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Chapitre 11 – «La persécution et l’extermination des automobilistes»

Gare de Tournevent-sur-Blèze, 20 décembre 2016

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Dans la plaine de la Blèze, les vents violents qui descendent du Nord au début de l’hiver ne rencontrent guère d’obstacles pour les retenir. Il n’y fait pas bon rester statique, car le froid s’insinue sous les vêtements. Pourtant, sur le quai de l’ancienne gare, un homme attend avec une valise. A trois pas de là, un mastard impassible serré dans un uniforme noir retient les ardeurs d’un berger allemand qui observe avec convoitise les mollets du monsieur à la valise. Placées tous les dix mètres, rien n’échappe aux caméras de surveillance qui observent la scène. De retour du marché, Patrick Derien, agriculteur, l’aperçoit, stoppe sa camionnette, et s’approche de lui.

«— Faut pas rester là, monsieur, vous allez attraper la mort !

— J’attends le train de 13h28, il est en retard apparemment…

— Mais mon pauvre monsieur, vous n’avez pas lu les journaux ? Voilà trois semaines que c’est fini, les trains, à Tournevent ! C’est le Conseil régional qui avait arrêté de financer la ligne, l’an dernier. Ils l’ont vendue à un opérateur privé (1), la société Léonardo. Mais chez Léonardo, ils ne la trouvaient pas assez rentable.

— Ah bon ? Mais alors pourquoi alors y a-t-il encore un vigile sur le quai ?

— Ça c’est le responsable local du Bataillon Français qui nous l’a expliqué : il est là pour lutter contre la criminalité et pour noter les passages de gens au faciès pas français (2). Et à ce qu’il dit, c’est pas parce qu’il n’y a plus de train qu’il n’y a plus de crime.

— Ah… Mais alors pourquoi le vigile ne m’a-t-il pas dit qu’il n’y avait pas de train ?

— Il est pas payé pour parler.

— Ah bon… Mais je ne comprends pas. C’est bien la ligne Valmont – Demidieux, non ? Elle était assez fréquentée, non ? Pourquoi est-ce qu’ils la ferment ?

— Ben oui, je sais bien, mais il paraît que maintenant, c’est la route, l’avenir (3). La boîte privée va garder les terrains, elle va élargir et faire une autoroute payante. Je le sais parce que je suis en procédure d’expropriation sur mes vignes. J’avais pourtant investi, c’est des vignes en bio, sur une appellation coteaux-du-tournevent, mais ça ils s’en foutent. Quand je suis allé râler, ils m’ont répondu que je devrais m’estimer heureux que la Région finance le permis à zéro euro de mon gamin (4) parce qu’il est soi-disant “français de souche”.

— Mais à quoi ça va servir, une autoroute entre Valmont et Demidieux ? Ce sont des petites villes, et c’est à peine trente kilomètres…

— Il faut croire qu’il y a des subventions à prendre pour Léonardo à la Région. À nous, ils en donnent aussi pour faire le plein d’essence. C’est sûr que maintenant qu’il n’y a plus de train, on va en avoir besoin, d’essence.

— Mais l’essence, c’est importé. On n’en produit pas en France. Je croyais que le Bataillon Français voulait fermer les frontières et taxer les produits importés. Alors que d’un autre côté ils dénoncent les taxes trop élevées sur l’essence (5). Ça ne tient pas debout leur histoire.

— Vous savez, depuis quelques temps, je ne cherche plus à comprendre. Allez, montez, je vous ramène à Valmont. »

A suivre…

 

Ceci est une fiction, mais…

1 – Au conseil régional de Rhône-Alpes, Bruno Gollnisch a déclaré le 21 avril 2010 que l’exploitation des lignes de chemin de fer doit être confiée à des opérateurs privés. En réalité, les déclarations du FN concernant les TER sont contradictoires, entre demande d’investissements et appels à la privatisation.

2 – Au conseil régional de Rhône-Alpes, le FN a pour obsession de demander qu’on installe caméras de surveillance et agents de sécurité dans les gares censés éviter la délinquance. Alexandre Gabriac, le 21 avril 2010, a demandé à ce que soit conduit « un audit sur l’insécurité dans les transports en région Rhône-Alpes, comprenant les origines géographiques, sociales et culturelles, de la délinquance et des délinquants ».

3 – Au conseil régional de Rhône-Alpes, le 1er juillet 2011, Maurice Faurobert (FN) a dénoncé une «idéologie politicienne écolo-verte qui vous ordonne ce combat d’extermination de l’automobiliste et des transports routiers» parce que la Région (dont les transports en commun sont la compétence et non les routes) ne souhaitait pas financer de projets routiers.

4 – Au conseil régional de Rhône-Alpes, le FN propose des mesures en faveur des automobilistes, dont le permis de conduire à zéro euro (Charles Perrot, le 15/12/2010).

5 – Le 3 décembre 2009 au conseil régional de Rhône-Alpes, Maurice Faurobert dénonçait «l’augmentation scandaleuse du prix de l’essence» et «la persécution fiscale des automobilistes tant au niveau national que régional».

 

 


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