Ils ont saisi les candidats à la présidentielle pour leur demander d’étudier un nouveau tracé. Explications.
Destiné aux trains de marchandises, le Contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL) devrait aboutir à la création de 70 km de voies, pour relier la ligne Lyon / Ambérieu-en-Bugey à celle de la vallée du Rhône afin de libérer le noeud ferroviaire lyonnais et d’augmenter le report des camions sur le rail.
Toujours en phase d’étude, le projet a été départagé en deux chantiers, le Nord et le Sud de Lyon. Une décision définitive quant à son tracé devrait intervenir à l’été 2012. Mais lors de sa dernière conférence de presse, avant la « période de réserve » de la campagne présidentielle, le préfet de la Région Rhône-Alpes, Jean François Carenco, a annoncé : « le « tracé est arrêté » ». Sauf pour l’arrivée sur la commune de Sibelin : « Elle se fera soit par le Nord, soit par le Sud ».
Au Nord, la nouvelle ligne de fret sera raccorder à la ligne Ambérieu-en-Bugey/Bourg-en-Bresse.
Au Sud, elle empruntera la ligne de la rive gauche et, surtout, de la rive droite du Rhône grâce à un nouveau pont sur le Rhône.
Mais depuis le début du projet, les riverains des différentes communes se sont, en masse, opposés au projet. Organisés en plusieurs associations, les élus se sont eux aussi ralliés à la cause anti-CFAL, notamment au sein de l’association PARFER et A3CFAL
Leur but n’est pas de stopper le projet mais d’inciter Réseau Ferré de France (RFF) et la préfecture de la région Rhône-Alpes (en charge du dossier) à changer les tracés de la nouvelle ligne de fret.
Manifs et actions en tout genre se sont multipliées.
En cette période électorale, les élus de l’association PARFER ont envoyé un courrier à chaque candidat à la présidentielle, leur demandant de « s’engager pour une nouvelle étude du dossier CFAL » :
Car, disent les élus du PARFER, si le « nouveau gouvernement ne demande par la réouverture de ce dossier, les conséquences seront directes, immédiates et irrémédiables pour les populations concernées, dans leur vie quotidienne et pour l’environnement ».
Pour la partie Sud du CFAL, ils proposent un nouveau tracé, à l’Est de la vallée du Rhône, dans une zone faiblement peuplée. Voir sur la carte le tracé vert proposé par les opposants et le tracé rouge retenu jusque là par l’Etat.
1/ « Des trains à cinq mètres des habitations »
Michelle Théau riveraine de Saint Romain en Gal (Vallée du Rhône) et présidente de l’association SR69 résume leur principal combat, à savoir éloigner la future ligne le plus possible des habitations alors que la ligne prévue passera à 5 mètres des habitations :
« Alléger la circulation de l’A7 tout en se servant des voies ferrées est une bonne solution. Mais nous ne voulons pas que cela se produise chez nous. La voie envisagée date de 1879 et se situe à 5 mètres de plusieurs habitations. Comment voulez-vous faire passer une centaine de trains par jour par une ligne pareille? »
Interrogé à plusieurs reprises, le préfet du Rhône, Jean-François Carenco, se dit décidé à utiliser, pour une grande partie du tracé, l’actuelle voie de chemin de fer de la rive droite du Rhône :
« Nous n’allons pas construire une nouvelle voie parce que des riverains ont des intérêts privés. Je représente l’État. Ça me paraît logique d’utiliser une voie existante, elle est faite pour que les trains roulent dessus ! » Avait-il déclaré au journal Le Progrès en août dernier.
Lors de sa dernière prise de parole publique, Jean-François Carenco qualifiait de « péché contre l’esprit » la création d’une nouvelle ligne de fret qui éviterait davantage les habitations, comme le souhaitent les opposants au CFAL :
« Nous n’allons pas créer une troisième voie Nord/Sud dans la vallée du Rhône alors qu’il y a en deux (le fleuve et la voie ferrée) qui ne sont pas saturées ».
2/ De coûteux aménagements… jugés insuffisants
Pour les élus de PARFER, le chiffrage du CFAL actuel ne prend en compte que le coût de la création des 70 km de voies nouvelles pour un montant de 1,4 milliard d’euros. Mais les aménagements nécessaires pour les voies existantes sont à ajouter. Selon eux, on atteindrait environ 2 milliards d’euros. Jean-Jacques Brun, maire de Ternay (Sud-Est du département du Rhône) et président de PARFER, détaille :
« Si on prend en compte la sécurisation des passage à niveau, le renforcement des protection phoniques et la remise au norme de la gare de fret de Sibelin, on atteint 2 milliards d’euros. A cela, il faut ajouter la création d’un nouveau pont sur le Rhône. Au final, le tracé que nous proposons (jumelage LGV Valloire) coûte quasiment la même chose : 2,8 milliards d’euros ».
Une centaine de trains de 750m de long en moyenne emprunterait la ligne de fret. Le Réseau Ferré de France s’engage à installer des murs antibruit et des fenêtres doubles – vitrages chez les habitants dont leur logement a été construit avant 1979 (lien). Mais le double-vitrage ne suffirait pas, selon Michelle Théau.
« Ma maison est entièrement reformée et malgré le double-vitrage, nous n’arrivons pas à entendre la télé quand les trains de marchandises passent ».
3/ La peur de l’accident
Une riveraine, Monique Lépine, habite « à deux mètres » du viaduc de Serrières, en Ardèche. Bien qu’elle assume le passage des trains, elle a peur des effets négatifs du CFAL :
« Le viaduc date de 1875. Il a été renforcé il y a une douzaine d’années alors qu’une moyenne de dix trains passaient par jour. Qu’est ce qui va se passer quand ils passeront toutes les 4 minutes ? »
Dans la section Sud, les riverains ont adressé des courriers au Ministre des transports « pour rappeler » les accidents ferroviaires survenus à la vallée du Rhône et les départements adjacents. En 1990, 22 wagons d’hydrocarbures déraillent à Chavanay (Loire) en plein centre ville et ravagent quelques habitations. À Voulte-sur-Rhône, en 1993, 7 wagons contenant 80m3 d’essence déraillent et provoquent un violent incendie. Pas de victimes dans aucun des deux accidents.
« Mais nous nous méfions, pointe Michelle Théau. Nous avons aussi peur pour les enfants. Les trains passent très près de la cours de recréation de l’école Verin à Saint Michel-sur-Rhône (qui compte entre 150 et 180 enfants ndlr). »
4/ La « destruction » du Côte-Rôtie
Toujours dans la vallée du Rhône, la nouvelle ligne de fret traverserait les vignobles de Côte-Rôtie. Marcel Guigal, propriétaire d’une partie des vignobles du même nom, se rappelle avec amertume de la visite de Dominique Bussereau lorsqu’il était Secrétaire d’Etat aux transports :
« Il s’était montré ébranlé par la proximité de la voie ferrée. Mais rien n’a bougé depuis, alors que mon appellation et celle des autres viticulteurs sont en jeu si jamais un accident survient. »
Les élus du PARFER pointent surtout, pour la partie Sud du tracé, des « risques environnementaux majeurs » liés à la création de la nouvelle voie dans une zone qui fournit 70% des réserves d’eau de l’agglomération lyonnaise. Paul Serres, maire de Mions et vice-présisent de l’association, parle d’un « AZF en puissance » :
« En cas d’accident, les trains pourraient répandrent leurs produits toxiques transportés dans la nappe phréatique. Sans compter les nombreux pipelines qui traversent cette même zone et qui acheminent gaz, pétrole, éthylène et CVM (matière première du PVC, ndlr) ».
5/ Au Nord, contestation de l’enquête publique
Réseau ferré de France a établi en 2002 quatre fuseaux (A,B,C et D), c’est-à-dire quatre tranches de terre d’un kilomètre de largeur, pour prédéfinir le passage de la nouvelle ligne de fret dans la partie Nord. Le Conseil régional a opté en 2005 pour le fuseau A. Une enquête d’utilité publique a alors été lancée. Et des milliers de riverains ont donc fait part de leur crainte et de leur opposition au projet.
Mais le 19 septembre dernier, la commission d’enquête a rendu un avis favorable au choix du fuseau A, sous cinq réserves. Cinq réserves qui n’ont pas pris en compte les 2700 contributions des habitants de Dagneux ainsi que ceux de Nivrioz, accusent les élus :
« Une enquête publique Loi sur l’eau aurait dû être faite et nous l’attendons toujours, explique Patrick Battista, maire de Nivrioz. L’avis de la commission d’enquête publique ne prend pas en compte la situation de Nivrioz, placé en zone inondable. Si le CFAL traverse la commune, nous craignons un débordement du Rhône. »
Interrogé sur ce point, le préfet Jean-François Carenco, a précisé que l’enquête « viendrait après ».
6/ Le flou autour des protections
Tracés quasi-arrêtés, études toujours en cours… Même si le CFAL prend du temps à se mettre en place mais il y a de fortes chances pour les opposants qu’il voit le jour en 2020. Pour les élus des communes concernés, l’heure est donc à compter les sous pour le financement de protections anti-bruit.
Josiane Exposito, maire d’Ambérieu-en-Bugey, se bat depuis des années pour que l’Etat prenne en charge la totalité des coûts engendrés par le passage de la ligne de fret :
« Ils nous ont déjà communiqué qu’une partie des protections acoustiques seraient prise en charge par la commune. Nous ne voulons pas dépenser un centime ! »
Mais un responsable de la communication de Réseau ferré de France se veut rassurant :
« Les protections acoustiques et tout type d’aménagement seront financés par le projet du CFAL. Les communes n’ont rien à craindre ».
Un petit flou règne encore dans ce dossier ferroviaire que les élus essayent, au mieux, d’exploiter en cette période électorale pour tenter, une dernière fois, de faire changer le tracé.
Mais, visiblement, ils ont le plus grand mal à se faire entendre. Jean-Jacques Brun, maire de Ternay, raconte que les élus sont victimes d’un « déni de démocratie » :
« A part au début du dossier, nous ne sommes plus reçus par les ministres en charges du dossier. Et le préfet se montre autiste à nos remarques. Nous demandons au moins à être reçus, et pas par des techniciens, pour nous expliquer ».
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