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Prostitution : « J’ai voté pour Hollande, je me suis fait baiser »

Tribune de Karen, prostituée dans le quartier de Gerland à Lyon, membre du STRASS (Syndicat du TRavail Sexuel)

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Prostituée dans une camionnette dans le quartier de Lyon-Gerland Crédit : Natacha Boutkevitch

J’ai voté pour François Hollande car il avait promis d’abolir la loi pénalisant le racolage passif. Je m’aperçois que je me suis fait rouler.
A l’époque de la droite, le PS s’était certes prononcé pour la pénalisation du client. Mais c’était du temps de la droite. Je ne voyais pas la gauche dans cette optique. Avec la récente déclaration de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, disant qu’elle veut voir « disparaître la prostitution » en pénalisant les clients, j’ai compris que, malgré le changement de gouvernement, on tapait toujours sur les mêmes.

On dit qu’il y aurait 20 000 prostituées de rue. Je pense qu’on est bien en dessous de la réalité.
Si on fait disparaître cette prostitution de rue, ce sera autant de personnes qui vont se retrouver sans travail. Mais il ne faut pas oublier que les prostituées ont des enfants.

On est dans une France qui n’a pas de travail. Nous, on en a un. On en vit. On évite d’être dépendantes autant des hommes que de l’Etat. On veut juste que la prostitution soit structurée car on peut être à la merci des réseaux mafieux.
C’est ce qui se passera si la prostitution devient clandestine en France. Car il ne faut pas se leurrer. Il ne suffit pas de dire « je veux voir la prostitution disparaître » pour qu’elle disparaisse d’un coup de baguette magique. C’est faux. Ce sera de la prostitution clandestine.

Et dans les pays où la prostitution est prohibée, elle existe toujours mais elle est régie par des réseaux. Par contre, dans les pays européens où la prostitution a été réglementée, on s’aperçoit que tout se passe bien. Le modèle de la Suède me fait rigoler. On dit qu’il y a 40% de clients de moins depuis qu’on les pénalise. Non. Il y a 40% de clients plus intelligents qui ne se font pas prendre et qui vont ailleurs.

 

Que Najat Vallaud-Belkacem s’occupe des violences faites aux femmes

Les policiers que je rencontre me disent :

« On ne va pas se mettre derrière chaque camion de prostituée, chaque fille qui travaille dans la rue pour aller mettre une amende à un mec ».

Ce qui est grave, c’est qu’on va aller emmerder un type qui va risquer deux mois de prison parce qu’il a eu une relation sexuelle entre deux adultes consentants.

On en est à ce stade là en France. Que Najat Vallaud-Belkacem sauve les femmes qui vivent dans des foyers parce que les maris les ont battues ! Qu’elle fasse des choses concrètes pour les femmes !

S’il y a des personnes aujourd’hui aux mains des réseaux, c’est parce que pour être une prostituée libre, il faut se battre contre tout le monde. Moins les filles sont protégées dans leur travail, plus les mafieux en profitent.

Ce n’est pas par la répression qu’on obtient quoi que ce soit. On le voit avec le cannabis.
Il faut réfléchir intelligemment à ce qui pourrait protéger les filles de la main mise des réseaux.
Si demain l’Etat ne nous donne plus aucune autorité, qu’est-ce qu’on fera ? Si, même quand on les appelle, les policiers ne viennent pas parce qu’ils nous répondront « vous n’avez pas le droit de vous prostituer », comment on va se défendre ?

 

Crever de faim avec 500 euros par mois

La prostitution peut être un choix : celui de ne pas avoir de patron, de travailler à son compte, d’avoir une liberté dans une France où il n’y a pas de travail. C’est mon choix de ne pas crever de faim avec 500 euros par mois. Et c’est ce métier qui m’apporte ce choix là.

Je ne veux pas vivre dans la misère tout ça parce que Madame Vallaud-Belkacem l’a décidé.

Et c’est faux de considérer que se prostituer engendre nécessairement des troubles psychologiques. Une femme qui travaille dans une usine et se fait harceler par son chef d’équipe souffre bien plus qu’une prostituée.
Comme la femme qui subit son mari qui rentre bourré tous les soirs et lui impose des rapports sexuels, c’est une vraie souffrance. Nous on peut refuser.

On est déjà suffisamment emmerdées par les fourrières et le manque de clients. Je le fais pour être libre. Je pars en vacances quand je veux.

Tout le monde n’a pas envie de vivre de la même manière : se marier, faire des enfants et vivre ensemble pendant quarante ans. Et si un gars a envie d’aller voir une prostituée plutôt que de s’emmerder dans une relation, c’est son droit. Du moment où c’est un choix des deux parties.
Est-ce qu’un jour on s’est plaint ? En disant sauvez nous de ces clients qui nous harcèlent ?
On veut un vrai statut de travailleuse du sexe avec la sécurité sociale et la retraite pour ne pas voir des femmes de 70 ans tapiner parce qu’elles ont une retraite de misère.

On ne se laissera pas faire. On ne va pas se laisser crever de faim pour leur morale à deux euros.


#Gerland

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