Dans une 2ème circonscription de Lyon ancrée à gauche, Hubert Julien-Laferrière, maire du 9e arrondissement, peut l’emporter mais rien n’est joué.
La gauche d’Emmanuel Macron pouvait espérer gagner cette circonscription alors que le député sortant, le socialiste Pierre-Alain Muet, ne se représente pas et a adoubé Nathalie Perrin-Gilbert, certainement la candidate la plus connue du lot.
Les résultats du premier tour de la présidentielle ont donné du crédit à l’hypothèse.
Dans cette circo du Rhône au découpage très particulier (le 1er, une partie du 2ème, le 4ème, une partie du 9ème arrondissement), les voix cumulées de Mélenchon (25,80%) et Hamon (9,87%) dépassent de six points le score de Macron, toutefois arrivé en tête.
Une occasion manquée pour la partie gauche de Macron
La candidate « unitaire » aurait pu être la maire du 1er, Nathalie Perrin-Gilbert qui a gagné l’arrondissement aux municipales de 2014 à la tête du coalition GRAM (son mouvement) et du Front de gauche.
Elle a annoncé sa candidature « citoyenne » en novembre et le Parti de gauche (fondateur de la France insoumise) participe toujours à sa majorité du 1er arrondissement, avec les autres formations de feu le Front de gauche.
Mais il n’y a pas eu de rapprochement. Andréa Kotarac, l’un des représentants de France insoumise (FI) dans le Rhône (et lui-même candidat dans la 7ème circonscription), défendait la ligne, au risque d’être accusé de visée hégémonique sur la gauche (lire par ailleurs) :
« Certes, on aurait pu se dire qu’on était dans les mêmes majorités. Mais les négociations se font au niveau national. Ce n’est donc pas possible de faire des accords locaux. »
Résultat, la France insoumise a investi Eleni Ferlet sur la 2è circo. La candidate refuse d’endosser le rôle de celle qui divise les voix de la gauche :
« Nous sommes dans la suite de l’élection présidentielle, nous présentons toujours le même programme « l’Avenir en commun ». C’est lui, le candidat ».
Au final, Nathalie Perrin-Gilbert, partie initialement sous les couleurs de son mouvement « citoyen », le GRAM, se présente quand même dans une logique de rassemblement de la gauche.
Elle a conclu un accord avec le PCF et Ensemble !, deux des trois composantes de l’ex-Front de gauche. Aline Guitard, la patronne des communistes de Lyon, sera sa suppléante en cas d’élection.
Elle a également obtenu l’accord (et le logo sur les affiches) des socialistes « hamonistes ».
Et pour compléter la photo de famille, l’ancien député de la circonscription, Pierre-Alain Muet et l’ancien président de la Région, Jean-Jack Queyranne (tous deux socialistes) ont apporté leur soutien.
Outre les insoumis, la maire du 1er arrondissement trouvera, sur sa gauche, les écologistes.
Thomas Dossus, secrétaire du groupe EELV Lyon nous expliquait la stratégie à l’oeuvre chez les Verts, en l’absence d’accord avec la France insoumise :
« Faire exister au maximum l’écologie politique d’autant plus qu’on n’était pas directement présent à la présidentielle. »
Il y a donc un candidat écolo par circonscription dans le Rhône. Dans la 2ème, le candidat est Rémi Zinck. Et il pourrait prendre des voix à Nathalie Perrin-Gilbert comme à Eleni Ferlet.
La droite divisée, comme à son habitude
La division de la gauche pourrait profiter à la droite même si elle est, elle aussi, explosée.
Les candidats n’ont pas réussi à s’entendre. Le maire UDI du 2ème arrondissement, Denis Broliquier se retrouvera face à Laurence Balas, conseillère municipale (LR) du 6ème arrondissement.
Il et elle regrettent « cet état de fait ». Mais aucun ne veut céder.
Pour sortir du guêpier, Denis Broliquier a demandé à Laurence Balas de devenir sa suppléante. Elle lui a retourné la proposition. « Je vous en prie après vous – je n’en ferai rien allez-y ».
Afin de gagner dans cette circo de gauche, Laurence Balas ne mise que sur une triangulaire.
Il y a cinq ans, Denis Broliquier s’était déjà présenté comme « indépendant ». Le « dissident » du 2ème avait été largement battu par le candidat de la droite, Emmanuel Hamelin -qui avait été lui-même battu par le socialiste Pierre-Alain Muet.
Le candidat macroniste s’y voit déjà
C’est enfin l’heure de l’éternel sacrifié de la Collombie. Longtemps écarté à la dernière minute par le patron du PS lyonnais, Hubert Julien-Laferrière a été finalement choisi par Gérard Collomb, premier soutien d’Emmanuel Macron.
Même s’il n’aime pas cette étiquette qu’on lui affuble, il a joué à de nombreuses reprises de fusible, la variable d’ajustement dans le montage par Gérard Collomb, des différentes campagnes électorales au local. On dirait que sa patience et sa résilience ont payé, puisque le voilà enfin sérieusement investi avec la possibilité de devenir député, rien de moins.
Le maire du 9ème arrondissement, initialement investi par le PS, a donc perdu cette étiquette pour en trouver une autre plus vendeuse, La République En Marche (LRM).
La candidate LR Laurence Balas a alors pu s’en donner à coeur joie et ironiser sur ce candidat du « renouvellement socialiste ».
En interne cette investiture a également fait un peu de remou.
Certains marcheurs qui souhaitaient le renouvellement ont toussé, d’autres ont préféré s’investir auprès de candidat LRM dans des circonscriptions voisines, au service de Thomas Rudigoz (le maire centriste du 5ème arrondissement dans la 1ère circo ou dans la 5ème circo avec Blandine Brocard, adjointe au maire de Saint-Germain-au-mont-d’Or.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts du Rhône et de la Saône et les Marcheurs se sont remis en marche : réunions d’appartement ou ateliers thématiques, la force de frappe macroniste semble partir surtout du comité de la Croix-Rousse qui compte plus de 200 adhérents.
Hubert Julien-Laferrière mise sur un « effet Macron » et la division de la gauche.
Il tente de faire oublier son appartenance au PS. À l’entendre, c’est même Nathalie-Perrin Gilbert qui aurait demandé l’investiture socialiste :
« NPG a cherché l’investiture PS jusqu’à la dernière seconde. C’est pour ça qu’elle a appelé à voter Mélenchon seulement deux jours avant le 1er tour. »
L’intéressée dément et réaffirme son positionnement : une candidature citoyenne. Nathalie Perrin-Gilbert précise qu’elle a déposé en préfecture sa candidature sous l’égide de la « Caisse claire », le regroupement aux législatives des candidatures hors partis.
La campagne du « renouveau »
Un signe des temps : même la candidate LR affirme en tête de ses préoccupation qu’il faut « faire de la politique autrement et renouveler la vie politique ».
Ce discours est surtout celui de La République En Marche ou de la France insoumise. Ces deux mouvements mettent en avant leurs adhérents qui n’ont, pour la majorité d’entre eux, aucun parcours militants.
Mais c’est aussi le créneau de Nathalie Perrin-Gilbert (de longue date, il faut le lui concéder) : « de nouvelle pratiques politiques » avec une campagne « où l’on parle de ce qui intéresse les gens ».
Elle en profite pour étriller les mouvement de Macron et de Mélenchon :
« D’un côté on a le faux nez de la droite, de l’autre un parti politique hyper vertical qui ne dit pas son nom. »
Pour prétendre lui aussi au « renouveau » en vogue, Hubert Julien Laferrière a la carte suppléante. Soit une jeune femme engagée sur le terrain, Coralina Lacombe, éducatrice, préoccupée par les questions des migrants, de la solidarité et l’économie sociale.
Avec un profil plutôt marqué très à gauche, pourquoi aller chez En Marche !, où la tambouille fait place à tout le monde.
« Parce que personne d’autre n’est jamais venu me chercher. Pour la première fois, on m’a dit que je pouvais apporter quelque chose, avec mon expérience de terrain. Ces questions me tiennent à coeur et je pense enfin pouvoir les défendre. »
La situation politique est également inédite par le brouillage que le premier gouvernement formé par Edouard Philippe a entraîné.
Lors de la primaire de la droite, Laurence Balas a soutenu Bruno Lemaire, nommé depuis ministre de l’économie.
Les candidats aux législatives 2017 sur la 2e circonscription :
Nathalie Perrin-Gilbert (Gram)
Laurence Balas (Les Républicains)
Denis Broliquier (UDI)
Hubert Julien-Laferrière (République en marche)
Eleni Fernet (France insoumise)
David Tabellion (Front national)
Rémi Zinck (Europe Écologie Les Verts)
Arlette Couzon (Lutte Ouvrière)
Aurore Montauban (Debout la France)
Anne Morel (UPR)
Jacqueline Pelerins (Mouvement 100 %)
Valentin Bernard (Parti animaliste)
Michel Mouchbahani (Parti Chrétien Démocrate)
Alain Guillon
Xavier Broutin
Roxane Hirtzberger
Kamel Kroubi
Felina Martinez Rodriguez
Evelyne Dijoux
Robin Jamon
Les résultats du 1er tour de la présidentielle sur la 2e circonscription (en % des suffrages exprimés)
Emmanuel Macron 29,55%
Jean-Luc Mélenchon 25,80%
François Fillon 23,28%
Benoît Hamon 9,87%
Marine Le Pen 6,90%
Nicolas Dupont-Aignan 2,03%
Jean Lassalle 0,54%
Philippe Poutou 0,81%
François Asselineau 0,76%
Nathalie Arthaud 0,32%
Jacques Cheminade 0,14%
Abstention (% inscrits)19,27%
Vote blanc (% votants 1,05%)
Les résultats du deuxième tour sur la 2e circonscription
Emmanuel Macron 86,48 % des suffrages exprimés
Marine Le Pen 13,52%
Abstention 23,59 % des inscrits
Vote blanc 7,0746 % des votants
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