1. La Région, une scène nationale
Administrer une Région, surtout lorsqu’elle pèse plus de 3 milliards d’euros, ça ne manque pas d’allure. Mais, par le même temps, la mission a du mal à rendre visible son principal acteur, au regard des compétences d’une telle collectivité : pas d’actions spectaculaires, quasi pas de prise sur les impôts, pas de grands projets de bâtisseur…
C’est sans compter l’inventivité de Laurent Wauquiez, qui ne voit pas en quoi l’énergie mise au service de ses ambitions ne serait également bénéfique à la gestion politique d’un territoire.
En campagne depuis de nombreux mois, à travers une France qu’il a littéralement sillonnée, Laurent Wauquiez a toutefois réussi à prendre deux jours pour présider le conseil régional réuni en assemblée plénière, fin novembre.
« Il a fait une pause dans sa campagne, c’est gentil », a ironisé une élue écologiste.
Un minimum pour faire voter le budget de la collectivité, mais aussi pour amender la convention portant sur les trains régionaux, etc. À nombre de ces questions régionales, Laurent Wauquiez aura donné une couleur très nationale, dans les explications de texte politiques qu’il a données.
Dans cet hémicycle, les élus d’opposition tout comme ceux de la majorité sont forcés de jouer sur la partition imposée. Et elle est donc nationale. Relisez notre article sur la dernière assemblée plénière du conseil régional, riche en rebondissements (pu-putch et révolution de po-poche).
2. Une crèche à tout prix (et en mode balec)
La Région Auvergne-Rhône-Alpes devient la scène de questions auxquelles elle ne s’attendait pas nécessairement. La formation, les lycées, les trains régionaux constituent d’après ce que l’on sait les principales prérogatives de la collectivité. Mais le patrimoine, la sécurité, les traditions, sont devenus des préoccupations accédant à un statut au moins aussi important. Voire davantage en termes de com’.
Un exemple de ce que nous évoquions dans le point précédent. Laurent Wauquiez avait installé une gigantesque crèche de Noël en décembre 2016, dans le hall d’entrée du conseil régional, à Confluence. Quasi un an plus tard, la justice administrative, saisie, s’est prononcée sur la légitimité d’un tel dispositif dans le bâtiment public : la crèche a été jugée illégale. Ce qui a provoqué une colère vexée chez le président de Région.
On le retrouve en décembre 2017, qui a gardé sur l’estomac la décision de justice telle une dinde trop grasse, versant alors dans la provoc’ vengeresse. Une exposition maousse vient d’être mise en place, toujours dans le hall du conseil régional, ayant pour objet « les Métiers d’art et traditions populaires ». Elle met en avant -on vous le donne en mille- le travail artisanal des santonniers de la région.
Voilà qui permet à Laurent Wauquiez d’une part de lancer un bras d’honneur à ses détracteurs. Et, d’autre part, de montrer qu’il n’a peur de rien ni de personne, pas même de la justice qui avait estimé qu’aucune tradition culturelle ne justifiait le montage d’une crèche à la Région. Quel punk.
Pour rappel, les santons sont d’abord une tradition provençale. Un ancien élu local, de droite, croyant, a exprimé une forme de tristesse lasse, via sa page Facebook :
« Nouvelles Crèches de Noël exposées au siège de la Région RA-Auvergne. Quand le conseiller d’Etat Wauquiez piétine la jurisprudence du Conseil d’Etat, quand la naissance de Dieu fait homme venu apporter la paix est instrumentalisée pour un combat politicien… Triste. »
La caution centriste de Laurent Wauquiez, l’ex-juppéiste Virginie Calmels avec laquelle il forme un binôme pour prendre la tête de LR, a revendiqué à son tour à la radio les racines judéo-chrétiennes de la France. « C’est de l’art », a-t-elle insisté.
3. Un homme, si ce n’est libre, au moins libéré-délivré
Laurent Wauquiez, c’est un homme qui dépasse donc les bornes. C’est un style assumé, pour celui qui se présente même comme un homme libéré -c’est à dire qu’autrefois, lorsqu’il était jeune député, il dit s’être senti obligé de tenir un discours qui convenait à ce qu’auraient attendu de lui les médias. Ce qu’il a dit :
“Jeune député à l’Assemblée nationale, j’ai fait le singe savant en récitant la partition qu’attendaient les médias”.
Plus de complexe ou de timidité mal placée, désormais. « Grand remplacement » et « no-go-zones », les thèmes ancrés à l’extrême droite sont absorbés, maniés. Ou comment parler à tort et à travers. Laurent Wauquiez n’hésite pas à évoquer des « quartiers perdus de la France » en parlant de Saint-Etienne et de Firminy. Là où les caméras de l’émission Le Quotidien se sont promenées pour entendre l’inverse, de la part de commerçants, d’habitants, d’agents de police.
Images et reportage à voir ci-après.
4. Fillon, Sarkozy : bons baisers d’ici
Laurent Wauquiez n’a rien d’un enfant de choeur et personne dans son propre camp ne dira le contraire. Pour autant, à l’heure de « refonder la droite », de faire en sorte qu’elle soit « de retour » (la punchline de sa campagne), le président de région fait en sorte d’être « rassembleur ».
Une rencontre devait avoir lieu à Lyon, ce vendredi, avec Nicolas Sarkozy, d’après la presse locale. En toute discrétion. L’ancien président de la République est l’invité du congrès Selectour (géant du tourisme créé par le lyonnais Laurent Abitbol) et trouvera donc un moment dans sa journée pour discuter avec Laurent Wauquiez.
Lui qui n’est jamais avare de coups, distribués jusque dans son propre camp, en avait notamment donné quelques uns en direction de François Fillon, dont il aurait bien volontiers pris la place lorsque ce dernier nageait dans sa propre mare de pétrole.
Mais cette semaine, tout ça semble oublié. Laurent Wauquiez a publié sur son compte Facebook un lapidaire propos indiquant qu’il a bien rencontré le candidat de son parti, déchu. Sur la photo, François Fillon a l’air contrit et/ou fatigué, on ne sait pas, légèrement en retrait. Pas convaincu ?
5. « J’aurais l’impression de me prostituer » : quid des autres candidats ?
Qui est capable, là, comme ça, les yeux fermés et sans appeler à l’aide Google, de dire qui sont les adversaires de Laurent Wauquiez pour la présidence de Laurent Wauquiez et, même, combien peut-on en compter ? Ils sont deux, ils s’appellent Florence Portelli et Maël de Calan. Ils ont à peine été entraperçus, ce qui a permis à la famille politique LR d’apparaître relativement unie, soudée. Et à ces deux-là de se montrer et de se lancer dans un tour de chauffe.
Pas nécessairement voués à tomber dans l’oubli, Florence Portelli et Maël de Calan auront joué le rôle circonscrit qui leur a été confié, celui de faire-valoir, de pivots rendant possible l’élection. Laurent Wauquiez pourra a minima les en remercier.
Toutefois, on notera les propos de Florence Portelli au sujet de Laurent Wauquiez, tenus à Anne Sinclair pour le Huff :
« Je ne travaillerais pas avec lui. J’aurais l’impression de me prostituer après cette campagne où je prends le contrepied de ce qu’il dit »
Les adhérents LR voteront par voie électronique ce dimanche 10 décembre et peut-être le 17 décembre s’il y a un second tour. Le président d’Auvergne-Rhône-Alpes a prévu de glisser son bulletin de vote à 10h30, au Puy-en-Velay, sa bien-aimée.
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