Mercredi, on y a notamment causé hébergement, maîtrise des données et alternatives libres.
Dans les allées et les bâtiments du site de la Manufacture de Saint-Étienne s’est réuni le monde du logiciel libre. Le rendez-vous, annuel et itinérant, a posé ses valises dans la Loire avec les mêmes objectifs : poursuivre sa promotion, informer le grand public et présenter des alternatives aux services et outils propriétaires. Notamment ceux des fameux mastodontes, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Microsoft).
Mais aussi causer sécurité et protection de nos données. Nos mails, nos photos, nos conversations… Beaucoup de nos données sont hébergées en ligne. Où sont-elles physiquement conservées ? Quelle utilisation en est faite et quelle maîtrise en avons-nous ?
«Le cloud n’existe pas, c’est juste l’ordinateur de quelqu’un d’autre »
Pour Tristan Nitot, fondateur de l’association Mozilla Europe :
« Si vos données sont dans un datacenter d’Amazon aux USA, la NSA joue à domicile ! »
Une façon de poser les enjeux du stockage en ligne de nos données, ce fameux « cloud », tout en le matérialisant. Cet espace n’est pas évanescent : nos données sont hébergées sur des serveurs.
Il enchaîne :
« J’aime beaucoup le slogan de la FSFE (Free Software Foundation Europe) qui dit : « le cloud n’existe pas, c’est juste l’ordinateur de quelqu’un d’autre ». C’est exactement ça. »
Bien souvent ces services sont gratuits. Facebook, Gmail ou Google Drive.. C’est là que se cache le loup pour celui qui travaille maintenant chez CozyCloud, qui propose des services d’hébergement et de gestion de ses données.
« Si vous utilisez un hébergement gratuit, posez-vous la question du business model derrière. On a souvent l’impression qu’on est les clients de Google. Mais les vrais clients de Google ce sont les annonceurs qui passent de la pub et Google cible les campagnes à partir de nos données. »
Stocker ses données en « circuit-court »
Comment alors avoir confiance en son hébergeur ? En se tournant vers du local, selon Camille Laffitte qui a monté Webelys, hébergeur basé aujourd’hui à Limonest. Pour lui, il s’agit d’une démarche identique à celle des circuits-courts pour l’alimentaire.
Comme on choisit de manger et de boire local, on peut choisir de stocker local.
« Il y a de plus en plus de demandes de la part des clients soucieux d’un hébergement régional de leurs données. Le discours des solutions propriétaires est de dire : ‘Faites-nous confiance on sait ce qu’on fait’. Un hébergeur local, il peut dire en plus ‘Venez voir où sont stockées vos données’. Et en utilisant des logiciels libres on peut en plus montrer comment elles sont administrées ».
Pour Jérôme Herledan, de Linagora, éditeur de logiciel libre qui travaille notamment avec des administrations le mouvement prend de l’ampleur. Et les enjeux de maîtrise des données à l’heure de grandes affaires de surveillance et les récents piratages de « rançongiciels », seraient de mieux en mieux saisis.
« Il y a une volonté de se réapproprier les technologies, de trouver des alternatives aux GAFA. »
« Passer du cloud François au cloud Nougaro »
Cela passe forcément pour lui par le logiciel libre. Pour faire fonctionner techniquement les serveurs mais au-delà dans l’esprit de protection des données et de liberté pour l’utilisateur.
« Le logiciel libre assure l’interopérabilité des données. Si on utilise des services d’hébergement « libres » on peut facilement déménager nos données. Si on veut passer du cloud François au cloud Nougaro c’est possible plus facilement »
Autre solution : héberger soi-même ses données. Et si possible utiliser des solutions de cryptage. L’objectif est double : éviter l’utilisation et rendre plus difficile le piratage de nos données. Pour Tristan Nitot c’est aussi un enjeu de décentralisation d’internet de plus en plus phagocyté par les grands péages incontournables que sont devenus les GAFAM.
« Il faut distribuer les systèmes. Pour rendre le contrôle plus difficile notamment. La grande leçon des révélations de Snowden c’est qu’en centralisant les données on rend plus facile leur piratage. Dans l’idéal il faudrait que les gens sachent administrer leur propre réseau »
« On ne peut pas maîtriser toutes ses données »
Des compétences techniques qui ne sont pas à la portée du grand public. Notre vie numérique étant difficilement inévitable aujourd’hui, faut-il alors accepter de perdre un peu de maîtrise de ses données ?
Pour Camille Laffitte, c’est une question de curseur à placer.
« On ne peut pas maîtriser toutes nos données. Il faut déterminer où on place le curseur. Mais les attentes et les exigences, avec des affaires comme Snowden, sont en train de monter. Il y a actuellement un effet de croisement avec une plus grande démocratisation des outils et des services, notamment ceux venant du monde du libre. »
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