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Un parti politique « 100% banlieue », pour quoi faire ?

Ce week-end des 2 et 3 juin se tient à Nanterre le congrès fondateur de la Force Citoyenne Populaire (FCP). Ses militants se présentent comme le « premier parti » à représenter les habitants des « banlieues ou quartiers populaires ». Une cible électorale que leur disputent d’autres mouvements, tels les Indigènes ou les antisionnistes.

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« Pas que des Noirs et des Arabes »

Pour le moment, ce ne sont que quelques dizaines de militants issus des quartiers populaires mais qui ont toutefois œuvré pendant de longues années dans les associations ou les mouvements politiques des banlieues. On retrouve des activistes de DiverCité, à Lyon, des Motivé-e-s, à Toulouse, ou du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB), à Paris.

Ils travaillent déjà ensemble depuis 2007, dans le cadre du Forum Social des Quartiers Populaires, qui s’est réuni chaque année pendant trois jours pour faire émerger un mouvement social et politique qui parle de ces territoires.

C’est chose faite. Leur regroupement doit donc se faire sur une base non pas ethnique (comme chez les Indigènes de la République avec des populations issues de l’immigration post-coloniale), mais sur la base essentiellement d’une communauté de vie (le quartier).

Boualam Azahoum, de DiverCité, nous expliquait le principe, lors de la venue des fils et filles de Fanon, Biko et Malcolm X dans la banlieue lyonnaises  :

« Nous ne sommes pas comme les Indigènes de la République (). Dans ce mouvement que nous voudrions lancer, il n’y aura pas que des Noirs ou des Arabes. Ce sera le rassemblement de tous ceux qui vivent dans les quartiers. Ce seront ceux qui votent aujourd’hui ou qui voteront demain après l’adoption de la loi sur le droit de vote des étrangers ».

 

Questions de discriminations

Ces militants historiques des quartiers expliquent ne plus croire aux partis politiques classiques, de gauche comme de droite. A l’image de Pierre-Didier Tchétché-Apéa un militant associatif présenté comme le porte-parole des habitants de Vaulx-en-Velin au moment des émeutes de 1990 :

« Aucun parti politique ne met à l’agenda les quartiers populaires et ne traite de manière prioritaire des questions de discrimination. Pour nous, c’est dans ces quartiers que se cristallisent de nombreuses questions : l’emploi, l’éducation, le logement ou le rapport à la police ».

 

Frantz Fanon, Malcolm X, Steve Biko… et les émeutes des banlieues

Le 9 mai dernier, lors de la tournée française de la fille de Malcolm X, de la fille de Frantz Fanon et du fils de Steve Biko, les militants associatifs, à l’origine de leur venue à Lyon, ont placé le futur parti dans les traces de leurs aïeuls. Pierre-Didier Tchétché-Apéa revendique une filiation :

« Marcher dans les pas de ces trois aînés, c’est être fiers de nos origines et de nos luttes passées ».

Pour lui, les « luttes passées » évoquées sont également celles, en France, des travailleurs immigrés des années 70 et des mouvements en faveurs de l’égalité des droits des années 1980-90, avec notamment la Marche de l’égalité (dite Marche des Beurs) de 1983. Mais ils se veulent aussi les héritiers des émeutes des quartiers des Minguettes en 1981 à Clichy-sous-Bois et ailleurs en 2005.

« Le but est d’organiser l’expression des quartiers populaires pour enfin sortir d’une lutte fragmentée où les Musulmans, les Noirs ou les Arabes ne s’organisent qu’entre eux ».

La « carte d’identité du mouvement » se veut une ode à l’« autonomie », en suivant l’exemple des mobilisations pour les droits civiques aux Etats-Unis ou des mouvements féministes :

 

«Face à l’incapacité des forces politiques actuelles à défendre nos intérêts et nos droits politiques, sociaux et économiques, nous refusons de déléguer plus longtemps notre pouvoir d’action aux institutions politiques existantes. »

 

« Se présenter aux élections »

C’est raté pour les présidentielles, et pour les législatives. Mais clairement, l’objectif du FCP est de se présenter aux élections. Ils visent donc surtout les municipales. Une élection qui a déjà souri à plusieurs membres du futur parti, comme ceux issus des Motivé-e-s, aux élections de 2001 à Toulouse.
Avec l’appui des associations dont ils sont issus « qui seront ce que la CGT était au PCF, une courroie de transmission », selon Abdelaziz Chaambi, ils entendent également militer dans le mouvement social :

« On va continuer les mobilisations sur le terrain avec les habitants et les familles des quartiers. Le discours que l’on va leur tenir est : « si vous voulez que ça change, engagez-vous auprès de nous ». Nous proposons un mouvement d’éducation populaire et pas l’assistanat. »

Abdelaziz Chaambi est militant des quartiers populaires depuis la fin des années 70. D’abord en Ardèche puis à Lyon. est actuellement le président-fondateur de Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI) :

« Ça fait 30 ans qu’on a roulé notre bosse, qu’on s’est battu. Les partis politiques n’ont pas mis en place l’ascenseur social. Ils nous ont cantonnés à la vie associative. Si on avait investi le champ politique, on aurait déjà des députés. »

 

« À la gauche de la gauche »

Leurs « amis » sont le Front de gauche et le NPA. Mais pas le PS et encore moins l’UMP. Le Parti socialiste est accusé de bercer d’illusions les électeurs des quartiers tandis que l’UMP « fait de l’instrumentalisation des Musulmans et de l’Islam un nouveau fond de commerce ».
Dans leur « texte d’appel », ils en appellent à « une réforme globale » qu’à leurs yeux aucun parti politique ne porte.

Le programme reste à élaborer mais Abdelaziz Chaambi traduit cette exigence de « réforme globale » par trois postures « contre » :

« Nous sommes anti-capitalistes, anti-colonialistes et anti-impérialistes ».

En matière de propositions, donc, rien de neuf. Car les idées sont celles défendues au long cours par ces militants des quartiers, notamment au sein du Forum social des quartiers populaires :

« Il faut en finir avec les politiques spécifiques (politique de la ville), ségrégationnistes (relégation scolaire, dégradations des services publics et des parcs de logement) et même racistes (discriminations, violences policières, islamophobie, double peine). »

 

En finir avec les bavures

Parmi les principales propositions : sanctionner sévèrement les discriminations dans tous les domaines. Ce qui nécessite notamment, selon eux, le rétablissement d’une « police républicaine » qui arrête « les contrôles au faciès » et les « bavures ».

Ils considèrent la politique démolition/reconstruction des HLM conduite par l’Agence nationale du renouvellement urbain (ANRU) comme un « échec », en ne faisant que déplacer toujours plus loin les populations pauvres. Abdelaziz Chaambi explique :

« Pour créer de la mixité sociale, il faut changer l’image de ces quartiers et arrêter les politiques d’attribution conduites par les bailleurs sociaux. On entasse toujours les Noirs, les Arabes, les handicapés ou les chômeurs dans les mêmes barres et dans les mêmes quartiers. Et d’un autre côté sanctionner plus sévèrement les communes qui n’appliquent pas la loi SRU ».

 

La concurrence : les Indigènes et les anti-sionistes

La Force Citoyenne Populaire veut être le premier parti à représenter les banlieues. Mais d’autres groupes font déjà de la population qui y vit une cible privilégiée.

Si les partis de gauche sont leurs « amis », leurs principaux concurrents se nomment le Parti des Indigènes de la République ainsi qu’Egalité et Réconciliation. Ces deux partis ont en effet pour fonds de commerce l’islamophobie et la cause palestinienne. Deux des thèmes principaux que la FCP veut porter.

Pour Abdelaziz Chaambi, parce qu’ils ne sont pas implantés dans les quartiers, les Indigènes sont moins dangereux que le parti d’extrême droite Egalité et Réconciliation d’Alain Soral.
Preuve en est selon lui, La présence d’un des quatre candidats aux législatives du Parti Anti-Sioniste, issu de cette mouvance et soutenues par Dieudonné, Mounir Grami, dans la 14e circonscription du Rhône.

« Ils ont essayé de me draguer. Mais nous ne mangeons pas de ce pain-là. Ils jouent sur un fond dormant d’antisémitisme chez certains jeunes de banlieue. Ils font des ravages. C’est de la manipulation ».

 > Article mis à jour le 2 juin à 14h25.

 

 


#Banlieue

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