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Une prison pour mineurs sans direction

Un « binôme efficace ».

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À la suite du changement de direction à la tête de l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Meyzieu, fin 2009, tout le monde a cru à une amélioration durable pour le lieu qui a essuyé de nombreux incidents. Mais depuis plusieurs semaines, la pression s’est intensifiée sur le nouveau duo directionnel, dont la mission était de parvenir enfin à faire travailler de concert surveillants et éducateurs, et à enrayer la mauvaise communication autour de l’EPM. L’outil serait dans le viseur de la Chancellerie, d’autant plus qu’elle a fait de la question des mineurs l’un des chantiers majeurs de cette fin de quinquennat.


Crédit photo : Sébastien Erôme / Signatures

L’établissement pénitentiaire pour mineurs de Meyzieu, « prison éducative » ou encore « école derrière les barreaux », première du genre à sortir de terre en France en 2007, ne s’est jamais défait d’une très mauvaise image depuis son ouverture et une succession de graves incidents. Le suicide de Julien, 16 ans, dans sa cellule en février 2008, signe la fin de l’ère Philippe Juillan, premier directeur de l’EPM de Meyzieu.

De l’avis de nombreux acteurs de la chaîne judiciaire, des avocats aux surveillants, quand Denise Drillien, directrice rattachée à l’administration pénitentiaire, arrive fin 2009 à la tête de l’EPM, elle apporte un nouveau souffle et beaucoup d’espoirs. Denis Couder, représentant de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et donc du pôle éducatif, suit début 2010 et ils forment alors un duo solide. Un « binôme efficace ». Au moins au début. Car les syndicats des surveillants vont continuer à alerter régulièrement la presse, et à dénoncer une escalade de la violence au sein de l’établissement. Plusieurs d’entre eux se trouvaient encore la semaine dernière au TGI de Lyon, pour le procès d’un jeune détenu de 18 ans qui a désormais quitté Meyzieu, et qui aurait mordu un surveillant et craché sur deux autres. « S’il y a relaxe, on va très mal le prendre », prévenait l’un d’eux, toujours en poste à Meyzieu. Le procès a été reporté. En avril dernier, nouvel incident, et nouvelle très mauvaise pub pour l’EPM : une éducatrice de la PJJ est prise en otage deux heures durant par un détenu muni d’une lame de rasoir.

 

Cocktail détonnant

Chaque EPM de France doit développer son propre projet, mais le concept générique et le cahier des charges originel sont inscrits dans le marbre : faire travailler ensemble éducateurs de la PJJ et surveillants de l’administration pénitentiaire, autour du mineur en sortie de route. Ce qui ne semble convenir ni aux uns ni aux autres. Par exemple, gérer les déplacements des détenus ne permet pas aux éducateurs de faire leur travail correctement, affirment certains d’entre eux. Qui souhaiteraient même sortir tout à fait des EPM, pour n’y venir que de façon ponctuelle, et travailler avec les mineurs sur leur « coeur de métier ». En face, des surveillants acquiescent, quelque peu embarrassés par ces éduc’ qui doivent apprendre la gestion pratique de la détention et n’adoptent pas les comportements « adéquats ». « Ce sont des gens qui redoutaient de travailler ensemble, il n’est pas surprenant que le cocktail soit détonnant », estime Catherine Farinelli, présidente de la chambre des mineurs, près la cour d’appel de Lyon.

 

« Pressions monstrueuses »

« Il n’est quand même pas acceptable qu’un mineur sorte de ce type d’établissement avec un casier plus long que lorsqu’il y est rentré », estime Jean-Claude Vaupré, salarié PJJ et représentant syndical CFDT, qui rejoint l’avis de Sylvain Royere, surveillant à l’EPM, représentant UFAP. Ces établissements, sur le papier, devaient être des centres fermés axés sur l’éducation, mais certainement pas celle de la criminalité.

« C’est faux de dire que les mineurs délinquants d’aujourd’hui seront les majeurs délinquants de demain : il n’y a aucun chiffre là-dessus », tempère Catherine Farinelli, qui veut défendre coûte que coûte un outil « indispensable » selon elle. « Il s’éloigne du pire, le quartier pour mineurs de Saint-Paul et Saint-Joseph (prison lyonnaise qui a été fermée en 2009, NDLR) », ajoute-t-elle. L’EPM de Meyzieu avait ouvert dans la précipitation, inauguré sous l’ère de Pascal Clément, alors garde des sceaux. Depuis, il continue d’essuyer les plâtres, et sa mécanique semble être l’une des moins bien huilée en France. Denis Couder, responsable du pôle PJJ, enchaîne les arrêts maladie. Son syndicat, la CGT, estime qu’ils sont liés au malaise généré par l’opacité autour du projet de Meyzieu. Un projet de restructuration serait dans les tuyaux au ministère de la Justice, mais à quelques mois d’une échéance électorale, la communication est encore plus brouillée qu’à l’habitude. Plus globalement, Catherine Farinelli remarque que « les pressions sont actuellement monstrueuses sur tout ce qui touche les mineurs délinquants ».

Comme Marie-Pierre Dominjon, avocate présidente de la commission droit des mineurs au barreau de Lyon, il est pour elle « or de question de dire que les mineurs sont le danger de la société ».


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