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Les rumeurs courent

Maintenant que Dark Knight Rises est sorti, l’heure est enfin venue de régler leurs comptes à quelques bruits de couloirs sur le blockbuster le plus attendu de l’été.

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1. Il s’agit du meilleur ou du pire film de la série.

Ni l’un ni l’autre. Dark Knight Rises complète plus ou moins astucieusement les arcs narratifs laissés en suspens, et déploie surtout les systématismes dramatiques de Nolan avec une régularité psychorigide. Les scènes d’action sont de plus en plus lisibles mais manquent toujours autant de panache, les personnages secondaires disparaissent toujours de façon aussi abrupte (mentions spéciales à Matthew Modine et Tom Hardy, dont le destin se scelle en un plan furtif), et le film n’apporte rien de plus à sa relecture du personnage principal. Mais malgré ses déséquilibres rythmiques patents, faut avouer que le film tient plutôt bien la barre de ses 2h44, et qu’il s’agit, pour l’instant, du meilleur blockbuster estival.

2. Encore de la propagande démocrate venue d’Hollywood. La preuve, le méchant s’appelle Bane, et comme par hasard, en ce moment, le candidat républicain Mitt Romney est sur le grill pour ses liens avec la société Bain Capital (dixit l’animateur radio néo-conservateur Rush Limbaugh).

Mensonge, calomnie, ragot d’enfant. Déjà, en deux clics, on peut vérifier que le personnage de Bane a été créé en 1993 pour la version comics du vengeur masqué. Ensuite, il suffit de voir le(s) film(s) pour comprendre à quel point traiter Nolan de gauchiste est purement et simplement risible : après avoir légitimé le Patriot Act dans le climax de Dark Knight, le réalisateur et co-scénariste désigne ici son bad guy comme un terroriste et jamais autrement, qu’il s’attaque à la bourse ou aux nantis de Gotham, jugés sommairement par une parodie de tribunal populaire. Dans leur dramaturgie pompeuse, ces scènes de “révolution“ (chaque fois que le mot est prononcé par l’un des héros, c’est avec mépris) à l’encontre des riches font écho aux préoccupations de tous les chroniqueurs conservateurs américains – mais pourquoi s’en prend-on dans ce pays aux créateurs de richesse et de jobs, pourquoi punir la réussite ? Les harangues de Bane à la foule vont toutes dans ce sens, et rappellent que le pouvoir au peuple, le socialisme, le communisme (c’est pareil, de toute façon), c’est avant tout de la dictature. Si d’aventure vous vous retrouvez dans la même salle de cinéma que Jean-Luc Mélenchon, fuyez, malheureux.

3. Mais siiiiiii, il paraît même qu’il fut un temps, Nolan envisageait d’inclure le mouvement “Occupy Wall Street“ dans son film…

Ça m’étonnerait tout de même beaucoup. Et quand bien même, il n’est pas évident que ces contestataires aient goûté de se faire traiter de terroristes dans une super-production pro “1 %“…

4. La fin est incroyable, définitive, mais laisse la porte ouverte à une suite.

Hmmm. Après un twist pas du tout crédible, les événements se précipitent dans un climax anti-spectaculaire. Si vous aviez des doutes en début de film sur le destin du héros, rassurez-vous, Nolan grille son devenir dans le premier acte du film, grâce à une tirade totalement grotesque d’Alfred. Enfin, ce n’est pas une porte ouverte, mais un véritable baissé de pont-levis.

5. Cette trilogie est quand même super dark, quoi. Non mais sérieusement, ça pousse les gens à en tuer d’autres, t’sais.

C’est sûr que par rapport aux horreurs récentes du catalogue Marvel, de Thor à Captain America jusqu’aux Avengers, la trilogie de Nolan, c’est quasiment A Serbian Film. Le face-à-face entre le Joker et Batman dans le précédent opus était vraiment troublant, et renvoyait le justicier autant à ses responsabilités qu’à ses propres démons. Dans Dark Knight Rises, le plus atroce dans la réclusion de Bruce Wayne, c’est qu’il doit marcher avec une canne et qu’il n’a plus de meuf (si l’on en croit les dires de ses proches et le jeu… distancé de Christian Bale). Ses démons font coucou rapidement (dans ses rêves – super), et disparaissent aussitôt. La frontière entre bad guys et good guys a été refermée, avec un surplus de personnel pour s’assurer que personne ne franchisse le périmètre. Parler de mise en scène crépusculaire comme certains critiques n’ont pas manqué de le faire a encore moins de sens que pour les épisodes précédents. Pour ce qui est de la tuerie du Colorado, le problème n’est pas le film : même si apparemment, le tueur s’est présenté comme le Joker, qu’il se soit teint les cheveux en rouge atteste du fait qu’il ait très mal regardé The Dark Knight, ou qu’il n’en ait qu’un souvenir approximatif. Tous les commentateurs US s’accordent sur le fait que ce problème n’est pas lié à la vente d’armes aux Etats-Unis. Par contre, vu que des chaînes de cinéma américaines ont interdit tout déguisement à leur séance semble indiquer que le vrai problème, c’est le costume.

6. On dira ce qu’on voudra, mais au moins, Nolan est un auteur.

Christopher Nolan est avant tout un gros bosseur, qui connaît les règles de la narration sur le bout des doigts. Il sait construire un récit, croiser des sous-intrigues, développer des personnages. Il emprunte à des schémas classiques, qu’il perturbe avec un art consommé de la manipulation. Sa mise en scène ne sert finalement que son architecture narrative, et fait sens presque contre son gré. Même le propos politique des deux derniers Dark Knight n’est en réalité qu’un artifice dramatique comme un autre, une béquille dans le script. L’essentiel du discours de Dark Knight Rises se cantonne à « il faut avoir peur de la mort » et « l’espoir peut être terrible, mais des fois c’est bien aussi ». Pour mettre les choses à plat : Christopher Nolan s’est approprié une figure mythique, dans le cadre d’énormes productions hollywoodiennes, et est parvenu à y imprimer sa marque – ça en ferait d’office un auteur. Certes, mais un auteur pas très intéressant.


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