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Expulsion de Roms : le préfet du Rhône dans l’illégalité ?

A Lyon, le tribunal administratif a annulé deux tiers des décisions d’expulsion concernant des Roms. C’est le bilan que tire la Cimade de son action de défense des droits de ces citoyens européens. Un « combat juridique » engagé depuis août 2010 et le trop fameux discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy. Après le Comité européen des droits sociaux, qui a récemment rappelé à l’ordre la France, la Cimade considère que les Roms sont victimes de discrimination en étant expulsés collectivement de France.

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Tout commence (comme souvent) par un discours de Nicolas Sarkozy, en juillet 2010, prononcé à Grenoble. Le Président de la République annonçait le démantèlement des campements roms. S’en suivait une circulaire nommant directement cette population comme prioritaire dans les expulsions.

La commissaire européenne chargée de la Justice et des droits fondamentaux, Viviane Reding, avait vivement réagi. Principalement parce que, depuis 1950, la Convention Européenne des Droits de l’Homme interdit de renvoyer des personnes dans leur pays seulement parce qu’elles appartiennent à un groupe ethnique. Ce qu’on nomme, en droit, des expulsions collectives.

Le gouvernement avait alors fait machine arrière en supprimant la référence explicite aux Roms dans la circulaire. Et l’Union européenne n’était pas allée plus loin dans les récriminations.

C’est devant une autre instance européenne, le Comité européen des droits sociaux qu’une plainte a été reçue, à la fin de l’été 2010. Un an après, le 10 novembre 2011, cette entité du Conseil de l’Europe a conclu que les Roms évacués manu militari de leurs terrains ou de leurs squats puis reconduits en Roumanie ou en Bulgarie avaient subi la mise en oeuvre d’ »un dispositif discriminatoire », à savoir des expulsions collectives.

 

Les expulsions collectives confirmées par la Cimade de Lyon

Depuis août 2010, la Cimade accompagne ces Roms dans la défense de leurs droits de citoyens roumains, donc européens. L’association aboutit aux mêmes conclusions que le Comité européen des droits sociaux et va même plus loin : les expulsions collectives se poursuivent toujours.
C’est le bilan d’un travail mené en partenariat avec un groupe d’avocats qui a conduit à l’annulation de 40 des 64 obligations à quitter le territoire français (OQTF) prises à l’encontre de Roms et qui avaient fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif.

Premier constat, les avocats de la Cimade estiment qu’il n’y a pas d’examens individualisés des situations des personnes, même si depuis janvier 2011, la police remplit une fiche de renseignement. L’avocate Myriame Matari explique :

« Normalement, un étranger qui est contrôlé et qui se trouve en situation irrégulière sur le territoire, est auditionné à la police ou en préfecture. Pour ces personnes-là, l’audition est remplacée par une descente de policiers. Tôt le matin, ils entrent au domicile des personnes, accompagnés d’un seul interprète. Ils regroupent toutes les personnes présentes sur les lieux. Ils ne passent que quelques minutes par adulte. Ils récupèrent les documents qu’on leur tend et cochent les cases d’une fiche de renseignement : situation matrimoniale, date d’entrée,… Et avant que la personne ne signe, il n’y a pas de traduction des écritures de la police ».

Ce qui rend les OQTF « stéréotypées », poursuit l’avocate Myriame Matari :

« Il y a une grande différence entre ces OQTF et celles que reçoivent les étrangers d’un pays extra-européens. Normalement, la préfecture rédige toujours un paragraphe sur la vie de la personne. Pour, ces personnes on estime qu’ils ont tous la même situation ».

 

Deux tiers des décisions d’expulsion de Roms annulées

Malgré la répétition de ces décisions « stéréotypées » concernant des personnes vivant sur un même terrain ou dans un même squat, le juge administratif, à Lyon comme ailleurs en France, n’a jamais reconnu qu’il s’agissait d’expulsion collective. L’avocate Céline Amar le déplore :

« A Lyon, on a soulevé ce point dans tous les recours. Mais le juge ne veut voir qu’une décision individuelle portant sur un dossier individuel. Malheureusement, il n’y a pas encore d’action de groupes, de class action ».

Pour obtenir malgré tout l’annulation des OQTF, les avocats soulèvent toutes les incohérences trouvées dans la description de la situation des personnes (sur la situation matrimoniale, le nombre d’enfant, la scolarisation, les ressources). Et la Cimade finit par avoir gain de cause dans deux tiers des dossiers.

Cécile Amar en tire cette conclusion :

« Le taux d’annulation est important. Ce qui veut dire que le préfet prend des décisions illégales ».

L’objectif de la Cimade est d’arriver jusqu’à Cour Européenne des Droits de l’Homme pour faire reconnaître juridiquement qu’il s’agit d’expulsions collectives. Ce sera très long.

 

« Un préfet qui ne respecterait pas la loi, ne serait pas digne d’être un préfet »

Interrogé par Le Progrès, le préfet Jean-François Carenco a d’abord contesté les chiffres :

« Il s’agit d’allégations mensongères. Depuis le 1er janvier, 80 % des OQTF (sur 163 recours déposés par des étrangers du centre de rétention de Lyon, ndlr) qui ont fait l’objet d’un recours ont été acceptées ».

Le préfet parle de l’ensemble des étrangers, européens comme non-européens alors que la Cimade n’évoque que les recours concernant des Roumains. Manifestement énervé, Jean-François Carenco a tenu à préciser :

« Je suis en contact constant avec le président du Tribunal administratif. Un préfet qui ne respecterait pas la loi, ne serait pas digne d’être un préfet. (…) Nous logeons les Roumains : 650 places d’hébergement d’urgence seront ouvertes cet hiver dans le cadre du Plan froid, contre 420 l’an dernier ».

La Cimade persiste. L’association avait déjà envoyé le 5 décembre une lettre ouverte au préfet et aux principaux élus de l’agglomération après la polémique suscitée par l’occupation par des Roms d’un centre social de Vénissieux. Elle continue à défendre sa posture par l’intermédiaire de l’une de ses employées, Claire Zoccali :

« La Cimade tient à la disposition de Monsieur le Préfet l’ensemble des jugements du Tribunal prononçant l’illégalité de ces mesures. Plus généralement, la Cimade invite les responsables politiques, notamment le Préfet, à appréhender la question du logement de ces personnes dans le respect des engagements européens de la France, la liberté de circulation et de séjour des citoyens roumains, en les accompagnant dans la mise en œuvre effective de leurs droits ».

L’association ajoute même que des fonds européens existent pour l’insertion de ces populations et qu’ils ne sont que très peu utilisés.

 


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