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Le pass contraception, la solution contre l’augmentation des IVG ?

Toujours pas d’égalité dans l’accès à la contraception. C’est le constat du médiatique gynécologue-obstétricien Israël Nisand, qui publiait le 16 février dernier un rapport sur la sexualité des jeunes français. Alors que les financements nationaux alloués à l’information et à la prévention subissent des coupes sèches, la région Rhône-Alpes dresse le premier bilan de son « pass contraception-prévention » lancé en novembre dernier.

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Le rapport d’Israël Nisand, gynécologue-obstétricien, pointe l’augmentation de 10% du nombre d’interruption volontaires (IVG) de grossesse des mineures de 15 à 17 ans, sur ces cinq dernières années. Avant ce constat, plusieurs régions avaient déjà fait de la lutte contre les IVG un cheval de bataille avec des « pass contraception » destinés aux adolescents : l’Alsace, Poitou-Charentes ou l’ Ile-de-France.  Alors qu’en Rhône -Alpes, le nombre d’IVG est relativement stable depuis 2009 (autour de 184 000 par an selon le planning familial de Villeurbanne), la région a aussi décidé de lancer son « pass contraception-prévention » le 28 novembre dernier.

Le principe ? Sur la Carte M’ra (carte de réductions donnée aux jeunes par la région), lycéens, apprentis et jeunes en missions locales peuvent utiliser les coupons de leur pass pour bénéficier de consultations et de moyens de contraception gratuits. Plus besoin donc de Carte Vitale pour consulter ou se faire prescrire un contraceptif.

A ce jour, 854 demandes de pass ont été enregistrées dans la région, dont 282 dans le département du Rhône.

 

Premier bilan : ça démarre plutôt bien… mais seulement avec les jeunes urbains

A l’inverse d’autres initiatives (comme la tentative de Ségolène Royal en Poitou-Charentes) qui visaient seulement les filles, le dispositif rhonalpin cible également leurs camarades masculins.  Trois mois après le lancement, Sarah Boukaala, conseillère régionale à l’origine du pass, dresse un premier bilan positif :

« Une centaine de commandes a été déjà faite par de jeunes garçons, ce qui nous conforte dans l’idée qu’aujourd’hui, ils sont de plus en plus dans l’attente d’informations pour avoir une sexualité plus responsable.»

Les jeunes rhonalpins seraient donc plus « responsables » que la moyenne nationale des étudiants : selon la dernière enquête de la Lmde (mutuelle et sécurité sociale étudiante), un garçon sur quatre ignore aujourd’hui le moyen de contraception de sa partenaire.

Sarah Boukaala se félicite aussi des demandes faites en Savoie et en Haute Savoie, « des zones d’habitude peu touchées par l’information et la prévention ». Le dispositif semble accessible à ceux qui souhaitent l’anonymat : environ une quarantaine de lycéens ont demandé à ce qu’on envoie leur pass dans un autre département que le domicile familial.
Françoise Laurent, directrice régionale du Mouvement français pour le planning familial, se montre plus réservée :

« Pour le moment, ceux qui sont le plus au courant, ce sont les jeunes urbains, alors que ce n’est pas pour eux qu’a été conçu le pass… Qui est d’ailleurs un complément à ce qui existe déjà ».

Le planning, habilité à délivrer une contraception gratuite aux mineures depuis 1972, fait partie des partenaires du projet : il a mis à disposition sa ligne téléphonique pour répondre aux professionnels de la santé et aux jeunes ayant des questions sur le pass. Car le problème d’information ne concerne pas seulement les adolescents : « Il y a encore beaucoup de médecins qui ne sont pas au courant », rappelle Françose Laurent. Dans l’ensemble de la région, il sont 350 à s’être déjà inscrits sur le dispositif.

 

Inégalités dans l’accès à la contraception , la faute à qui ?

Pour Pascale Crozon, députée socialiste du Rhône, c’est une évidence :

« Bien sûr qu’il y a des différences dans l’accès anonyme à la contraception : à la campagne, les jeunes filles doivent en général se tourner vers le médecin de famille. Le problème des adolescentes, c’est que pour avoir un accès gratuit et anonyme, elles doivent payer le médecin elles-mêmes ou bien s’adresser à la Sécurité sociale de leurs parents ».

Le 22 décembre dernier, la députée avait déposé une proposition de loi pour un dispositif de contraception anonyme et gratuit. Une proposition identique à celle de la députée UMP Bérengère Poletti. « Parce qu’on savait que la sienne n’allait pas passer au sein de son groupe» précise Pacale Crozon. Les deux propositions n’ont toujours pas été débattues. Un faux débat pour Françoise Laurent, qui préfère parler du travail de fond déjà mené par le Planning :

« Ceux qui veulent la pilule gratuite et anonyme pour les mineurs ne veulent pas voir que c’est fait par les centres depuis 1976 – c’est une manipulation électorale ».

En effet, les mineures bien informées peuvent peuvent déjà se procurer une contraception gratuite et anonyme dans les quelques 220 centres de planification du territoire. Un problème subsiste : nombre de mineures ne connaissent même pas l’existence de ces centres. Depuis 1972, la plupart des centres de planification ne sont pas gérés par le planning familial mais par des communes.

« Ça donne des politiques d’information très différentes, avec une approche souvent trop médicale », regrette Françoise Laurent.

Alors les moyens d’information les plus courants des adolescent-e-s restent le bouche-à-oreille entre copains et Internet.

 

L’éducation sexuelle, une responsabilité nationale toujours pas assumée

Et pourtant, une série de textes juridiques insiste sur la responsabilité nationale en matière d’information sur les questions relative à la vie – et donc à la sexualité. Depuis la loi Neuwirth de 1967, l’Etat est censé soutenir les associations qui font de la prévention et de l’information, comme le planning ou les centres médico-sociaux. Encore mieux : avec la loi du 4 juillet 2001 (relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception), les établissements scolaires ont l’obligation de faire de l’information et de la prévention, à hauteur de trois séances par an et par classe.

Une loi qui n’est pas appliquée par l’Education nationale, ni par les chefs d’établissements. Ces derniers se justifient par le manque de financements pour payer les associations, les problèmes d’emploi du temps pour organiser les séances, ou encore la suppression des postes d’ infirmières scolaires.

Un problème de volonté pour Françoise Laurent :

« Personne n’a envie de faire ce travail d’éducation et d’information en interne. Et il ne suffit pas de dire que la contraception est gratuite si les jeunes vont chez leur médecin. Il faut qu’ils le sachent et ne se fassent pas rembarrer ».

De son côté, Sarah Boukaala ne se mouille guère :

« Je ne souhaite pas pointer un acteur plutôt qu’un autre. Ce qu’on peut dire, c’est qu’on informera jamais assez. Nous, on insiste pour qu’un point soit fait dans les conseils d’administration des collèges et lycées. Pour savoir ce qui a été fait ou non en matière de prévention».

Consensus donc sur les carences d’information à tous les niveaux, mais rien n’est fait pour faire appliquer la loi de 2001 – dont aucun décret n’a par ailleurs été publié.

Le Pass contraception, un remède à l’indifférence nationale ? Françoise Laurent le considère comme un moyen parmi d’autres, en effet, pour contrer l’augmentation du nombre d’IVG.

« Il faut d’abord que la loi soit appliquée, mais aussi qu’il y ait une volonté des acteurs locaux de faire de l’information à la contraception. Et un acteur, ça peut être un club de foot, ça ne concerne pas seulement les politiques. Nous voulons aussi rendre les jeunes demandeurs».

 

Toujours moins de moyens pour les centres de planification

Aléa de l’agenda politique : quasi simultanément avec la publication du rapport du docteur Nisand, l’ACSE (l’Agence nationale de la Cohésion Sociale et de l’Egalité des chances, une association  « indépendante » financée par l’Etat) supprime les 500 000 euros de financement qu’elle consacre aux centres de planification. Soit 20 % en moins sur leur budget, qui était jugé déjà bien insuffisant par les associations (communiqué du Planning).

En 2009, le gouvernement avait pourtant signé un protocole avec le MFPF (Le Mouvement Français pour le Planning Familial) pour garantir sur trois ans les 2 600 000 euros de budgets alloués à ces organismes. Il devait en principe être reconduit cette année (pas question de changer le système en période électorale) – par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot. Tant pis pour les promesses.

Après une question d’actualité et une lettre à la ministre restée sans réponse, Pascale Crozon dénonce l’absence totale de volonté politique sur le sujet.

« Toucher à la contraception et à l’éducation sexuelle, c’est toujours difficile parce que ce gouvernement traditionaliste craint les réactions des parents».


#Féminisme

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