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Expliquer l'art contemporain aux enfants… et en tenir une couche

Les enfants ne lui avaient rien demandé. Mais Gianni Colosimo a décidé de leur imposer à coups de pastiches une enfilade de clichés sur l’art contemporain.

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Le vase volé de Jean-Pierre. Gianni Colosimo, “Le vase volé de Jean-Pierre“, 2011. Deux bases carrées en céramique blanche, terre, jouets de plage 150 x 150 x 30 cm © Centre Pompidou-Metz, juillet 2011

Après une première édition au Centre Pompidou de Metz, Gianni Colosimo propose, à la Sucrière, de raconter aux enfants l’histoire de l’art contemporain à travers ses propres «remakes». «En pratique, précise l’artiste italien, mon intervention artistique consiste à donner une nouvelle vision de l’œuvre d’art dans laquelle l’enfant peut s’impliquer d’une manière ludique, en l’interprétant par son propre raisonnement.»

Le projet nous paraissait dès le départ un peu douteux : certaines formes d’art mises à part (l’art conceptuel au premier chef), pourquoi la création contemporaine aurait-elle besoin d’être « refaite » ou « rendue rigolote » pour devenir accessible aux enfants qui, en général, sont loin d’être des quiches et peuvent l’aborder avec leurs propres moyens, parents, ou médiateurs patentés (ils sont en général légion dans les musées) ?

On ne voit pas, par exemple, pourquoi les bandes de Buren appliquées par Gianni Colosimo à des chaises longues et à des cabines de plage seraient plus amusantes ou plus « abordables » que les grandes cabanes que le célèbre artiste français avait présentées à l’Institut d’Art Contemporain il y a quelques années, et autrement plus ludiques et « appropriables » !

L’origine de cette exposition part d’une idée reçue : l’art contemporain c’est trop compliqué. Et elle ne fera ensuite qu’enfiler d’autres clichés comme des perles de mauvais goût.

Carl André c’est caca

Deuxième cliché : moi aussi je peux le faire, ou (variante) même un gosse de cinq ans pourrait le faire. Revisitant des œuvres de la Sud-africaine Marlène Dumas ou de l’Allemand Georg Baselitz, Gianni Colosimo encadre donc des dessins de… sa fille ! Elle ne dessine pas trop mal ceci dit, mais il lui reste une bonne marge de progression…

Troisième cliché : l’art contemporain, c’est une affaire de pognon et de marché. Le fameux urinoir de Marcel Duchamp est donc transposé en pot de chambre débordant de pièces de monnaie.

On se dit alors qu’on a touché le fond et que l’«artiste» n’ira pas plus loin, ou plus bas, quand surgit sous nos pieds un démenti formel : pour évoquer Carl André (artiste minimaliste américain qui «renversa» l’idée de sculpture érigée sous forme de pierres plates ou de grands damiers au sol), Colosimo étale sur le sol de la Sucrière les couches maculées de sa fille (déjà citée), de sa naissance à l’âge de six mois…

Là, la plume nous en tombe des mains. La nôtre, on le sait, est loin d’être à la solde de « l’art contemporain » (tiens, encore un cliché), mais que celui-ci soit raconté aux enfants, aux bègues, aux Apaches ou aux Corses, il mérite un peu plus de considération et d’investissement neuronal.

Par Jean-Emmanuel Denave, sur le petit-bulletin.fr.

 

L’art contemporain raconté aux enfants. À la Sucrière, jusqu’au 31 décembre.

 


#Art contemporain

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