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2012 : Sonia, tentée par Marine Le Pen pour son premier vote

« Parcours d’électeurs » est une série à suivre sur Rue89Lyon, qui devrait nous mener jusqu’aux prochaines élections. Le principe : des portraits d’individus réalisés à travers le prisme de leurs votes passés et de leurs intentions pour 2012. Sonia, 19 ans, navigue dans un flou obscur où seule se distingue pour le moment Marine Le Pen.

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Sonia* va glisser dans l’urne son tout premier bulletin de vote, à 19 ans. « Et pas pour rien, en plus, pour des élections présidentielles ». Etudiante en 2ème année de BTS « assistante de gestion PME-PMI », elle a eu le sentiment, quand elle a reçu sa carte d’électeur sans avoir besoin de faire de démarche, d’être « plus adulte ».

« Mon opinion va compter, ça fait quelque chose ».

Pour l’heure, elle est loin d’avoir identifié tous les candidats. Elle imagine sans mal que Nicolas Sarkozy se représentera, elle voit tout à fait qui est François Hollande et ce que représente le parti socialiste. En ce qui concerne Eva Joly, la candidate d’Europe-Ecologie-Les-Verts, Sonia vient tout juste d’en entendre parler. « Mais l’écologie, ces choses-là, c’est pas mon truc », dit-elle.

Celle qui semble briller dans le brouillard que constitue encore pour Sonia la question politique des élections, c’est Marine Le Pen.

« Elle est la plus dynamique. Ce qu’elle dit est clair. »

 

Marine, mais sans le FN…

En dehors des qualités de communicante et de « candidate-marketing » que Sonia attribue à la candidate d’extrême-droite, elle voit en elle la représentante d’un « véritable changement, le plus radical, ce dont le pays a besoin ».

« Ce qui m’intéresse, c’est l’avenir économique de la France. Et vue la situation catastrophique dans laquelle on se trouve, je pense que ce que Marine Le Pen propose est une solution ».

A savoir, « pas vraiment un repli sur nous-mêmes. Mais être plus attentifs à nos besoins, moins donner à l’Europe et davantage nous concentrer sur ce qu’il y a à faire chez nous ».

Elle estime toutefois que le Front National, si on pense à sa figure tutélaire, Jean-Marie Le Pen, père de l’actuelle candidate, ne ressemble pas tellement à un parti d’avenir.

« François Hollande a fait des propositions pour les jeunes et pour l’emploi, mais je doute qu’il puisse les mettre en place économiquement… C’est utopique. »

 

Les François toujours en lice

Utopique, le projet socialiste, mais en tout cas clairement jeté sur le papier selon elle : aussi Sonia hésite-t-elle et, si François Hollande parvient à lui parler, elle pourrait voter pour lui.

Dans tous les cas l’UMP n’aura pas son vote. « Ils sont déjà au pouvoir, ça suffit maintenant. » Sarkozy, elle n’a plus envie de le voir. La personnalité des candidats, c’est ce qui importe le plus pour Sonia, qui juge d’ailleurs François Hollande « très mou ». Et l’un des avantages qu’elle voit en Marine Le Pen, c’est le fait qu’elle soit une femme.

« Une femme au pouvoir, ce serait quand même bien… »

Pour cette jeune électrice, habitante de l’Ouest lyonnais, le discours de Marine Le Pen concernant son domaine professionnel, les petites et moyennes entreprises, est le bon. Elle n’est pas contre un peu d’« autarcie ».

Sonia compte aussi regarder du côté de François Bayrou. Le centre, c’est peut-être une bonne solution, un « mix » de tout ce qui peut lui plaire, pioché chez les uns et chez les autres. Petit bémol quand même :

« Bayrou ressemble quand même beaucoup à sa marionnette des Guignols, ça donne pas envie… »

 

Désenchantée… La contagion des profs dépressifs

Autour d’elle, des gens de son âge vont soit voter Marine Le Pen, soit déposer un bulletin blanc. Pour Sonia, l’avenir est sombre, quel que soit le candidat qui emportera les suffrages.

« Mes amis qui ont fait des études ne trouvent pas de boulot, les filières dans lesquelles je peux aller, communication ou commerce, sont bouchées. Franchement, je le vois mal. »

Dans son lycée privé lyonnais, la Favorite, sa prof d’économie a constitué jusque là sa principale source d’information. Et la dame en question, selon Sonia, est une « nationaliste ». Qui semble avoir de l’influence. Ainsi Sonia se méfie-t-elle de l’euro, elle qui n’a grosso modo connu que cette monnaie (elle avait sept ans quand le franc a été remplacé), puisque sa prof d’économie ne cesse de la fustiger.

« Le prof d’espagnol aussi nous parle des élections. Pour lui, c’est la dépression totale, tout est foutu. »

Sonia est pessimiste, certes, mais elle est du genre à avoir la tête sur les épaules. Son avenir, bien qu’on semble s’escrimer à le lui dessiner sombre et nuageux, elle le prépare. En cherchant notamment des issues de secours. La lycéenne envisage sérieusement, à la suite d’une licence professionnelle, de tenter la voie de la gendarmerie. « La sécurité, oui, c’est important ». C’est dit.

 

Marine Le Pen et son point noir au milieu de la figure

Sonia est issue d’une immigration algérienne, deuxième génération à vivre en France. Si elle ne voit pas forcément de problème à voter pour le Front National, elle estime quand même que le discours islamophobe systématiquement tenu par Marine Le Pen constitue un « point noir » dans sa candidature. Mais rien de rédhibitoire.

Il y a chez Sonia, dans sa façon d’évoquer l’éventualité de son vote FN un ton mi-provocateur, mi-interrogateur. La campagne démarre tout juste, lentement, et l’éveil de Sonia à cette élection aussi. Pour le moment, elle a regardé quelques éléments du programme du parti socialiste sur Internet. Elle a visionné quelques vidéos sur les uns et les autres. Elle a lu un article qui expliquait que Marine Le Pen « botte en touche dès qu’on lui parle d’économie ». Ce qui peut la faire douter quand même sur celle qui semble être sa pouline.

« Je parle de Marine parce que c’est celle qu’on voit le plus. Mais je ne sais pas encore, ce n’est pas définitif. Je n’ai pas vu les propositions de tous les candidats, je vais m’informer, je ne vais pas me contenter de ça. »

Sonia, en tâtonnant, n’en est pas à une contradiction près. Dans l’hypothèse d’un second tour opposant Sarkozy à Hollande, elle votera Hollande. Elle compte suivre chaque débat télévisé, fouiller sur le net, et discuter avec son entourage. Son beau-père a toujours voté « très à gauche », et elle compte bien l’écouter, même si, il n’y a pas de doute, « c’est un rouge », dit-elle dans un sourire. « Il a un discours sensé, c’est intéressant d’en parler avec lui. »

Reste donc quelques semaines encore aux candidats débatteurs et à son beau-père, entre autres voix, pour la convaincre.

 

*Prénom d’emprunt.

 


#François Bayrou

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