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Justine, militante du NPA, préfère l’abstention à Philippe Poutou

Révolutionnaire en herbe, Justine, 19 ans, s’apprête à vivre sa première élection en tant que majeure. Mais la présidentielle, ce sera sans elle. Militante du NPA depuis le mouvement contre la loi travail, Justine est catégorique : elle ne votera pas pour Philippe Poutou.

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Justine, militante du NPA, préfère l’abstention à Philippe Poutou

Alors que le NPA a obtenu sur le fil les 500 parrainages nécessaires à la candidature de Philippe Poutou, il lui faut composer avec une autre réalité : certains de ses militants les plus dynamiques n’iront de toute façon pas voter pour lui.

C’est le cas de Justine, étudiante en deuxième année de licence de sociologie à l’université Lyon 2. Malgré l’enthousiasme qu’elle nourrit vis-à-vis de ce parti et l’énergie qu’elle y consacre, la jeune femme refuse d’être partie-prenante d’un système «pseudo-représentatif qui [la] débecte », et fait le choix de l’abstention.

Militer au NPA : pluralité des luttes et ancrage local

Quand on lui demande s’il n’est pas paradoxal d’être abstentionniste tout en acceptant de facto le système partisan, Justine, sourire en coin, hésite avant de répondre que tout type d’organisation a sa place au sein des luttes politiques.

« Pour l’instant, explique-t-elle, j’y trouve mon compte, et, plus que sa forme, ce sont les idées qui y sont véhiculées qui m’intéressent. »

Les idées ? Ce sont d’abord, à ses yeux, un ensemble d’idéaux révolutionnaires qui se concrétisent dans les combats qu’elle mène : du féminisme à l’antiracisme en passant par l’écologie, le NPA est, selon elle, « le lieu d’une véritable convergence des luttes », aussi localisées et spécifiques soient-elles.

C’est cela qui a en grande partie motivé son choix d’adhérer au NPA où, en plein mouvement contre la loi travail, elle était désireuse de rejoindre une organisation.

Elle n’aurait jamais pensé auparavant entrer dans une organisation partisane :

« Je ne pensais pas du tout entrer dans un parti politique : pour moi c’étaient surtout des bonshommes à la tête d’organismes qui se tapent dessus entre eux. Et il n’y avait pas grand-chose d’autre. »

Cette défiance vis-à-vis des partis politique vient, ajoute-t-elle, de la culture anarchisante dont elle est issue : entre un père sensibilisé au socialisme municipal et décentralisé par son propre père, élu communiste « hétérodoxe » dans l’Allier, et sa mère, ancienne punk.

Et pourtant, après avoir regardé du côté de Greenpeace, de la Coordination des Groupes Anarchistes (CGA) et de multiples autres associations, c’est le NPA qui a emporté la préférence de Justine.

Contrairement à ceux de Lutte Ouvrière, les militants du NPA ne lui paraissent pas obsédés par les vieux paradigmes de la révolution prolétarienne et de la lutte des classes, signe, à ses yeux de son caractère « pragmatique » et « non anachronique ».

Justine a en outre l’impression d’avoir la pleine capacité de militer à Lyon sans se sentir obligée d’obéir à des directives d’un bureau national parisien. Cela ne l’empêche pas de se montrer critique vis-à-vis de certains de ses camarades qui raillent son végétarisme et de son côté « hippie ».

Le mouvement contre la loi travail, véritable catalyseur

Comme de nombreux jeunes gens, Justine a basculé dans le militantisme « révolutionnaire » avec le mouvement contre la loi travail, aidée dans ce sens, dit-elle, par l’atmosphère « insurrectionnelle » caractéristique de son université.

Scandalisée, lorsqu’elle était plus jeune, par les comportements « individualistes » de ses voisins « pollueurs » de Haute Savoie, à proximité de la vallée de l’Arve (« la plus polluée de France » rappelle-t-elle), Justine ne savait alors pas trop comment agir.

Difficile, pour elle, de savoir quelle méthode adopter pour changer le comportement de riverains prenant leur voiture pour faire 500 mètres sans se poser de questions.

Désormais, elle en a la certitude : il s’agit de faire contre-société dans tous les domaines possibles, à commencer par celui de la démocratie représentative.

Refus du « culte de la personnalité »

Maîtrisant à la perfection l’art de mettre systématiquement les mots au féminin, Justine explique son choix abstentionniste :

« Si on vote, même si c’est pour un petit candidat ou une petite candidate, on restera dans ce système auquel je n’adhère pas du tout. »

Elle se souvient, dans un rire, des slogans lancés par ses camarades lors des dernières manifs :

« Pour une abstention utile, votez Poutou ! » ou encore « Un seul Dieu, un seul maître : Philippe Poutou ! ».

Elle conçoit qu’il peut être utile de voter pour un candidat dont on suit les idées, mais dans une perspective réduite : promouvoir un petit parti et hisser quelqu’un qui ira les défendre sur des plateaux-télé.

En revanche, Justine ne pense pas que c’est à ce niveau que les choses se font véritablement.

« Aussi louables soient-elles, ces initiatives, tout comme celle de LaPrimaire.org, ne servent qu’à redonner du crédit à des élections présidentielles dont il n’y a absolument rien à attendre ».

Au sujet du scrutin présidentielle, elle se montre même très critique :

« Pour moi, c’est essayer de faire quelque chose de différent mais qui reste en réalité complètement dans le système. »

Car ce système se caractérise par une constante : le culte de la personnalité, que la jeune femme abhorre au plus haut point. Hostile, sur ce point, à la démarche de Jean-Luc Mélenchon et de son mouvement « La France insoumise » (un nom « nationaliste », à ses yeux), elle n’hésite pas à se dire « effrayée » par la perspective de mettre une personnalité en avant :

« Dès qu’il y a un individu qui se retrouve porteur d’idées et qui est porté sur le devant de la scène, ça me fait peur, je suis toujours méfiante, et c’est aussi pour ça que je ne vais pas voter. »

À l’idéal de l’homme-providentiel, Justine oppose ainsi celui des initiatives collectives « par le bas ».

Très réceptive au documentaire Demain, devant lequel elle dit avoir pleuré « tout ce qu’[elle] pouvai[t] », elle est aujourd’hui persuadée de la force ruisselante des initiatives collectives locales et préconise l’action positive à la mesure de ses moyens. Dans la perspective des « colibris » et de Pierre Rabhi, il s’agit de « faire sa part ».


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