France se sont retrouvés ce jeudi, à Lyon, pour une manifestation nationale contre le plan de restructuration officialisée il y a un mois. Ils étaient autant qu’à Paris le 3 octobre. C’est au volume sonore impressionnant qu’on a pu mesurer la colère, et aux propos tenus par des salariés à bout.

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Lyon est l’un des principaux pôles de Sanofi. Le quatrième groupe pharmaceutique mondial y emploie quelque 6500 personnes. Lyon est aussi le siège social de Sanofi Pasteur, la division « vaccin » implantée dans le quartier de Gerland (7e arrondissement).

Et dans l’agglomération lyonnaise, le site dédié aux vaccins à Marcy l’Etoile (avec 3 500 personnes) pourrait être concerné par le plan de restructuration officialisé il y a tout juste un mois. La direction de Sanofi parle de 914 postes supprimés sans plus de précision. L’intersyndicale (CFDT, CGC, CFTC, CGT et FO) affirme toujours que 2 500 postes sont menacés.

Lyon était donc l’endroit idéal pour que l’ensemble des Sanofi de France se retrouve, afin de protester contre ce nouveau plan, qui intervient deux ans après une première vague de 1300 suppressions de postes.

Le parcours de la manifestation de trois heures a conduit le millier de manifestants des bâtiments de Genzyme (biotechnologie récemment rachetée par Sanofi) dans le quartier de Gerland, jusqu’à l’Hôtel de la région Rhône-Alpes. Mais les cornes de brume, les pétards et les sirènes ont surtout donné toute leur puissance lors d’un long arrêt devant le siège social de Sanofi Pasteur.
Région parisienne, Auvergne, Montpellier, Toulouse, Sisteron et bien sûr Lyon : les salariés sont venus de toute la France pour défiler.

 

Bénédicte Moustens, 54 ans : « on vit une lente dégringolade »

Sanofi-Manif-Toulouse-Benedicte

Elle a revêtu sa blouse blanche des laboratoires de recherche. Depuis près de quatre mois qu’elle se bat avec ses collègues de Toulouse, la blouse est maculée d’autocollants justement créés pour la mobilisation, comme celui du billet de 500 euros détourné avec l’inscription « Sanofric ».

Les Toulousains font partie des plus énervées. Tous les jeudis, ils sont en grève et sont de toutes les manifs, à Paris, le 3 octobre, et la semaine dernière à Montpellier.

Les dernières déclarations ne les rassurent pas. Ce jeudi matin, le directeur général de Sanofi, Chris Viehbacher a réaffirmé que, pour le site de Toulouse, « un rôle précis n’avait pas pu être défini dans [le] nouveau plan pour la recherche » en précisant que le groupe visait à « renforcer sa position à Lyon ».
Inacceptable donc pour Bénédicte Moustens, qui travaille dans le centre de recherche, à l’analyse des molécules :

« La réorganisation de toute la recherche en 2010 commençait à porter ses fruits. Là, on arrête tout ! »

Du haut de ses 33 ans d’ancienneté, elle a vu une « lente évolution vers la dégringolade » avec les plans de réductions de coûts qui se succèdent, accéléré, dit-elle avec l’arrivée de Chris Viehbacher, à la tête du groupe, en 2008 :

« Quand certains appareils tombent en panne, on s’aperçoit que les contrats de maintenance ont été arrêtés pour faire des économies. Ça prend du temps pour les réparer. Malgré ces problèmes du quotidien, on nous demande de faire plus de résultats ».

Elle s’est renseignée sur l’état de l’emploi dans le bassin toulousain. « Les laboratoires Fabre n’embauchent pas », dit-elle. Elle vise donc plutôt les pré-retraites qui pourraient peut-être faire partie du futur plan social :

« A 54 ans, si le plan social traîne un peu, je pourrai en bénéficier. »

 

Patricia Meyssonnier, 56 ans, ouvrière : « Je me bats pour les autres »

Elle est venue d’Auvergne, avec ses collègues de la CGT de l’usine de Vertolaye, dans le Puits-de-Dôme. Le site emploie 650 personnes sans compter près de 200 emplois précaires (CDD ou intérim). Il est dédié à la fabrication des principes actifs pour les corticostéroïdes.

Patricia Meyssonnier pense qu’ils ne devraient pas être touchés par ce plan de restructuration :

« On a déjà eu droit au premier plan de restructuration, celui de 2010. On a déjà perdu des postes. Depuis, on a récupéré beaucoup de travail des sites parisiens. On a du boulot par dessus la tête. »

Mais elle n’est pas rassurée pour autant :

« On a vu sur d’autres sites que, même s’il y avait du travail et des investissements faits, ça n’assurait pas la pérennité du site. En plus, l’arrêt de la recherche à Toulouse, ou ailleurs, aura un jour des conséquences chez nous ».

Patricia a « 30 ans de boîte » et de nombreuses années passées au conditionnement des produits qu’elle expédie dans tous les pays. Elle se bat surtout « pour les autres ». Car elle, elle se voit déjà partir en pré-retraite. Elle n’a plus l’envie :

« On nous demande toujours plus de travail pour gagner moins ».

Patricia, en fin de carrière, touche 2100 euros net.

 

Frédéric Oddo, 45 ans : « Il n’y a plus de dialogue social »

Ce technicien passe trois quart de son temps en délégation. Délégué du personnel, membre du comité d’établissement et du comité central d’entreprise, il est à l’organisation de la mobilisation.

Et, selon lui, elle ne fait que débuter sur le site de Marcy l’Etoile qui compte 3 500 personnes :

« Les salariés attendaient plus d’information pour se mobiliser. Maintenant, on sait. Nous avons demander au cabinet Syndex une analyse. Pour Marcy l’Etoile, 700 postes seraient impactés par le plan de restructuration. »

Frédéric Oddo est donc prêt à repartir dans la bataille après avoir mené une grève de trois semaines pendant l’hiver 2009/2010 sur les salaires. Une grève qui a laissé des traces :

« C’était trois semaines très dures. Les salariés ont peur de revivre ça, notamment l’acharnement de la direction contre les grévistes. »

Mais « il faut reprendre le combat », explique-t-il :

« Parce qu’avec une société qui a dégagé 8,8 milliards de bénéfice en 2011, on ne va pas si mal. Loin de là. »

Comme sa collègue toulousaine, il pointe les conséquences d’une entreprise en perpétuelle restructuration :

« On nous donne de plus en plus de travail mais avec de moins en moins de personnel. Résultat, les gens craquent et les risques psychosociaux apparaissent. Certains sont en dépression. Et quand ils font une erreur, on les licencie pour faute grave. »

Il est nostalgique d’un temps passé :

« Avant le slogan était : on vient travailler à Sanofi pour sauver des vies. Maintenant on sauve des actionnaires ».

 

 

 

 

 


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