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Législatives : qui pour reprendre l’ancien fief de Raymond Barre ?

L’annonce du retrait de Dominique Perben de la vie politique, lundi 9 janvier, a considérablement ouvert le jeu dans la 4e circonscription du Rhône, autrefois spécialement taillée pour Raymond Barre.

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Tribune /

 


Crédit photo : Maxppp

 

Malgré les amicales pressions, qui lui enjoignaient de se présenter, pour les législatives, dans une circonscription plus « sûre », Najat Vallaud-Belkacem a tenu bon. Elle sera candidate dans son secteur, la 4e circonscription du Rhône, taillée autrefois sur mesure pour Raymond Barre, mais où se trouve « son » 3e arrondissement et « son » canton XIII (quartier de Montchat).

 

Les derniers évènements semblent lui donner raison. Le retrait du député (UMP) sortant Dominique Perben, annoncé lundi 9 janvier par le Progrès, éclaircit l’horizon de la 6e adjointe au maire de Lyon. Au lieu d’affronter une nouvelle fois ce vieux routier de la politique, qui l’avait battue en 2007 avec 56,6 % des exprimés, et une avance de 5507 voix, cette jeune socialiste de 34 ans, soutien en 2007 de Ségolène Royal, aujourd’hui membre de l’équipe de campagne de François Hollande, pourrait cette fois trouver sur sa route un(e) outsider.

 

Pierre Berat dégaine le premier

 

Le premier à avoir dégainé s’appelle Pierre Berat. Il a annoncé le jour même, sur son blog et sur Twitter, son intention de se présenter. Conseiller régional (UMP), âgé de 42 ans, il partage la même implantation que NVB, ayant été adjoint au maire du 3e arrondissement de 2001 à 2008, avant que cette mairie ne bascule à gauche.

 

Les instances de l’UMP auront le dernier mot, et l’offre électorale est loin d’être totalement définie dans cette circonscription, réputée la plus à droite de la capitale des Gaules. Mais il n’est pas trop tôt pour définir son profil électoral.

 

 

Résultats des élections législatives, en totaux des forces (% des suffrages exprimés) Source Le Monde

 

 

Le tableau ci-dessus indique les résultats du premier tour de toutes les législatives depuis la création de la circonscription. Si la droite accuse un net déclin, en 1997 et en 2007, la gauche demeure à peu près stable, autour de 30 % des suffrages exprimés. Le creux de 1993 correspond pour une bonne part au transfert d’une partie de ses suffrages vers les écologistes. Pour ce scrutin, ces derniers sont considérés comme ne faisant pas partie de la gauche, les deux principaux mouvements de l’époque, les Verts et GE, étant sur une ligne « ni droite ni gauche ». En 2007, le total des forces de gauche dépasse les 30 %, Najat Vallaud-Belkacem réunit son nom à peu près un quart des exprimés, comme Martine Roure en 1988 et le Vert Pierre Hémon, soutenu par le PS en 2002.

 

Quand Collomb siphonne les suffrages barristes

 

De son côté, le total des voix de droite voisinait les 70 % en 1988 et 1993, puis 65 % en 1997 et 2002, avant de chuter à 53,3 % en 2007. La faute principalement au MoDem. Nous avons isolé, en 2007, les 13,7 % obtenus par la conseillère régionale Anne-Sophie Condemine. Additionnés aux suffrages de Dominique Perben, et des candidats MPF et divers droite, ils placent la droite à peu près au même niveau qu’en 2002. Mais, au second tour, un grand nombre des électeurs MoDem se sont reportés sur la candidate socialiste. Cet électorat, qui contribuait à l’élection de Raymond Barre dès le premier tour en 1988 et 1993, semble de plus en plus attiré par le positionnement de centre-gauche de l’équipe de Gérard Collomb.

 

A moins d’une déferlante en faveur de Marine Le Pen à la présidentielle, confirmée lors des législatives, la probabilité d’une triangulaire avec le FN demeure très basse. Le niveau maximum du total des voix d’extrême-droite est enregistré en 1993, avec 17,1 %. Il n’a jamais atteint cet étiage depuis, ce qui contribue d’ailleurs à l’érosion générale de la droite. On est bien loin des 12,5 % des inscrits nécessaires à un maintien au second tour, dans cette circonscription où la participation plafonnait à 62 % en 2007.

 

Pronostiquer le résultat des législatives à partir de celui de la présidentielle peut d’ailleurs s’avérer risqué. En 2002, après les 16,1 % du total Le Pen -Mégret, les candidats d’extrême-droite ne réunissent plus que 11 %. En 2007, Le Pen tombe à 6 %, et Claude Gracien à 3,7 %. En 2002, la gauche non communiste éparpille ses 37,5 %, aux législatives ses candidats en rassemblent 29,2 %. Mais en 2007, elle obtient respectivement 30,1 et 31,3 %. Si NVB attire 11 437 suffrages là où Ségolène Royal en obtenait 15 121, en pourcentage des exprimés elle gagne 1,2 point. A droite, les candidats classiques réunissent 43,6 % à la présidentielle de 2002 mais 55,9 aux législatives. En 2007, ils font 41,8 et 49,6 %. Même s’il attire 3561 voix de moins que Nicolas Sarkozy quelques semaines auparavant, Dominique Perben fait 7,8 points de mieux.

 

Quelle force dominante en 2012 ?

 

Dans cette circonscription, si les scores des législatives ne constituent pas un décalque des présidentielles, les résultats de ces dernières y sont amplifiés. Phénomène classique en sciences politiques: à participation moindre, les forces politiques dominantes sont renforcées… D’où les gains de points de NVB et Dominique Perben sur Royal et Sarkozy, avec moins de suffrages…

 

Ce mécanisme semble en marche lorsque les législatives suivent les présidentielles (2002, 2007) et pénalise les forces contestataires (extrêmes droite et gauche) et contestataires « intégrées » (écologistes et centristes du MoDem).

 

L’enjeu, pour Najat Vallaud-Belkacem et son challenger, sera de figurer comme la force dominante, dans cette circonscription « légitimiste », dans le sens où elle favorise le mouvement le mieux implanté.

 

Et sur ce plan-là, si l’Histoire est du côté de la droite, la dynamique se porte de plus en plus vers la gauche.

 

La 4e circonscription du Rhône abrite le 6e arrondissement (cantons VI et VII), les parties du 3e situées dans les XIe et XIIIe cantons, et un morceau du 8e, composé de la majeure partie du canton XIV.

 

En 2007, la droite dominait la géographie électorale de la circonscription, avec le 6e arrondissement et ses deux cantons, ainsi que le XIIIe canton. Le PS ne détenait que le XIe canton, passé à gauche en 2004, et le XIVe canton depuis sa création en 2000. Les municipales et les cantonales de 2008 ont constitué une véritable bascule. Alors que Dominique Perben perdait assez sèchement, dès le premier tour, le 3e arrondissement, Najat Vallaud-Belkacem réussissait la reconquête du XIIIe canton, perdu par la gauche en 1998.

 

Le retrait de Dominique Perben améliore incontestablement sa visibilité, elle en fait la principale tête d’affiche de la circonscription. Le boulot n’est pas fait pour autant pour Najat Vallaud-Belkacem. Elle se doit de transformer l’essai de 2007, d’amplifier la vague de 2008. Un bon score de François Hollande à la présidentielle l’aiderait sans doute, notamment à passer les barres des 25 et des 30 % évoquées plus haut. L’impact notabiliaire d’une élue qui détient quelques leviers au sein de la municipalité lyonnaise reste à mesurer… Quant à l’UMP, elle a tout intérêt à se mettre d’accord sur une candidature qui ne l’enfermerait pas dans le réduit de droite du 6e arrondissement. A cet égard, le profil de Pierre Berat est intéressant.

 

La bataille devant déterminer qui tiendra la barre dans l’ancien fief de Barre s’annonce passionnante.

 

 


#Dominique Perben

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