Juno /
Depuis votre album Courchevel, vous semblez totalement assumer votre univers… Qu’est ce qui vous séduit dans cette esthétique seventies ?
J’ai toujours assumé, si ce n’est mon univers, les compositions et les textes de mes chansons. Aujourd’hui, il est vrai que je m’accepte un peu plus comme interprète. Mais ce n’est pas forcément le style musical de cette période qui m’inspire, c’est plutôt l’esthétique des sons. Le son des instruments des années 70, début 80 avec leurs sonorités assez mécaniques, organiques qui n’étaient pas parfaites et ça me plait. Et puis après, oui j’ai toujours eu une attirance pour les couleurs pastel caca d’oie. Il y a des photographes comme Ervin Olaf ou Martin Parr par exemple qui me parlent beaucoup et m’inspirent. Ça ressort après sur mes pochettes.
On vous a vu travailler avec Dominique A, Philippe Katerine, Jane Birkin… La filiation avec d’autres artistes devient-elle déterminante aujourd’hui pour s’imposer?
Le fait que tous ces gens dont j’aime le travail viennent poser une voix sur un de mes albums fait extrêmement plaisir. D’autant plus que ce sont des artistes qui m’ont nourri. C’est important, mais ce n’est pas essentiel. L’essentiel, c’est de faire naître des chansons, de trouver une cohérence au sein du disque. La création, l’écriture, c’est un travail de solitaire à la base. Lorsqu’on commence à enregistrer l’album, on a déjà peut-être travaillé seul pendant six mois. On a alors besoin d’être un minimum bien entouré, de fonctionner en équipe. J’aime ces deux étapes. Même si je suis certain de vouloir être bien accompagné, je préfère travailler seul.
Vos deux derniers albums ont reçu d’excellentes critiques. Est-ce que la presse aujourd’hui aide encore à vendre des disques ?
Je ne suis pas spécialiste de la question, mais je pense que la presse spécialisée est plus là pour fidéliser, aider et guider un lectorat spécialisé. Ce qu’on appelle en marketing « le public segmentant ». Mais je ne suis pas certain que cela aide à vendre des albums. Ce qui aide à en vendre, c’est plutôt l’effet boule-de-neige que peuvent engendrer les grosses radios et la télé.
Vous sentez-vous touché par la crise du disque ?
Oui, ça touche tout le monde. Mais il y a une crise du disque parce que le disque ne va plus exister et qu’on va écouter de la musique différemment.
Enchaîner les concerts peut être la solution ?
J’ai l’opportunité de jouer beaucoup avec cet album. On va faire entre 120 et 130 concerts. La scène, c’est comme le sport. Si on n’en fait plus pendant longtemps, on n’a plus envie d’y retourner. Mais quand on en fait beaucoup, ça devient comme une drogue. C’est aujourd’hui pour moi un plaisir et une vraie nécessité. Ça n’a donc rien à voir avec la crise du disque même si oui, elle existe et qu’on va devoir, ces prochaines années, produire la musique autrement. Je ne sais pas encore comment. Mais ce qui est évident, c’est que les albums ne vont plus se vendre. Dans l’inconscient collectif, la musique ne doit pas être payante, il faut l’admettre. Qu’on soit d’accord ou pas, c’est un fait. On va peut-être devoir, à un moment donné, taxer les fournisseurs d’accès parce qu’ils font de la pub sur le téléchargement et les gros débits.
Le problème, c’est la redistribution des recettes….
Mais techniquement, c’est faisable. Le problème, c’est peut-être l’industrie du disque. Les grosses majors n’ont pas encore fait le deuil d’un système. Elles ne sont pas dans une politique de pérennité de la musique. Elles se disent plutôt : « on rentabilise l’histoire encore un, deux ou trois ans ». Puis il y a des actionnaires qui aimeraient bien cleaner la boîte pour la revendre après. Ce sont des affaires de gros sous. Ils ne sont pas en train de défendre l’avenir de la musique, c’est certain.
Donc vous êtes plutôt contre la loi Hadopi (loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet) ?
Ce sont des lois qui ont déjà 10 ans de retard. Tout le monde le sait au fond, c’est absurde.
Florent Marchet et le Courchevel Orchestra. Le 18 novembre 2011. Au Polaris, Corbas.
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