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Hollande 2e dans la Drôme: pas que la faute à Mélenchon

A la surprise de certains observateurs locaux et régionaux, François Hollande n’a pas percé au premier tour dans la Drôme. Certes, Jean-Luc Mélenchon, avec ses 12,1 %, a mordu sur son électorat mais d’autres facteurs sont à prendre en compte.

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hollande

La dernière fois qu’un candidat socialiste est arrivé en tête du premier tour d’une présidentielle, dans la Drôme, c’était en 1995. Lionel Jospin avait été battu par Jacques Chirac au second tour, mais le PS avait alors obtenu dans ce département à peu près le même score qu’au niveau national. Les consultations présidentielles suivantes devaient consacrer la domination des droites sur cette terre laïque, de tradition de gauche.

Des permanences historiques qui laissaient un sérieux espoir au PS de reprendre la main le 22 avril. Or, si Nicolas Sarkozy voit fuir, par rapport à 2007 près de 11 000 électeurs, s’affaissant de près de quatre points, de 29,9 à 26,1 % des exprimés, François Hollande ne grappille qu’un peu plus de 2500 bulletins à Ségolène Royal, faisant passer le PS de 24,2 à 25,1 %. Presque une stagnation, alors que les socialistes drômois s’attendaient à une réelle progression. Alors aussi que Marine Le Pen, avec 21 %, et Jean-Luc Mélenchon, qui affiche 12,1 %, dépassent leur niveau national. En clair, la Drôme, concernant le quatuor de tête, semble davantage pencher que le reste du pays vers le vote « protestataire ».

Ce résultat, qui a surpris de nombreux observateurs régionaux et locaux, tire son origine de mécanismes électoraux en œuvre depuis de nombreuses années, voire même quelques décennies.

La bonne résistance de Sarkozy dans les villes

La carte des résultats de Nicolas Sarkozy dans les cantons et les principales villes de la Drôme explique pour une bonne part sa première position. La droite parlementaire demeure implantée dans les secteurs les plus peuplés, autour des pôles urbains de Valence-Romans et Montélimar-Pierrelatte. Le président de la République trouve ses meilleurs scores aussi bien dans le nord (29,6 % à Tain-l’Hermitage) que dans le sud (28,3 % à Saint-Paul-Trois-Châteaux). Il atteint son maximum dans le canton de Valence I (32,2 %), mais il est distancé par François Hollande dans la ville-préfecture, qui affiche un fort clivage est-ouest (34 % pour le PS dans le canton IV).

Même si l’érosion de la droite est aussi patente dans ce secteur, où elle dépassait régulièrement les 30 % en 2007, elle parvient à s’y maintenir (-0,1 point en cinq ans pour Nicolas Sarkozy à Grignan). A Montélimar, ancien fief radical et socialiste, qui vote régulièrement à droite aux présidentielles depuis 1995, elle parvient encore à arriver en tête.

Le glissement à gauche des zones urbaines, constaté au niveau national, ainsi que dans des villes plus au sud et plus à droite, comme Avignon ou Nîmes, ne semble pas avoir fonctionné à plein dans la Drôme. Certes la première place de François Hollande à Bourg-lès-Valence n’est pas une surprise. A Romans-sur-Isère non plus. A Valence, elle est en grande partie due au poids démographique des quartiers populaires, où François Hollande a globalement retrouvé l’électorat de Ségolène Royal.

Hollande glisse vers le nord-ouest

La carte des votes Hollande révèle une géographie électorale davantage rurale. Sa diffusion autour de la vallée de la Drôme est d’ailleurs assez frappante, et illustre des permanences anciennes (protestantisme, pauvreté des milieux paysans au XIXe siècle…). En nombre de cantons, le poids du PS soutient la comparaison avec celui de l’UMP, en nombre d’électeurs c’est une autre histoire

La légère progression en voix du PS n’est pas due à une meilleure implantation mais à un glissement vers le nord-ouest. Sur l’ensemble de la ville de Valence, François Hollande dépasse les 30,5 % (28,6 % pour Ségolène Royal en 2007). Il obtient son meilleur résultat à Luc-en-Diois, avec 31 %, mais c’est 3,6 points de moins qu’en 2007. Mis à part La Motte-Chalancon, le PS recule dans tous les cantons ruraux à l’est et au sud de Crest. Son électorat, plus nombreux qu’en 2007 dans le Valentinois et le Crestois, s’est légèrement urbanisé.

Les mutations du vote Le Pen

La force politique ayant connu la progression la plus fulgurante demeure le FN. Marine Le Pen améliore de très exactement neuf points le résultat de son père en 2007. Mini 21 avril 2002 dans l’impact (quoique…), c’est un maxi 21 avril dans les urnes : 0,2 point et surtout près de 14 000 bulletins de plus.

Sur la carte des votes Le Pen, la géographie électorale demeure relativement « classique ». Elle se concentre dans la vallée du Rhône, de Pierrelatte à Saint-Vallier, avec un « trou d’air » au niveau de l’agglomération valentinoise, et dans le nord du département. C’est globalement une implantation de « première strate » du lepénisme, déjà présente en 1988, suivant les bastions ouvriers et populaires, encore assez urbanisés, et à la population étrangère visible.

Une implantation qui a relativement peu essaimé. Par rapport à 2002 et 2007, elle a tendance à avancer vers l’arrière-pays le plus lointain (Séderon, Rémuzat…) ou les collines du nord (première place de Marine Le Pen au Grand-Serre, avec 27,8 % des exprimés). Les mutations de cet électorat se sont surtout produites à l’intérieure de cette zone de force, située à l’ouest d’une ligne Romans – Saint-Paul-Trois-Châteaux. Elles ont constitué en une migration des centres-villes vers les campagnes et les secteurs périurbains. Ainsi, à Romans-sur-Isère, depuis 2002, le FN a perdu 4,4 points. A Valence, la chute est de 2,2, à Montélimar de 2 points, à Pierrelatte de 1,1 point… A noter que cette érosion (qui cache une légère progression en nombre de voix) est de moins en moins importante à mesure qu’on descend dans les strates urbaines.

Pour résumer, le vote FN s’est périphérisé dans sa propre zone d’influence. Sur notre carte, cela se traduit par des tons plus clairs sur les emplacements des villes.

Mélenchon ressuscite le communisme rural

La géographie électorale de Jean-Luc Mélenchon explique en partie la contre-performance du PS. Elle s’appuie également sur la vallée de la Drôme, et rencontre ses meilleurs succès dans les cantons où justement le PS a baissé depuis 2007.

L’implantation du Front de Gauche irradie depuis le Diois vers l’arrière-pays provençal. La coupure avec la vallée du Rhône apparaît très nettement.

Les éléments de comparaison sont plus difficiles à trouver, le Front de Gauche n’existant pas en tant que tel en 2007. On peut s’appuyer sur les résultats des Européennes de 2009, qui demeurent le premier scrutin national où était présente cette force politique.

Par rapport à 2009, l’électorat de Jean-Luc Mélenchon s’est ruralisé. Il y a trois ans, il s’appuyait davantage sur les fiefs récents du PCF. Le Diois, certes, mais également le canton de Portes-lès-Valence. Il était également assez présent dans les zones ouvrières du nord du département (Le Grand-Serre, Saint-Vallier). En 2012, il s’est complètement périphérisé, et ressemble à une réminiscence de la géographie électorale du communisme drômois d’avant 1981. Jean-Luc Mélenchon atteint son maximum (22,9 %) à Die. Il dépasse les 19 % dans toute la vallée de la Drôme et à Bourdeaux et La Chapelle-en-Vercors. Lors des législatives de novembre 1946, le PCF dépassait les 30 % des inscrits à Bourdeaux, Châtillon-en-Diois, et Die. Il oscillait entre 25 et 30 % Luc-en-Diois et Saillans, et se situait dans la fourchette des 20-25 % à La Chapelle-en-Vercors et La Motte-Chalancon. En 1958, Bourdeaux et Châtillon résistent, en 1981 toute la vallée de la Drôme affiche des scores supérieurs à la moyenne nationale.

En mordant sur les Baronnies, où le PCF était également très fort en 1946, Jean-Luc Mélenchon réactive en partie le communisme drômois de l’après-guerre, dans des territoires passés depuis au PS, voire-même à droite. Il ne pouvait pas le faire sans affaiblir le PS.

Alors, la faute à Mélenchon la deuxième place de Hollande dans la Drôme ? Oui en grande partie, mais n’oublions pas la tendance de fond encore favorable à la droite, dans un département où le total droite – extrême-droite dépasse de deux points son niveau national. Depuis au moins deux présidentielles, la gauche semble de plus en plus cantonnée dans un arrière-pays rural, comme une amorce encore hypothétique de « varisation », ou tout au moins de « gardisation ».

Emmanuel SAINT-BONNET


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