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Don du sang : pourquoi les gays en sont privés

C’est la collecte hivernale, mais tout le monde n’y participe pas. L’Établissement Français du Sang (EFS) a installé son stand à Lyon le 18 janvier dernier, place de la République. L’association Pourquoi Sang Priver était également présente, avec un objectif précis : alerter les Lyonnais sur l’interdiction pour les homosexuels de donner leur sang. À cette occasion, Hétéroclite revient sur le sujet en six points.

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1 – Depuis quand l’interdiction existe-t-elle ?

En France, cette interdiction date d’une circulaire parue le 20 juin 1983, relative à la prévention de la transmission du sida lors des transfusions sanguines. Celle-ci catégorise comme «populations à risques», entre autres, les personnes homosexuelles ou bisexuelles ayant des partenaires multiples.

Depuis, malgré de nombreuses révisions de ces réglementations, l’interdiction pour les gays et les bisexuels de donner leur sang n’a pas été levée.

 

2 – Pourquoi ?

Dans un entretien accordé à Libération le 14 janvier 2009, Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, déclarait que 12 à 18% des homosexuels masculins seraient contaminés par le VIH, contre 0, 2% des hétérosexuels. Ces chiffres englobent toutes les générations, sans prendre en compte les pratiques ou le nombre de partenaires.

La ministre avait déclaré en 2007 vouloir ouvrir le don du sang aux homosexuels, mais s’est rétracté deux ans plus tard en déclarant : «il existe un risque, et ce risque est trop élevé». Nora Berra, secrétaire d’État à la Santé, a déclaré le 29 mars 2011 que «l’homosexualité est un facteur de risque pour le VIH, donc une contre-indication de don».

3 – Est-ce justifié ?

Le questionnaire que doivent remplir les donneurs repose sur la confiance, aucune vérification n’est possible. Le donneur peut très bien mentir sur ses pratiques.

Beaucoup de militants LGBT souhaiteraient que ce questionnaire se fonde sur leurs pratiques sexuelles plutôt que sur leur orientation. L’année dernière, l’association Act Up-Paris dénonçait le parti pris :

C’est une vision « selon laquelle il y aurait des groupes à risques ; or il n’y a que des pratiques à risques ».

De plus, les échantillons de sang sont systématiquement testés. Les résultats ne sont toutefois pas forcément fiables : si une personne vient d’être contaminée, le délai est de 7 à 11 jours avant que le VIH ne soit détectable.

Par ailleurs, les tests du VIH ne sont jamais fiables à 100%. En effet, les chances pour que le virus ne soit pas détecté sont de une pour 3, 48 millions. Tout dépend donc de là ou l’on place la priorité : sauver la vie d’un accidenté de la route où avoir une chance sur trois millions de lui transmettre le VIH.

4 – Uniquement les gays ?

Le questionnaire distribué au donneur exclut également d’autres catégories comme les porteurs de percings et de tatouages, les personnes ayant déjà été perfusées ou encore les personnes ayant eu des relations sexuelles récentes avec des prostituées. Mais aussi les gens ayant voyagé récemment en Afrique, ou ayant consommé de la drogue.

S’ajoutent à cela d’autres critères plus ou moins originaux : sont ainsi exclues les personnes ayant habité en Grande-Bretagne entre 1989 et 1996 (en raison du risque de transmission de la maladie de la vache folle). Et cela, même si le donneur potentiel est végétarien.

 

5 – Partout pareil ?

Dans la plupart des États européens, l’interdiction de don du sang est totale pour les gays.

L’Espagne ou l’Italie ne prennent pas en compte l’orientation sexuelle ; homos et hétéros y sont presque logés à la même enseigne. «Presque», car la période d’abstinence requise pour faire un don après un changement de partenaire sexuel est allongée à six mois pour les homosexuels, contre quatre pour les hétérosexuels.

6 – Xavier Bertrand et François Hollande en faveur du don par les gays

Depuis le 7 novembre dernier, le ministère de la Santé britannique autorise les homosexuels masculins à donner leur sang, à condition d’être abstinents sexuellement depuis un an.

Une décision historique qui a reçu un accueil mitigé. Carl Brunell, responsable de la Gay Men’s Fighting Aids (GMFA), une des plus grandes associations britannique de prévention du SIDA chez les homosexuels, regrette que tous les gays ne puisse pas donner leur sang. Le militant Peter Tatchell trouve quant à lui le délai d’abstinence de douze mois « excessif et injustifié ».

En France, et malgré les alertes fréquentes de l’Établissement Français du Sang sur les risques de pénurie, la situation n’évolue pas. Parmi les politiques, Xavier Bertrand s’est déclaré personnellement favorable à l’ouverture du sang aux homosexuels, sans pourtant œuvrer dans cette direction depuis qu’il est à la tête du ministère de la Santé. Quant à François Hollande, le candidat du Parti Socialiste pour les élections présidentielles, il a inclut l’autorisation pour les gays de donner leur sang dans son programme.

Texte : Aurélien Lamy

 

A retrouver sur heteroclite.org.


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