Commissariat de Vénissieux dont sont issus 4 policiers interpellés mardi. Crédit : Stéphane Guiochon
Oui, mais rien à voir avec l’affaire Neyret. Aucun lien ni dans le réseau de trafic d’influence, ni dans le milieu délinquant concerné. C’est pourtant un nouveau scandale qui secoue la police lyonnaise et fait couler de l’encre sur des flics « ripoux » et des fricotages dignes de séries TV.
Sept policiers, dont quatre sont rattachés au commissariat de Vénissieux, ont été placés en garde à vue mardi 11 septembre à Villeurbanne, ainsi que deux délégués du procureur (tous deux anciens agents de police), pour des faits notamment de trafic d’influence. Du côté des corrupteurs présumés, il s’agit de deux frères, et de deux personnes proches d’eux, tous résidant à Vénissieux. Les policiers ont été mis en examen jeudi 13 septembre pour corruption passive, et quatre d’entre eux ont été placés en détention. Les deux frères ont eux aussi été écroués.
Porsche, électroménager… et 400 000 euros
Cimamonti, après des précautions d’usage liées à la présomption d’innocence dont bénéficient les personnes interpellées (« je parle bien en termes de charges et pas en termes de certitudes »), a ainsi décrit les charges :
« Des demandes de services, des services accomplis, et des avantages consentis à ces fonctionnaires de police pour la réalisation de ces services ont été établis. Ca consiste pas seulement dans le fait de pas donner suite, ou pour parler vulgairement, à faire sauter un PV.
Ca consiste à la demande de la part des membres de cette famille de se renseigner sur l’existence de procédures dont ceux-ci ou des proches peuvent faire l’objet. Ca consiste à recueillir des renseignement pour empêcher que des procédures prospèrent contre eux. »
Invitations à déjeuner, remises gratuites ou à prix cassés de téléphones portables ou de matériel électroménager, et prêt d’une Porsche à un policier à l’occasion du mariage de sa fille. L’un des frères interpellés est à la tête d’une entreprise de vente et réparation de matériel de téléphonie et électronique. Lui n’avait jusque là jamais eu à faire à la Justice.
Ces faveurs auraient été obtenues en échange d’actes permettant l’obstruction de procédures en cours. Des CRS postés dans une rue à Vénissieux pour des contrôles? Un coup de fil est passé aux personnes demandeuses afin qu’elles évitent de passer par là. Autant d’éléments recueillis au cours de 13 mois d’enquête, fondées sur des écoutes téléphoniques principalement, qui traduiraient donc « une relation de proximité répréhensible ».
Les interpellations du 11 septembre ont abouti en outre à une saisie d’argent en liquide impressionnante, atteignant la somme de 400 000 euros trouvée au domicile de la famille vénissiane concernée.
« Ca vous donne le contexte financier dans lequel vivait cette famille », a déclaré Marc Cimamonti.
Pas de ça chez nous
L’un des frères actuellement inquiété dans cette affaire de corruption se trouvait déjà en prison ce 11 septembre. Il faisait l’objet de recherches pour l’exécution d’une peine « loin d’être anodine » selon le procureur de la République, de deux ans d’emprisonnement :
« Par deux fois, grâce au concours des fonctionnaires de police, en novembre 2011 et fin décembre 2011, il a pu échapper aux poursuites parce que la fiche de diffusion de cette condamnation n’avait pas été diffusée.
Il a été en fuite, interpellé en mars 2012, dans des conditions de violence particulière : il a tenté d’écraser les fonctionnaires de police ; ceux-ci ont été contraints de faire usage de leurs armes en situation de légitime défense. »
Et Marc Cimamonti tempète :
« Ils (les policiers interpelés, ndlr) ont un rôle dans le fait d’avoir exposé la vie de leurs collègues en mars dernier. »
Ceux-là, ce sont les moutons noirs et il n’y a pas de mal à le dire. Pour Albert Doutre, directeur départemental de la sécurité publique, soucieux de faire place nette : « il ne faut pas faire d’amalgame entre ces sept policiers et les 3150 qui travaillent sur le département. »
Selon lui, fini le temps où « on lavait son linge sale en famille ». Il s’agit, pour « rendre hommage » au travail de la majorité du corps, de « couper les branches mortes ».
Le nouveau proc montre les muscles
Le dossier n’a donc pas à voir avec l’affaire Neyret, d’autant moins qu’il ne s’agit pas de liens entre flics et indics. D’autant moins que, s’il y a un capitaine parmi les sept policiers arrêtés, les autres sont gardiens de la paix, brigadiers, ou brigadiers-chefs. Par ailleurs, aucun n’a reçu de cadeaux si importants qu’il se serait enrichi au point d’ouvrir des comptes dans des paradis fiscaux.
Des affaires de corruption, « il y en a de plus importantes », concède lui-même Marc Cimamonti qui ajoute que celle-là serait « significative ». La boucle de la communication a toutefois été lancée, démarrant par un traditionnel article dans un journal local sur l’opération d’interpellations, des reprises quasi immédiates par les radios, et une conférence de presse plus officielle pour « faire le point », dans la foulée.
Le « nouveau proc » de Lyon, arrivé en mars 2012, fait l’effet d’un homme de poigne qui compte faire le ménage, évoquant lui-même l’un de ses coups d’éclat lyonnais, l’affaire du président de la Chambre des huissiers de Lyon soupçonné d’avoir détourné 1,5 millions d’euros, ou encore celle des policiers accusés de viol.
Pour le « dossier de Vénissieux », et après un travail long de treize mois, « c’est maintenant que démarrent les investigations actives », estime-il. Par le biais de leur avocat, Gabriel Versini, habituel défendeur de la profession, les policiers nient et qualifient les accusations d’allégations.
>Mis à jour à la suite de la mise en examen des policiers le jeudi 13 septembre.
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