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A Lyon, une agriculture aux portes de la ville est-elle possible ?

Après la Communauté Urbaine de Saint-Etienne, c’est au tour du Grand Lyon de promouvoir l’agriculture périurbaine. Un enjeu de taille pour assurer l’autonomie alimentaire des communes, en prévision du double choc pétrolier et climatique annoncé.

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A Lyon, une agriculture aux portes de la ville est-elle possible ?

Tribune/

Trois jours : telle est la durée d’autonomie alimentaire dont disposeraient aujourd’hui en moyenne les villes françaises en cas d’effondrement de la production pétrolière, et donc des transports (1). D’où l’importance d’une agriculture produite aux portes de la ville pour alimenter la population via des circuits courts (paniers AMAP, ventes directe à la ferme…).

Les surfaces agricoles du Grand Lyon s’élèvent à 10 000 hectares, soit 20% du territoire. Suffisant pour nourrir seulement 4% de la population, la Communauté urbaine de Lyon comptant un peu plus d’1 million d’habitants. Ce pourcentage se base sur les données de l’Ademe (2), selon laquelle, au niveau mondial, 1 hectare permet de nourrir en produits variés (fruits, légumes, lait, viande, céréales) quatre habitants, contre deux en 1960 et bientôt six en 2050.

En revanche, si l’on s’en tient uniquement à une production locale de fruits et légumes, 1 hectare permet de nourrir 100 habitants : dans ce cas, avec 10 000 hectares de surface agricole, le Grand Lyon pourrait nourrir toute sa population !

L’autonomie alimentaire du Grand Lyon dispose d’une bonne marge de progression, si l’on considère que nous pouvons d’une part nous dispenser d’une consommation journalière de viande et d’autre part bénéficier d’un rendement légèrement supérieur en maraîchage biologique par rapport à une agriculture conventionnelle.

Sur le plan régional, les chiffres sont certes un peu meilleurs, puisqu’en 2009, les surfaces agricoles couvraient 35% de la région Rhône-Alpes. Elles restent cependant inférieures à la moyenne nationale : en effet, toujours en 2009, en France, les surfaces agricoles couvraient en moyenne 51% des régions.

Pression sur le foncier et concentration agricole

Un danger guette toutefois les terres agricoles françaises, et le Grand Lyon ne fait pas exception : depuis 1999, il a perdu 1500 hectares de terre, grignotées par l’urbanisation. Au niveau de la région Rhône Alpes, ce sont 6500 ha qui sont perdus chaque année : 2500 hectares de terres cultivées et 4000 hectares de « terres en herbes ». C’est-à-dire des prairies et des vergers d’autant plus aisément constructibles qu’aucun locataire agricole n’y est à déloger…

La concentration des exploitations agricoles complique la situation. Entre 1988 et 2000, le Grand Lyon a perdu en moyenne 25 exploitations par an, pour se stabiliser aujourd’hui à 200 unités. Celles qui ont survécu ont grossi, en particulier les exploitations de grandes cultures situées à l’est du territoire qui atteignent aujourd’hui une taille moyenne de 61 ha. Adieu prairies, vergers et autres plaisants bocages.

Et avec l’augmentation de la taille des exploitations suit tout le cortège de l’agriculture intensive : gros engins, intrants chimiques, pollution et stérilisation de sols, menaces sur la santé humaine…, pétrole. C’est le serpent qui se mord la queue.

9000 hectares de terres « sanctuarisées »

Afin de préserver ses terres de cette urbanisation galopante, la Communauté urbaine de Lyon a décidé de « sanctuariser » 9000 hectares de surface agricole, déclarées de fait inconstructibles, en tout cas jusqu’à septembre 2016 (Ndlr : date de fin de la convention). Elle a pour cela utilisé un outil législatif, le PENAP (Protection des Espaces Naturels et Agricoles Périurbains ou PAEN), créé dans le cadre de la Loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une convention plus vaste signée avec le département du Rhône, la région Rhône-Alpes et le Sepal, le Syndicat d’études et de programmation pour l’agglomération lyonnaise. Au total, en incluant ces partenaires, ce seront 15000 ha de surfaces agricoles qui seront ainsi sanctuarisées. A titre de comparaison, Saint-Etienne métropole a utilisé le PENAP pour sanctuariser 3200 hectares, dont la maîtrise d’ouvrage a été déléguée au parc du Pilat. C’est la communauté urbaine de Lyon qui assurera en revanche la maîtrise d’ouvrage de son PENAP.

Le Grand Lyon a également signé avec les trois autres communautés urbaines du Pôle métropolitain une charte qui promeut cette agriculture périurbaine.

Objectif : trouver un terrain non contaminé

Sanctuariser les terres est une chose, mais il faut aussi tenir compte des zones où se situent ces terres. Actuellement, les surfaces agricoles disponibles dans le Grand Lyon se situent essentiellement à Vaulx-en-Velin en raison de départs à la retraite, sur le Plateau des Etangs à Grigny et dans les Monts d’Or. Or, ces terrains ne correspondent pas forcément à ce que recherchent les agriculteurs : les éleveurs, par exemple, sont souvent contraints de s’installer sur des terrains suffisamment éloignés de la ville afin d’éviter les nuisances (odeurs, mouches…).

Les nouveaux installants en agriculture biologique, de leur côté, doivent trouver un terrain non contaminé par les résidus d’une précédente exploitation agricole intensive. D’autres, encore, comme les arboriculteurs, auraient besoin d’un contrat écrit, la culture des arbres n’étant pas immédiatement rentable… Or, il n’existe pas de contrat écrit, mais seulement des baux assortis d’indemnités d’éviction que le propriétaire doit verser à son locataire au cas où il souhaite lui donner son congé.

Christophe Gaudry, par exemple, ex responsable de logistique pour de grands groupes et fraîchement reconverti dans l’arboriculture biologique, ne trouve toujours pas de terrain dans la zone de Saint-Etienne Métropole où il souhaite s’installer pour lancer son exploitation :

« Pour s’installer en arboriculture, il faut compter 300 000 euros, toute cela pour gagner le SMIC. C’est une vocation, limite un sacerdoce. Nous ne sommes pas armés pour lutter contre les promoteurs immobiliers. Ce sont les politiques qui ont les clefs de cette problématique ».

Pas facile donc de faire coïncider l’offre et la demande, comme le reconnaît Gilles Assi, vice-président du Grand Lyon chargé de l’agriculture périurbaine :

« Les agriculteurs du Grand Lyon vivent des problématiques particulières : la proximité du grand bassin de consommation constitue une opportunité pour la vente directe de la production, mais c’est aussi une contraintes car il y a des pertes de terres agricoles, des plaintes de riverains et du chapardage. C’est pourquoi l’ARDEAR (Association pour le développement de l’emploi agricole et rural, ndlr) du Rhône accompagne cette année cinq agriculteurs afin de prendre en considération les problématiques particulières des zones périurbaines».

Progression du bio

Peu gourmande en énergie fossile et respectueuse de l’environnement, l’agriculture bio périurbaine recevra une attention toute particulière du Grand Lyon, notamment sur les zones de captage d’eau potable, comme l’a précisé Valérie Hartmann, chargée de mission espaces naturels et agricoles du Grand Lyon. Elle permettra également de répondre à une demande croissante des citadins en aliments bio et locaux, ainsi que des cantines scolaires. Une dizaine de communes du Grand Lyon –Villeurbanne et Rillieux en tête – se sont en effet déclarées intéressées par cette démarche. A titre de comparaison, Saint-Etienne Métropole fournit déjà ses cantines en aliments bio et locaux à hauteur de 60% et affiche un objectif de 100% en 2014.

Aujourd’hui, les surfaces agricoles du Grand Lyon cultivées en bio (194 ha) ou en conversion bio (120 ha) représentent au total 314 hectares, soit seulement 3,14% de l’ensemble des surfaces agricoles. La marge de progression reste donc importante. Selon l’Ardab, l’association des producteurs biologiques du Rhône et de la Loire, avec une progression de près de 20 % de surfaces bio chaque année depuis trois ans, l’agriculture biologique rhodanienne est une des plus dynamique de Rhône-Alpes. Fin 2011, le nombre de producteurs bio dans le Rhône se chiffrait à 239, soit une augmentation de +60% par rapport à 2009.

Dans le Rhône, les collectivités locales aident ce développement de l’agriculture périurbaine biologique. Le département du Rhône. Grâce à son soutien, l’association Ardab a en effet « pu embaucher et constituer une équipe de 7 ingénieurs et un technicien ». (3)

Le Grand Lyon devrait poursuivre ses efforts, car selon Valérie Hartmann :

« Les élus et les agriculteurs sont convaincus de l’intérêt et de la nécessité de s’engager dans le développement d’une agriculture périurbaine et respectueuse de l’environnement ».

C’est pourquoi le Grand Lyon a prévu une enveloppe de 4,2 millions euros dans le cadre de son PSADER-PENAP, adopté le 28 juin 2010, afin de « créer des conditions favorables au maintien d’une agriculture périurbaine viable », de « gérer et d’améliorer les liens entre l’urbain, le périurbain et le rural » et de participer à la « qualité des espaces agricoles et naturels » ainsi qu’à la préservation de la biodiversité, des paysages et de la qualité de l’eau.

Par Florence Leray. Actuellement Rédactrice en chef de L’Avisé (« journal de l’économie sociale et solidaire »), elle est également réalisatrice et a publié Le négationnisme du réchauffement climatique (éditions Golias) en février 2011.

Notes

1. Manger local : S’approvisionner et produire ensemble, Lionel Astruc, Cécile Cros, Anne-Sophie Novel (Postface), Tamzin Pinkerton (Préface), Rob Hopkins (Préface). 176 pages, Actes Sud, octobre 2011.
2. « Nourrir les hommes », Ademe, novembre 2011

3. 29ème Conférence Départementale de l’Agriculture du Rhône, un rapport publié le 13 février 2012 par Agricultures et Territoires, Chambre d’agriculture Rhône ; Le Département du Rhône.

Ferme de l’Abbé Rozier, Ecully.Photo : AF/Rue89Lyon

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