Tribune /
Pour la localisation vous êtes désormais incollable, inutile de remercier votre ancien professeur d’histoire-géo puisque cette aptitude très soudaine est apparue le 12 mars 2011, date tristement célèbre où un incident nucléaire d’une rare gravité a plongé le Japon ainsi que le reste du monde dans une indicible tourmente. Petite rétrospective : le 11 mars 2011 un tremblement de terre d’une magnitude 9,0 frappe la région du Tohoku dans le nord du Japon. Un tsunami s’est formé et a parcouru une distance de 10 km à l’intérieur des terres, ravageant près de 600 km de côtes et détruisant partiellement ou totalement de nombreuses villes et zones portuaires. La centrale nucléaire de Fukushima s’est trouvée sur sa course et a été endommagée au point de perdre le contrôle de ses réacteurs. C’est essentiellement cet événement que le monde entier a suivi heure par heure. Le Japon a évité le pire mais les dommages collatéraux restent importants.
Cette crise nucléaire a engendré et engendre encore beaucoup d’interrogations aujourd’hui. Quels sont les effets sur la santé, l’impact réel sur l’environnement et les produits alimentaires ? Dans cette situation de crise, la population japonaise a longtemps attendu son gouvernement pour connaître les faits et savoir réagir. Ils auront eu pour toute réponse un silence pesant, du moins dans les premiers mois de la crise. Loin de se désarmer, nos amis nippons sont passés à l’action pour montrer leur mécontentement en -chose rare au Japon- manifestant bruyamment dans la rue.
Ont-ils été entendus ? Difficile à dire. D’un côté le gouvernement a progressivement arrêté l’ensemble des réacteurs du pays, de l’autre nous avons assisté impuissants à plusieurs scandales sanitaires de produits contaminés mis en vente sur le marché. Un an après les agriculteurs de Fukushima attendent toujours d’être totalement indemnisés.
De fantastiques élans de générosités ont été observés de part et d’autre de l’archipel nippon. Plusieurs associations se sont organisées pour venir en aide aux sinistrés au moyen de donations d’argent et de biens de consommation courante. Il n’est pas rare à Tokyo de voir de petits marchés vendant exclusivement des légumes de la région de Fukushima. Depuis le mois de février, une importante campagne de mise en valeur de la région autour de Fukushima prend place dans les gares et aéroports. Risque nucléaire ou pas, il faut vivre avec Fukushima et il faut faire vivre Fukushima.
Tokyo en mars 2010 // Crédit photo : Mickaël Draï
Et Tokyo dans tout ça ? Pas de casse ? Côté matériel la pointe de guingois de la célèbre Tokyo Tower montre la violence de la secousse et, bien que les gratte-ciel de la capitale se sont mis à danser la samba pour rester debout, les intérieurs de certaines habitations se sont retrouvés sens dessus dessous. Les dégâts psychologiques sont également importants. Dans un restaurant ou un lieu public, la moindre secousse n’aurait jamais interrompu le cours de la vie avant le 11 Mars, désormais le flegme Japonais n’est plus et on peut lire la crainte d’un big one sur leur visage, le temps de quelques secondes.
La question toujours en vogue à Tokyo est de savoir où l’on se trouvait pendant LA secousse. Et c’est sans grande difficulté que ce petit moment d’intimité est partagé même si personne ne souhaite trop se remémorer ce moment d’intense émotion. Le 11 mars 2011 peu après 14 heures, je suis en réunion au quatrième étage d’un immeuble, le sol s’agite lentement. « Encore une secousse, c’est la quatrième cette semaine… », sauf que celle-ci dure 3 longues minutes et s’intensifie très rapidement. Une situation inhabituelle qui me pousse à quitter la salle pour voir la réaction de mes collègues japonais. Quand les plantes se sont mises à vaciller et tomber, leurs réactions ont divergé. Certains ont préféré se mettre à l’abri sous leurs bureaux, d’autres sont sortis du bâtiment. Ce dernier réflexe est pour le moins surprenant car les quelques heures de formation sur les comportements à adopter en cas de secousses nous enseignent de ne surtout pas sortir à l’extérieur à cause des chutes de débris en tout genre y compris de morceaux de verres brisés. Mais voilà, s’échapper du bâtiment relève plus de l’instinct de survie.
C’est dans une certaine appréhension que se vivra le 11 mars 2012 avec une pensée pour toutes les personnes qui ont été touchées de près ou de loin par le séisme et ses conséquences.
Auteur : Guillaume Vaucher
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