En 2009, le collectif de défense des centres IVG du Rhône avait obtenu gain de cause. A la suite du démantèlement de l’Hôtel Dieu, l’équipe dédiée à l’orthogénie est parvenue à être reformée au sein d’un service unique, à l’hôpital Edouard Herriot (HEH).
Composé du Planning familial de Villeurbanne, des syndicats CGT et Sud, et d’associations féministes, le collectif se recompose aujourd’hui, alerté notamment par des informations données de façon très informelle, au cours notamment d’un CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et de condition de travail) à l’hôpital de la Croix-Rousse. L’idée évoquée ? Inclure les quatre lits du service d’orthogénie au sein du service de gynécologie généraliste.
Pour Catherine Bonnet, infirmière en pathologie de la grossesse à la Croix-Rousse, c’est un premier pas vers l’absorption totale du centre IVG par le service gynéco généraliste :
« Nous craignons que les choses se fassent en douce et que, sans aller jusqu’à une fermeture complète du service d’orthogénie, nous allions vers une prise en charge des femmes de moins en moins bonne. »
Comme Marion Athiel, membre du conseil d’administration du Planning familial, ou encore une infirmière de HEH qui souhaite garder l’anonymat, Catherine Bonnet note que « cet acte spécifique nécessite une écoute et un suivi tout aussi spécifiques ». Ainsi qu’un encadrement matériel :
« Il faut une entrée sécurisée, avec un interphone, etc. Ce qu’on n’a évidemment pas pour un service gynéco classique. Il y a encore des associations anti-IVG qui viennent devant les centres. Et surtout, le premier barrage pour une femme qui veut se faire avorter, c’est souvent sa famille.
Il faut aussi des équipes spécifiques : elle a besoin d’avoir le même interlocuteur, avant, pendant et après l’intervention. »
Courir jusqu’aux toilettes
Les quatre services d’orthogénie de Lyon, à HEH, à la Croix-Rousse, à Lyon-Sud et à l’hôpital Femme Mère Enfant (HFME) ont totalisé, en 2011, 4302 interventions. Depuis 2007, ce chiffre est resté à peu près stable.
Marie-Hélène Renault, directrice adjointe du département de conseil en stratégie des HCL (Hospices civils de Lyon), est catégorique devant les inquiétudes du collectif :
« Ce panorama, il n’est pas question de le changer. »
Mais son propos est aussitôt nuancé :
« En effet, il a pu arriver qu’en période de congés, une femme venant de subir une IVG soit alitée au sein du service de gynécologie globale. Mais certainement pas dans les plateformes d’hospitalisation ambulatoire. C’est donc la seule chose qui peut arriver : une réorganisation de nos formules d’hébergement. »
C’est justement l’un des points soulevés par le collectif :
« Comment peut-on envisager de placer côte à côte une femme qui vient de se faire avorter et une femme qui a fait une fausse couche ? »
Marie-Hélène Renault a, cette fois aussi, une réponse claire :
« Evidemment, on fait attention : on ne met pas une adolescente qui a eu une IVG à côté d’une dame de 50 ans qui vient de subir une hystérectomie. Il faut que ce soit cohérent, que les femmes puissent parler entre elles en toute tranquillité.
Mais il faut aussi savoir qu’on ne parle pas de deux jours, ni même d’un jour d’hébergement. Après une IVG, il ne s’agit que de quelques heures passées sur un lit. »
Marion Athiel note toutefois que la zone orthogénie doit être circonscrite, pour qu’une femme ne soit pas contrainte, après une IVG médicamenteuse, de « courir à l’autre bout de l’hôpital pour rejoindre des toilettes communes ».
Le collectif a envoyé un courrier à la direction des HCL, lui demandant d’éclaircir les zones d’ombre avec une réponse politique officielle. Un autre courrier a été adressé à Gérard Collomb, maire de Lyon et président du conseil de surveillance des HCL. Avec un ultimatum : un rendez-vous avant le 10 juillet.
« On a très peur que des décisions se prennent pendant l’été. »
Maternité contre IVG ?
De l’avis des personnels et des cadres des HCL, c’est à HEH que le service d’orthogénie bénéficie des meilleures conditions de travail. Mais pour combien de temps encore ? La structure dédiée au sein de ce groupement hospitalier est passée de 2208 IVG en 2007, à 1738 IVG en 2011. Si l’activité continue de baisser, elle pourrait souffrir de coupes budgétaires et, notamment, d’une baisse des effectifs.
« Pour le moment, ce n’est pas le cas. HEH a un très bon service qui prend bien le relais des autres hôpitaux qui ne peuvent pas accueillir les femmes en attente de rendez-vous », tempère Marie-Hélène Renault.
La directrice adjointe du département de conseil en stratégie n’est finalement pas loin de partager l’avis du collectif :
« Il faut surtout éviter de fonctionner avec des micro-équipes. A Lyon-Sud, par exemple, il n’y a qu’une infirmière et une aide-soignante pour le service d’orthogénie. En période de congés, on tourne l’emploi du temps dans tous les sens, on n’y arrive pas. »
Eric, représentant de Sud-santé, va aussi dans ce sens :
« Le problème, ce n’est pas tellement une réticence des chefs de service, mais le manque de moyens. »
Pourtant, plusieurs membres du collectifs font le même constat : « l’orthogénie est très chef-dépendant ». Ce sont les chefs de service qui mènent les politiques de soin des structures, et ils sont quasi seuls garants du maintien des centres IVG tels qu’ils existent. A la Croix-Rousse, notamment, c’est à la maternité que la priorité est donnée.
De Bachelot à Vallaud-Belkacem, le changement ?
Avec le changement de gouvernement, la question de l’IVG sera toujours plus transversale puisqu’elle touche désormais à trois ministères, aux Affaires sociales et à la Santé, à l’Education et, donc, aux Droits des Femmes.
Pour plusieurs personnels des services de santé, Roselyne Bachelot avait le mérite d’avoir des positions claires concernant l’IVG. Concernant Najat Vallaud-Belkacem, à la tête des Droits des Femmes, la ministre pourrait surprendre dans son positionnement.
Attachée à la lutte contre les violences faites aux femmes, son propos concernant l’IVG pourrait être celui d’une baisse de ce chiffre. Un objectif qui n’est « pas atteignable», martèlent plusieurs associations qui s’opposent au propos répandu qui fait état d’une souffrance et d’un traumatisme liés à cette intervention. Selon elles, les femmes auront toujours recours à l’IVG, et seules les mauvaises conditions de l’encadrement mèneraient à un traumatisme. Pour le collectif, il s’agit aussi d’en débattre et d’obtenir des réponses prochainement.
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